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Critiques de Henri Pirenne (4)
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Histoire de Belgique des origines à nos jours.

L'histoire de Belgique de Pirenne constitue un paradoxe. Tous ceux qui l'ont lue s'accordent à y voir une oeuvre monumentale, une somme à la fois complète et novatrice, d'une érudition irréprochable. Elle inspira d'ailleurs plusieurs histoire nationales. L'auteur s'intéresse à l'histoire économique et sociale, utilise la statistique, rompt avec une vision essentiellement basée sur l'histoire politique. Les pères de la Nouvelle Histoire verront d'ailleurs en Pirenne un de leurs maîtres à penser. Mais, si les historiens portent le travail de Pirenne aux nues, aucun ne se reconnaît plus dans l'idéologie qu'il véhicule.



Pirenne vivait à Gand, à une époque où la ville était assez bilingue. Au tournant du siècle, à un moment où l'existence même de la Belgique continuait à être mise en cause, il a cherché les fondements de l'identité nationale en dehors des pseudo unités de races ou de langue que ses prédécesseurs avaient proposées.



Il voit dans les principautés du Moyen-Age, dont certaines dépendent du roi de France et d'autre de l'Empereur, les germes d'une nation. Il cherche à accréditer l'idée que, dès cette époque, les habitants de ce qui deviendra la Belgique sont animés par une aspiration irrépressible à vivre ensemble. Il pointe par exemple le caractère bilingue de certaines principautés comme la Flandre ou le Brabant, note qu'il n'y a jamais eu de guerre de races ou encore que des renforts venant de partout convergèrent à Courtrai en 1302 pour donner une fameuse "rameling" aux chevaliers français.



Ces observations l'amènent à la conclusion que "l'unité nationale a précédé l'unité politique".



Plusieurs générations, surtout francophones, feront leur les idées de Pirenne, trop contentes d'avoir enfin trouvé une justification à l'existence de ce pays improbable. La thèse de Pirenne finira par s'abîmer dans les conflits linguistiques; l'affaire de Louvain puis la mise en oeuvre du fédéralisme marquant définitivement la fin du mythe d'une unité nationale foncière. Aujourd'hui, seuls quelques vieux belgicains soignent leur mal être en évoquant le glorieux mouvement communal ou la splendeur de la Cour de Bourgogne. Quant à la bataille de Courtrai, elle est devenue le symbole de la lutte du peuple flamand pour échapper aux menées francophones. Sic transit gloria Mundi.
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Mahomet et Charlemagne

En ces temps de questionnements civilisationnels, j'ai cru bon de lire ce qui est sans doute l'ouvrage-phare du grand historien belge Henri Pirenne, qui reçut de son temps les éloges des plus grands chez les Annales (Bloch, Febvre, etc.) et continue aujourd'hui de nourrir les réflexions sur les rapports qu'entretiennent Occident et Orient.



C'est la dernière oeuvre du grand conteur de l'histoire de Belgique, auteur d'ouvrages obligés comme L'Europe au Moyen Âge ou ses Réflexions d'un solitaire, faisant suite à un article éponyme qui servit de base à l'élaboration du livre inachevé et dont la conclusion vite expédiée sent les feuillets recomposés.



Pour Pirenne, le Moyen Âge ne commence pas à la chute de Rome, lorsque Odoacre dépose le gamin qu'est Romulus Augustule en 476, car les barbares qui s'établissent sur le cadavre de l'empire n'ont rien à opposer au mode de vie des Romains. À peine installés qu'ils s'empressent de transmettre leurs voeux à l'empereur de Constantinople qu'ils tiennent à la fois comme leur modèle et comme l'arbitre de leurs différents. Le commerce, le dada de Pirenne, ne s'en trouve pas modifié, les choses continuent comme avant, les nouveaux pouvoirs reprenant traits pour traits le système d'organisation romaine, au même titre que les codes de la vie civile, qui restent également les mêmes. Loin de mépriser la civilisation romaine, les barbares l'admirent et se l'approprient, il est vrai qu'ils n'avaient en vérité rien à lui opposer. À l'exception des marges (Gaule Belgique et île de Bretagne), la Romania se maintient et la Méditerranée demeure le centre du monde.



Tout change, selon Pirenne, à l'arrivée de l'islam et de l'extraordinaire élan de conquête qui pousse les Arabes de Bagdad à Cordoue, en passant par la Sicile. L'empereur d'Orient doit abandonner ses rêves de Renovatio pour éviter le drame, alors que la Méditerranée devient en un siècle un lac musulman. L'unité monétaire assurée par Byzance est brisée, l'Afrique regarde désormais vers Bagdad et Damas, non plus vers Rome ou Marseille, les flux de papyrus, d'épices, d'or, de vin et d'huile sont stoppés net, les Wisigoths d'Espagne sont balayés et les Francs se sauvent de justesse. Certes ces nouveaux barbares s'approprient la science et les arts grecs, mais ils imposent surtout aux anciens Romains la sujétion à leur Dieu unique dont la diffusion éclair tranche avec la lente propagation de la parole du Christ. Avec l'islam, il y a rupture avec le monde antique sur tous les plans, et les conséquences sont majeures : le pape abandonne Byzance qui devient un empire exclusivement grec, et se tourne vers les nouveaux hommes forts que sont les Pépinides produits par les luttes internes d'un Royaume en proie à la suffocation. Avec Charlemagne, l'Europe a son nouvel empire et s'avance vers un nouveau monde, le Moyen Âge a lieu.



On est frappé par l'aisance avec laquelle Pirenne transporte son lecteur, l'ouvrage aujourd'hui daté se lit comme un regard littéraire enchanteur où les lignes de fuites sont claires, les basculements logiques et les confrontations inexorables. Pirenne est dur, tout de même, avec les Musulmans, notamment quand il dit qu'ils ne songent véritablement qu'à piller, et quand il a vite le "péril" à la bouche. On regrette aussi, en dépit d'un érudition prodigieuse, qu'il ne mobilise pas d'autres sources que celles chrétiennes, Grégoire de Tours, Grégoire de Tours, Grégoire de Tours, oui mais ensuite ? Aussi la perspective des deux blocs impénétrables fait difficilement sens au regard des sources et des preuves qu'apporte entre autres l'archéologie moderne, mais ça Pirenne ne pouvait pas le savoir, et son obstination à caser les phénomènes dans l'un ou autre ensemble fait parfois trop lisse pour la complexité des faits qu'il rapporte.



Il reste que Mahomet et Charlemagne mérite le retentissement qu'il a eu à sa parution, personne avant Pirenne n'avait avancé de thèse si osée, que les barbares et les Romains n'étaient en fin de compte que des frères séparés à la naissance, et que les premiers ont pris avec passion, parfois un peu gauchement, la relève des seconds. L'idée que c'est l'Autre musulman qui est venu briser le rêve d'unité latine résonne aujourd'hui plus que jamais et confirme une nouvelle fois la fécondité des thèses d'Henri Pirenne.
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Histoires de l'Europe : Oeuvres choisies

Bien que la multiplication des données documentaires et archéologiques ait conduit à la remise en question profonde de certaines propositions, les écrits de Pirenne forment un legs historiographique essentiel.
Lien : https://laviedesidees.fr/Le-..
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Histoires de l'Europe : Oeuvres choisies

Si bien des éléments de ce récit ont, depuis, été remis en cause par la recherche, le primat donné par Henri Pirenne à l’économique sur le politique et le religieux comme moteur véritable de l’histoire européenne donne toujours à penser.
Lien : https://www.lemonde.fr/criti..
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