Citations de Gérard-Julien Salvy (36)
La banalité a ses secrets, certains dérisoires, d'autres capitaux. Derrière la banalité, ou l'apparence de banalité, derrière cette raie et ces ustensiles de cuisine se cachait une morale de l'art qui contrairement à ce que nous aurions pu soupçonner, ne s'exprimait pas sous la forme de l'allégorie. C'est pourquoi Chardin fut un maître pour des artistes tels que Cézanne ou Monet, dont les recherches, sans lui sont inconcevables.
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La Joconde - Léonard de Vinci
Bien longtemps encore, Monna Lisa, avec ses mains pudiquement croisées et sa nonchalance affichée, portera sur ses visiteurs cet étrange regard qui semble les tenir à distance, tout en continuant de diffuser l'accablant ennui engendré par la beauté parfaite.
Cette contradiction apparente est peut-être sa raison d'être et le secret de sa renommée autant que celui de son sourire fugace, qui métamorphose son visage tout en le dérobant à notre entendement. Un mystère que personne ne parvient à percer et par lequel tous sont fascinés...
La nature morte existe-t-elle vraiment ? En fait non, car il s'agit d'une dénomination si imprécise que l'on est enclin à penser qu'elle sert à classer les peintures qui n'entrent pas dans d'autres catégories, et sans y mettre beaucoup d'ordre. D'ailleurs, un portrait, qu'est-ce d'autre qu'une nature morte ?
Regarder n'est pas voir.
(Johannes Vermeer - La peinture, Profondeur de la banalité...)
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La Nef des fous - Jérôme Bosch
Un monde renversé comme cette barque sur le point de chavirer sous le poids de ces personnages ivres, aux instincts bestiaux, inconscients de leur sort collectif, ou simplement indifférents.
Jérome Bosch, en artiste sensible aux angoisses et dérives de son temps, associe vice et folie pour dénoncer la dépravation du clergé et l'effondrement de la foi des hommes.
la beauté n'est plus un objet en soi, d'ordre esthétique et de représentation plastique, mais un principe moral qui s'exprime par une sorte de vibration irradiant l'espace du tableau.
demeurait la recherche d'une forme, de la forme; la définition et le développement d'une nouvelle mimesis apte à conférer un ordre aux inventions qui jalonnent un parcours esthétique moins singulier par sa perfection technique ou son homogénéité que par sa cohérence, avec pour finalité de mettre la création au service du salut de l'âme.
les personnages sont abandonnés çà leur solitude pour devenir, à la façon de ceux des drames antiques, les conteurs de ce drame plutôt que les protagonistes.
la sensualité immédiate, épidermique, des compositions antérieures, s'efface pour laisser place à l'immatérialité qui s'inscrit de plus en plus souvent dans les formes non closes, tandis que la couleur joue un rôle accru comme moyen d'expression du sentiment.
les dernières années de la production de Guido reni, au terme dune longue carrière de plus d'un demi siècle, seront donc placées sous le digne du non finito, cet inachèvement, et de cette raréfaction de l'environnement, qui troublèrent tant ses contemporains - même les moins ivres de fureur baroque - et qu'avaient chez lui annoncés une évanescence toujours plus prégnante, une présence toujours plus diaphane du corps, une lumière aux sources toujours plus insaisissables, autant de traits déjà sensibles dans certains de ses derniers tableaux romains.
un autre trait set aussi leur suavité, expression d'une mélancolie qui, il est vrai, depuis Aristote, semble le lot des être porté à la réflexion et à la création, ceci dans un atmosphère sans cesse plus immatérielle car liée à cette délicatesse.
le trait majeur de cette période fut de laisser à l'œuvre cet aspect inachevé que le maniérisme avait presque institué en métaphore de l'impossibilité de dire, mais qui, chez reni, est plutôt la marque du rejet du travestissement de la réalité - ce qui concourt peut être à rendre cette production plus séduisante aux yeux d'un amateur d'aujourd'hui.
c'est précisément alors que Rome s'abandonne au baroque avec ardeur, sous la direction de l'intrépide Bernin, que le bolonais semble traverser une période de doute que reflète une production qui se fait changeante, peu sure et finalement d'une insincérité qui n'est pas le reflet du cynisme mais plutôt la traduction d'une incapacité temporaire à aborder une nouvelle phase d'un parcours esthétique qui n'a pas toujours la vertu consolante des certitudes.
parmi les peintres passés par cet atelier, il conviendra aussi de citer Giovanbattista Salvi, dit Sassoferrato, Giovanni Andrea Sirani - dépositaire lke plus fidèle de son legs, Simone Cantarini, Michele Desublo, le français Jean Boulanger, Ercole De maria dit Ercolino di Guido et Pietro Gallinari dit Pietrino di Guido. Force sera donc de convenir qu'aucun peintre de premier ordre, à l'exception de Sassoferrato, ne sortit de ce cercle.
aucune œuvre, ou presque, durant cette période ne semble avoir été entièrement autographe. Et l'importance, la qualité et la nature de ses interventions variaient de façon impressionnante, allant de la mise en place de la composition générale à de simples retouches finales.
Reni, après avoir rejeté le tragique de Caravage, puis le décorum de Carrache, et enfin la tension vers le sublime de Raphael tendra vers une synthèse qui confèrera à sa peinture ce singulier aspect de noblesse désolée et de tristesse d'un geste comme suspendu dans une froide atmosphère ou les paysages se font toujours plus abstraits et les ciels traversés de nuages toujours plus allusifs.
la beauté a été le point cardinal de la poétique de Reni, son exclusif idéal, qu'il associera toujours à la douceur comme à une idée de la perfection au point de la porter au rang d'une divination, mais sans recourir à une dialectique de l'opposition.
Chez Reni, elle serait plutôt sublimation du beau, sublimation de la vérité de la nature, et en aucun cas cette "négligence étudiée" invoquée par Ciceron.
si Reni demeure la figure exemplaire du classicisme tendu vers la plus grande cohérence, c'est ce que celui ci suppose la libre acceptation d'un ensemble de règles qui impliquent le refus de la décoration pour elle même.
l'ardeur du Carrache romain et sa propension à l'anecdote demeureront définitivement incompatible avec la mélancolie de Reni, moraliste profondément marqué par l'instabilité de son époque et d'autant plus porté à la nostalgie.