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Citations de Gabrielle Roy (241)


Telle était Miss O'Rorke. Sa préférence morne et accablante allait toujours à ce qu'elle avait perdu, et s'il y avait des coins du monde qu'elle vantait sans répit, c'étaient toujours ceux-là où elle était assurée de ne plus remettre les pieds.
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Dans un pays où on était souvent silencieux, faute d'avoir du nouveau à commenter, il détenait le record de la taciturnité. Il passait pour avoir mené ses affaires, accepté des commissions, rendu service, accompli son devoir de facteur, fait l'amour, procréé des enfants, tout cela sans avoir prononcé plus d'une dizaine de phrases.
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Le télégramme entre les mains, Eveline restait songeuse, hésitant- et cela lui parut presque inconvenant que Majorique? - hésitant entre l'inquiétude et l'émerveillement. Comme c'était bien là la marque de Majorique, pensa-t-elle, de laisser les gens en suspens, aux frontières de la joie et du chagrin.

Mais soudain, Eveline se reprit: qu'avait-elle donc à tant hésiter? Majorique la demandait et, quelle que fût son intention, elle devait accourir sur-le-champ.

Avait-elle seulement l'idée de la distance entre Winnipeg et ce petit village de Californie où habitait Majorique: Bella Vista? Probablement pas, car la folie de son frère, pour qui un voyage de mille milles s'entreprenait aussi facilement qu'une visite à un voisin, cette folie la gagna aussitôt entièrement.
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Et souvent, oui, très souvent, il parlait des îles… Lesquelles ? lui demandait-on. Et alors il en nommait quelques-unes en riant à sa façon secrète: « Honolulu peut-être, ou les îles Fiji… peut-être bien la Nouvelle-Zélande et l'Australie qui sont aussi des îles… et même les continents sont des îles… » Maintenant qu'elle y pensait, Eveline se rappela que toute sa vie Majorique avait eu ce mot aux lèvres, l'associant à quantité d'idées abstraites. Ne disait-il pas à tout propos: l'île du bonheur, l'île des aventures…?


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Dans sa vieillesse, quand elle attendait plus grande surprise ni pour le cœur ni pour l'esprit, maman eut une aventure. Elle lui arriva par Majorique, le frère qu'elle n'avait jamais cessé de chérir tendrement, peut-être parce qu'il menait la vie qu'elle eût aimée pour elle-même: partir, connaître autant que possible les merveilles de ce monde, traverser la vie en voyageur. Toute sa vie, d'adulte, captive de son foyer, de ses devoirs, jamais maman n'avait abdiqué son désir de liberté et quand la liberté vint enfin, ce fut avec la douleur des séparations. Son mari au cimetière, ses enfants dispersés, elle eut le cœur enchaîné par les souvenirs et le chagrin. Et d'ailleurs, elle n'avait plus ni bonnes jambes ni le cœur très solide. Ainsi va la vie sans doute. Et pourtant, c'est alors que maman eut sa récompense. Un jour de janvier, au Manitoba, elle reçut de Californie ce curieux télégramme : Majorique à la veille du grand départ souhaite revoir Eveline. Argent suit.
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Dans sa vieillesse, quand elle attendait plus grande surprise ni pour le cœur ni pour l'esprit, maman eut une aventure. Elle lui arriva par Majorique, le frère qu'elle n'avait jamais cessé de chérir tendrement, peut-être parce qu'il menait la vie qu'elle eût aimée pour elle-même: partir, connaître autant que possible les merveilles de ce monde, traverser la vie en voyageur. Toute sa vie, d'adulte, captive de son foyer, de ses devoirs, jamais maman n'avait abdiqué son désir de liberté et quand la liberté vint enfin, ce fut avec la douleur des séparations. Son mari au cimetière, ses enfants dispersés, elle eut le cœur enchaîné par les souvenirs et le chagrin. Et d'ailleurs, elle n'avait plus ni bonnes jambes ni le cœur très solide. Ainsi va la vie sans doute. Et pourtant, c'est alors que maman eut sa récompense. Un jour de janvier, au Manitoba, elle reçut de Californie ce curieux télégramme : Majorique à la veille du grand départ souhaite revoir Eveline. Argent suit.
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Gabrielle Roy
Se haïr... Il ne fallait pas être le plus grand savant pour connaître que c'est la pire souffrance de l'homme.
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Presque tous les humains, au fond, sont nos amis, pourvu qu'on leur laisse la chance, qu'on se remette entre leurs mains et qu'on leur laisse voir le moindre signe d'amitié.
