Citations de Guennadi Aïgui (15)
« Un peu »
bonheur ? – « Un peu »
béatitude – « Un peu » :
ô murmure : comme vent – du soleil :
de pain – un peu… et de lumière du jour… –
et du petit bruit des hommes
comme d’une nourriture – pour la Mort prête… –
que nous la rencontrions paisiblement
comme si nous étions tous toujours sur tout seuil –
en fraternelle souffrance… –
ô notre liberté !… – lueur d’âme :
simple :
« Un peu »
1975
/traduit du russe par Léon Robel
4
c’est
l’Unique Niveau :
plus haut – dispersés, parlant, finissant de chanter
plus bas
finissant de parler à la Main (et crier) – une telle
Trinité
dans la chaleur torride –
(car
Au mileu – est la Main) –
dans la ville d’aubépines (ou béantes toujours
furent
dans ces ruelles-et cris
aux
bouches noires) –
et – de nouveau
s’introduit l’enfantine
pauvre danse-semblance
sans personne :
Ha - aï - ïaia –
(pas même un spectre d’air) –
ô : A oum...-
/Traduit du russe par André Markowicz
PHLOX DANS LA NUIT DE BERLIN
[à g.a]
et si c’était de mon esprit
que tombait sans qu’il y paraisse toute ma vigueur !
quand dans le halo de faiblesse de ma dite « âme »
crient-et-chantent des villages-brouillards
où de soleils, comme s’ils étaient vivants,
s’attristent – énormes– lointains ! –
parmi leur traînes
(ainsi – le buisson : comme à l’écart de la Patrie :
je ne saurais la dire « mienne »
tremble )
1992
/traduction du russe par Clara Calvet et Christian Lafont.
Le dernier départ
(Wallenberg à Budapest : 1988)
1
cette
cette
figée de frissons (dérisoire fantôme
de quelque éternité)
bouche aux dents noires
du prunellier simple
qui d’une main – la même toujours – solitaire s’éloigne :
à distance – la même
(à côté
là
dans la ruelle) –
c’est une ville d’aubépines – août
Quatre-Vingt-Huit – son centre évident,
cette – unique et omnihumaine –
main – c’est depuis très longtemps
la Simplicité aussi simple
d’une éternité miséreuse-simplette : comme
les petits souliers vieux
dans les Cons-tructions Éternelles
pour
les Cheveux et les Fours...–
/Traduit du russe par André Markowicz
Le Temps
spectralement-charogne – est devenu
(oh, pas trop tôt)
minute pour accopagner
la depuis longtemps
– la Depuis-longtemps infinie… –
(… ils c h a n t e n t …) –
GRONDEMENTS – À LA SUITE
partout – le malheur gronde !
comment – l’endurer ? –
que tu croies ou que tu ne croies pas – qu’il en soit ainsi ou
qu’il en soit autrement
que la volonté de Dieu soit (ou celle de ta propre fatigue) –
qui ou quoi que nous soyons – que nous sombrions ou pas
dans les gouffres ! – qu’il nous soit donné
trouver refuge dans les interstices –
par ce qui nous est propre et nous apaise ! ... –
que tu tressailles encore – toujours plus détruit –
(et ce dès aujourd’hui...– sans répit).
/traduction du russe par Clara Calvet et Christian Lafont.
UN RÊVE – LES FORMES DE ARP *
elle a tressailli
la blancheur du sommeil – par le réveil
de ces forces sans formes sans noms –
– et ce fut comme si pomme soleil colombe
quelque part apparaissaient et faisaient tapage –
puis un matin interminable
dans un champ sans villes sans forêts
se consuma de ses paysages intérieurs –
1985
* Poème écrit à la demande de la société des amis de Jean Arp (1887-1966), pour son 100è anniversaire.
/traduction du russe par Clara Calvet et Christian Lafont.
Jour d’été
C'est l’été. Toute la beauté du monde
Peu à peu se diffuse…
Mais le cœur, est-il bête !
Bat plus fort qu’au printemps.
Les jours d’été préludant à l’automne
Sont plus ardents que les jours printaniers.
Le cœur qui a beaucoup souffert
Aime plus fort que les cœurs jeunes.
Iraïda Petrova-Nars
3
depuis toujours
l’air, on dirait, et la lumière –
ce miroitement :
toujours la même
main...–
depuis longtemps
ayant fait ses adieux à ce Ciel sans parole
interminablement descend dans le ravin
et bénissant la ter-ri-fiante
Terre – elle, en tant que Grenier (ô tant et tant j’en sais
à croire
par l’Univers-Sommeil) –
humide
de la vapeur invisible du sang –
(là, près de moi – remontent
suant
les collines mouvantes
sur les plaines très loin – avec les dos
- bribes-guenilles-priant-le-vent-seul...-
et ne bougeront plus depuis longtemps
se taisent tels la main – et jamais plus
ne tremblera
la main) –
ils sont partis les trains :
ô : Haï – ïa...
A-a - oum...-
Le Temps
spectralement-charogne – est devenu
(oh, pas trop tôt)
minute pour accompagner
la depuis longtemps
– la Depuis-longtemps-infinie... –
(...ils chantent...) –
/Traduit du russe par André Markowicz
Le dernier départ
(Wallenberg à Budapest : 1988)
1
ce
ce
plus personne... – sur l’avis de la poste : commun
et unique
et accompli depuis longtemps
dernier départ –
comme un monde arrêté
(demeure – à celui qui demeure
l’humidité fripée
longue
– là sur le cou les revers et les manches –
du long
vieillissement des yeux – ces yeux, leur multitude) –
…
/ Traduit du russe par André Markowicz
la ville des chardons – seule reste
sans repos, cette
main : qui s’est incarnée
en Consolation éternelle
des consolés depuis longtemps : elle est restée : ô – sans
personne et sans rien – la Consolatrice
la plus
solitaire du monde
la main –
– soudain, ce coup dans la figure : or il y a bien eu
une autre main
blanche – sur la rambarde rouge du balcon
auprès des azalées –
le visage
assombri
la continuation
de la Dernière Porte
(ô combien fut : des champs des plaines
entiers
formés de portes
noires)...-
:
ô : Haïa...-
Le chef de la mosquée est sur le minaret,
Par la rue passe une belle…
S'il regardait, l'office s'arrêterait,
S'il ne regarde pas, son cœur lui brûle.
Nikolaï Zolonitski
Chants tatares (fragments).