Hallgrimur Helgason

L'homme est par nature une fourmi et préférera toujours être un passager sur la route du destin plutôt que décider de sa destination.
En tout cas il ne veut pas assumer cette responsabilité.
Il admire alors tout être qui accepte ce sacerdoce.

La diversité alimentaire restait en outre très limitée, Zéro n'abritant pas le moindre champ ni le plus petit élevage.
Les animaux me fatiguent, avait dit un jour Dieu à Ali. Ils sont tellement superficiels. Ils ne pensent à rien d'autre qu'à leur apparence et leur santé. Parfois je me demande quelle idée m'a pris de les créer.

Il faut se montrer discret avec ses pauvres gamins, disait parfois le Seigneur Universel à Ali. On leur tend à peine un petit doigt qu'ils t'inventes une main, un bras, un système de pensée et toute une putain de dingologie.

En temps de guerre, tout le monde se sent bien, car personne ne contrôle rien. En temps de paix, le malheur s'empare des gens car il faut choisir et refuser.
Toutes les guerres naissent de ce désir infini de bonheur. Il n'est rien de plus effrayant que la paix pour l'homme.
L'homme est par nature une fourmi et préférera toujours être passager sur la roue du destin plutôt que décider de sa destination. En aucun cas il ne veut assumer cette responsabilité. Il admire alors tout être qui accepte ce sacerdoce.
Et lorsqu'il est question de destin, la guerre est des plus radicales. C'est pourquoi on se sent si bien en temps de guerre : on retrouve en nous la paix intérieure. La Seconde Guerre Mondiale était à ce titre une guerre de rêve, car elle était, comme Goebbels l'a décrite, une guerre totale : elle était entière et en tout lieu, elle s'est abattue sur tout un continent, elle a pesé sur les épaules de chaque pauvre âme, ne laissant rien ni personne intouché. Pas même cette femme qui se refusait à y prendre part et vivait cachée derrière le seuil de son appartement, accompagnée de dix-sept bouteilles de liqueur.

[que] l'histoire de l'humanité n'est rien d'autre qu'un serpent à sonnette qui se mort la queue, un cycle sans fin d'inconscience et de bêtise, qui n'a strictement rien à voir avec la VIE, mais qui est une hypertrophie de la folie de l'homme que les femmes de tout temps ont dû endurer.

Qui perd un enfant, se perd soi-même.

C'est là le problème-clé de la vie de femme : nous souhaitons être regardées sans avoir à dire un mot et être écoutées sans être vues.

Telles l'huile et l'eau, les croyances chrétiennes et païennes refusaient de se mélanger, et les deux sœurs se battent toujours en moi.

Pendant quinze ans, j'ai porté cette chose en moi. Pendant quinze ans, mon défunt père a été l'enfant à naître que j'ai porté dans mon ventre. J'imagine que c'est pour ça que j'ai toujours eu un peu d'embonpoint. En donnant enfin naissance, je peux cesser de vivre comme une autruche farcie de honte. L'accouchement fut terriblement douloureux, mais j'avais une super sage-femme : un prêtre islandais en tenue de karaté.

Nos nuits au Mahabharata doivent compter comme l'un des plus beaux produits de la mondialisation. Le Croate célèbre son été indien en Islande avec du champagne français, des sushis japonais et de la musique thaïe supposée détendre les muscles. (Gun apporte le tout, la musique provenant de ses cours.) Les capotes viennent de Manchester en Angleterre et les cigarettes de Richmond en Virginie, ville de notre cher révérend Friendly.

Oui, oui, j'ai porté les mêmes fichus sous-vêtements pendant quatre ans! Mais, d'une certaine manière, on n'avait pas à se plaindre; bizarrement on était heureux. Désormais, je me réveille avec l'odeur du café et le chant des oiseaux, et je passe ma journée, inquiet, à me demander si mon patron est satisfait de mon rapport ou si ma femme me trompe. Et je désire plus que tout une pluie de balles sur le crâne.

C'est pour cela que la langue islandaise n'a pas changé en mille ans: nous ne l'avons jamais utilisée. [...] Les seuls outils véhiculant la langue étaient les susnommés sermons, les épigrammes et le courrier. L'islandais était une langue bien plus écrite qu'orale. Ce ne fut pas avant l'apprentissage de langues étrangères que nous nous rendîmes compte qu'il était possible d'utiliser la nôtre à d'autres fins que la poésie, l'écriture et la lecture.

Mais mes garçons ne savent même pas si on m'habille ou m'autopsie. Ils ne semblent plus comprendre que pour naître en ce bas monde il leur faut une mère. Ils n'y seraient jamais arrivés par leur propre mérite. Non, il leur fallait une mère aux lèvres lascives, à la vulve velue pour expulser cette vermine bâtarde à travers le tunnel jusqu'à la lumière.