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Plus il est nourri de joies, plus le coeur est insatiable.
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Pour le meilleur des hommes, l'argent n'est-il pas une pierre d'achoppement, un danger pour l'âme, une source de dureté souvent !
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C'est à l'usage que la justice s'apprend.
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Ce fut la dernière recommandation qu’elle adressa aux
siens. Nick Sluzick n’en pouvait plus de gaspiller son temps.
De toutes les actions humaines, aucune ne lui paraissait aussi
vaine et aussi superflue que le fait de se dire au revoir. Ou bien
l’on ne partait pas, ou bien l’on partait; en ce cas, l’événement
était assez explicite pour se passer de commentaires. Il cracha
sur un côté du traîneau. D’une main, il tira sa grande moustache
jaune, de l’autre il ramassa les rênes. Et l’on fut dans la
neige molle, inégale, en buttes par ici, en creux par là, qui était
la route de Portage-des-Prés.
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Les deux aînés n’étaient pas les seuls enfants Tousignant à
porter des prénoms composés. Comme pour mieux peupler
la solitude où elle vivait, Luzina avait donné à chacun de ses
enfants toute une kyrielle de noms d’après les grands de l’histoire
ou tirés des rares romans sur lesquels elle avait réussi à
mettre la main. Parmi les enfants qui étaient restés à la maison,
il y avait Roberta-Louise-Célestine, Joséphine-Yolande,
André-Amable-Sébastien; le plus petit, un bébé de quinze
mois, répondait au prénom de Juliette-Héloïse.
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Pierre-Emmanuel-Roger avait apporté un fanal qu’il
alluma et glissa sous les couvertures aux pieds de sa mère. Il la
recouvrit d’une peau de bison puis d’une toile cirée destinée à
empêcher la fourrure d’être trempée. On ne voyait presque
plus rien de Luzina, sinon les yeux au-dessus d’un épais cachenez.
C’étaient de clairs yeux bleus, assez grands, tout pleins
d’affection et, en ce moment, humides d’angoisse. De part et
d’autre, on se regardait d’ailleurs avec la même expression de
stupeur douloureuse comme si, tellement unis dans leur isolement,
ces Tousignant eussent été presque incapables d’imaginer
la séparation. Et eux, qui croyaient avoir depuis longtemps
épuisé tout sujet de conversation, en découvrirent
sur-le-champ un tout à fait neuf. Ils se mirent à parler
ensemble.
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Les plus jeunes enfants étaient restés sur la petite île et, à ce
moment, ils firent leurs adieux à leur mère. Ils pleuraient tous.
En ravalant des larmes et sans cris; ils comprenaient qu’il était
trop tard pour la retenir. Les petites mains, sans suspendre un
seul instant leurs mouvements, s’agitaient dans la direction de
Luzina. L’une des fillettes portait le bébé entre ses bras et elle
l’obligeait à faire aller tout le temps sa menotte. Ils se tenaient
tous les cinq serrés à ne former qu’une seule tache minuscule
contre l’horizon le plus vaste et le plus désert du monde. Une
grande partie de la gaieté de Luzina l’abandonna dans ce
moment. Elle chercha son mouchoir qu’elle ne put trouver
tant elle était gênée par ses lourds vêtements. Elle renifla.
— Soyez bons, recommanda-t-elle à ses enfants, enflant sa
voix que le vent emporta en une tout autre direction. Obéissez
bien à votre père.
Ils tâchèrent de se parler d’une rive à l’autre, et ce qu’ils se
disaient était sans correspondance.
Les enfants rappelaient des souhaits caressés depuis toute
une année. À travers leur chagrin ils s’en souvenaient tout de
même fort bien.
— Une ardoise, Maman, criait l’un.
— Un crayon avec une efface, Maman, lançait l’autre.
Luzina n’était pas sûre de ce qu’elle entendait, mais, à tout
hasard, elle promettait:
— Je vous apporterai des cartes postales.
Elle savait ne pas se tromper en promettant des cartes postales.
Ses enfants en raffolaient, surtout de celles qui montraient
de très hauts édifices, des rues encombrées d’autos, et
des gares donc! Luzina comprenait bien ce goût.
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Deux des enfants aidaient le père, l’un poussant, l’autre
tirant, à manoeuvrer la barque sur la glace, et il fallait y aller
avec beaucoup de précaution; on ne pouvait prévoir à quel
endroit la glace commencerait à céder. Sans trop se tremper,
on atteignit le cours libre de la rivière. De gros morceaux de
glace y flottaient; il fallait ramer vite pour les éviter et aussi
avec force contre le courant de la Grande Poule d’Eau qui était
rapide. Puis on tira la barque sur l’autre bord, non sans peine;
on avait pied sur un terrain peu solide.
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Elle partit vers la fin de mars. La Petite Poule d’Eau était
encore suffisamment gelée pour qu’on pût la traverser à pied.
La Grande Poule d’Eau, toutefois, était libre vers le milieu de
son cours. On se servit de la barque comme d’un traîneau
pour franchir l’espace gelé de la rivière. Luzina était installée
au fond de l’embarcation. On lui avait mis une peau d’ours sur
les genoux, des briques chauffées aux pieds. Hippolyte avait
dressé au-dessus d’elle une pièce de toile grossière qui formait
comme une espèce de petite tente. Parfaitement à l’abri, ne
marquant aucune crainte, Luzina s’intéressa à tous les incidents
de la traversée. Elle montrait de temps à autre un visage
souriant dans l’ouverture de la toile; elle disait, contente: «Je
suis comme la reine.»
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En effet, comment Luzina aurait-elle pu voir une foule,
une véritable foule d’au moins cent personnes, telle qu’il s’en
trouve les samedis soirs dans la rue principale de Rorketon;
comment aurait-elle pu parler avec d’autres personnes qu’avec
son mari, ses enfants qui, au moment où elle ouvrait la
bouche, savaient déjà ce qu’elle allait dire; comment auraitelle
pu goûter ces rares joies du nouveau, de la curiosité satisfaite,
du monde entrevu, si elle n’avait eu pour voyager une
tout autre raison, éminemment sérieuse et urgente! Elle était
une femme raisonnable; elle voulait bien prendre les plaisirs
du voyage, mais pour autant qu’ils apportaient de justes compensations
à l’accomplissement du devoir.
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Cette année-là, il parut que Luzina Tousignant ne pourrait
entreprendre son voyage habituel. Elle avait les jambes enflées;
elle ne pouvait pas se tenir debout plus d’une heure à la fois, car
c’était une femme assez forte, grasse, animée, toujours en mouvement
dès que ses pauvres jambes allaient un peu mieux.
Hippolyte Tousignant n’aimait pas la laisser partir dans cet
état. De plus, on était au pire temps de l’année. Pourtant, c’est
en riant que Luzina se mit à parler de son congé. En plein été,
au milieu de l’hiver, on pouvait à la rigueur sortir de l’île et
même sans trop de difficultés. Mais au printemps, une femme
seule ne pouvait rencontrer plus de hasards, de périls et de
souffrances que sur cette piste de Portage-des-Prés. Hippolyte
tenta longuement de dissuader Luzina de partir. Douce en
toute autre occasion, elle se montra déterminée. Il fallait qu’elle
aille à Sainte-Rose-du-Lac, voyons! Au reste, elle y consulterait
le médecin pour l’eczéma du bébé. Elle ferait réparer la pièce
ébréchée de l’écrémeuse. Elle s’arrêterait quelque temps à Rorketon
pour les affaires. Elle en profiterait pour voir un peu
ce qui se portait maintenant, «car, disait Luzina, ce n’est pas
parce qu’on vit dans les pays sauvages qu’on ne doit pas se
mettre à la mode de temps en temps». Elle donnait cent raisons
plutôt que de convenir qu’il y avait bien quelque plaisir
pour elle à quitter l’horizon désert de la Petite Poule d’Eau.
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La Petite Poule d’Eau traversée, on descendait sur une île
assez grande, peu boisée. Plus d’une centaine de moutons y
paissaient dans la plus parfaite liberté; autrement, on eût dit
l’île inhabitée.
Cependant, il s’y trouvait une maison.
Bâtie de bois non équarri, sans étage, longue, à fenêtres
basses, elle s’élevait sur une très légère montée de l’île, en plein
ciel dépouillé.
C’était là qu’habitaient les Tousignant.
Des sept beaux enfants, sauvages et dociles, un seul avait
été jusqu’au village de Sainte-Rose-du-Lac, pour y faire traiter
une otite très grave. Quelques-uns des autres enfants avaient
parfois accompagné le père qui, deux ou trois fois par année,
se rendait à Portage-des-Prés y prendre les ordres du propriétaire
du ranch dont il était l’intendant.
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