Isabelle Petit

Passionnée de lecture, la propriétaire se fait un point d’honneur de rendre disponibles les best-sellers, ce dont je me réjouis, puisque je suis moi-même une lectrice assidue. De polars surtout. Les bons polars. Pas ceux qui sont gorgés de sang, dont les actions s’enchaînent à un rythme décousu et qui n’ont aucun écho dans la réalité. Non, ceux dont l’intrigue savamment montée vous tient en haleine jusqu’au bout, ceux qui dressent des profils psychologiques percutants et aiguisent votre soif de vérité.

N’importe quoi. Je dis n’importe quoi : je ne comprends pas. Pourquoi y a-t-il des grossesses non désirées dont on peut se débarrasser à coups de pilules, et des absences de grossesses pour lesquelles il n’y a pas de remède ? Pourquoi peut-on aider les femmes qui veulent avorter, mais qu’aucun procédé médical aussi sophistiqué soit-il ne peut venir à bout d’une stérilité inexpliquée ? Tu veux avorter, ma sœur ? Soit. Moi, je le prendrais ton bébé… là, tout de suite… à moins que, tu pourrais le porter pour moi ? Les sœurs porteuses, est-ce que c’est interdit par la loi ? Moi, vois-tu, je serais prête à transgresser bien des affaires pour avoir le bonheur de tenir un bébé dans mes bras.

Parfois, j’ai l’impression d’être une biche prise au milieu d’une battue. Elles me repèrent des kilomètres à la ronde et me traquent, moi, pauvre femelle en âge de procréer, pour m’assommer avec ce dogme de la reproduction.

Car, voyez-vous, il y a dans ce bas monde deux types de femmes : celles qui veulent des enfants et celles qui n’en veulent pas.

Et ce qui est franchement bizarre, c’est que les dévouées à la survie de l’humanité s’accordent à affirmer que concevoir un bébé est un engagement important, une décision qui doit être mûrement réfléchie en accord avec monsieur, bref le genre de truc qu’on ne fait pas à la légère un samedi soir, la jupe relevée sur le coin d’une table après avoir bu un verre de trop.

Les hormones ont le dos large. Comme si on pouvait expliquer l’ensemble des malaises physiques et mentaux des femmes enceintes par ces fichues hormones ! Non, ce qui m’inquiète, ce sont les résultats de l’amniocentèse. J’ai hâte qu’on nous confirme que notre bébé est en bonne santé.

Depuis que je suis enceinte, j’ai la larme à l’œil facile. On dirait que les hormones exacerbent ma sensibilité.

Le problème, c’est qu’on donne aux chiffres le sens qu’on veut bien leur donner. S’agit-il d’une dépense inconsidérée ou d’un investissement nécessaire ? Élus de la majorité et de l’opposition ne partagent pas le même point de vue. Si tu avais vu le maire répondre au chef de l’opposition ! J’ai cru qu’il allait le couper en rondelles et saler les morceaux !

Pour faire un bébé, faut être deux. Et si on n’y arrive pas, c’est qu’il y a peut-être un de nous deux qui présente une anomalie quelconque. Ce n’est pas juste la femme qui peut avoir un problème de fertilité !

Une femme qui tombe enceinte chaque fois que son homme l’effleure doit s’y connaître en matière de procréation.

Pierre et moi baisons comme des malades, du matin jusqu’au soir, en prenant notre café, devant la télévision, sous la douche… les possibilités sont infinies et les recoins de la maison à explorer plus nombreux qu’on pense, quand on a un peu d’imagination et des pulsions sexuelles débridées. Adieu contraceptifs oraux, condoms et coïts interrompus : vive la sexualité libre et sans contrainte !

La force de l’amour maternel peut faire peur. Avec raison. Il n’y a rien de plus viscéral et de plus intense, dans la joie comme dans la douleur.

Vous savez, il n’y a rien de pire pour un parent que de se sentir impuissant pour soulager la douleur et la détresse de son enfant. Certains parents n’en sont tout simplement pas capables. C’est au-dessus de leurs forces. Alors, nous prenons le relais pour tenter d’apaiser l’enfant.

Vivre avec la phobie des microbes est harassant. Ne pas toucher. C’est sale. Garder les mains dans les poches. Le hic, c’est qu’il y a des limites à pouvoir jouer au manchot. Alors, vive les lingettes désinfectantes ! J’en ai toujours un paquet dans mon sac à main. Je ne sors jamais sans mes lingettes. Jamais, jamais.

Je n’ai jamais aimé les hôpitaux. Je me souviens du jour où ma mère m’avait conduite, enfant, à l’urgence pour un poignet cassé, je n’avais pu tolérer de patienter dans la salle d’attente et je m’étais enfuie pour me réfugier dans le parc adjacent à l’hôpital. Le gars de la sécurité avait dû prêter main-forte à ma mère pour me ramener à l’intérieur.

Pourquoi les corridors des hôpitaux sont-ils aussi déprimants ? Personnellement, ce vert glauque sur les murs me rappelle la couleur de la morve qui sort d’un nez congestionné depuis trop longtemps. Puis il y a l’odeur. Cette odeur caractéristique qui vous prend à la gorge. Ce qui est curieux, c’est qu’un endroit aseptisé comme un hôpital devrait sentir bon. Bon comme dans propre et fraîchement lavé. Un peu comme chez vous lorsque vous avez passé votre samedi matin à récurer la salle de bain et à faire briller le plancher. Sauf que les hôpitaux ne sentent pas bon.

Trouver des échappatoires, rendre les autres responsables de nos tourments, vivre au conditionnel, reporter à plus tard, confondre désir et besoin… Regarde autour de toi, Laurie, et tu seras étonnée de constater à quel point les gens passent à côté de l’essentiel, de ce qu’ils sont véritablement. Jusqu’au jour où l’être qu’ils aiment le plus au monde disparaît. Et là, vient le temps des regrets. Souviens-toi de cela, Laurie. Ne passe pas à côté de l’essentiel.

" En amour, qui doute accuse."

On ne planifie pas un bébé comme on inscrit un rendez-vous dans un agenda. Et c’est quoi cette histoire de père au foyer ? N’importe quelle fille normale qui décide d’avoir un bébé se réjouit à l’idée de pouvoir “catiner” !

Pierre accepterait-il de rester à la maison si j’acceptais, moi, d’avoir un enfant ? Je suis très tentée de croire que oui. Reste la question de la grossesse. À ce que je sache, c’est encore une affaire de femme. Bien décidée à tester ma détermination, je m’imagine mon ventre rebondi et tendu comme celui d’une grosse vache, je me visualise en train de vêler, les jambes ouvertes et le vagin béant, je m’entends beugler, je sens du lait gicler de mes mamelles endolories.

Et pourtant, je ne recule pas.

Le deal a du sens !

Pour moi, une grossesse de neuf mois, et deux mois d’arrêt pour me remettre de l’épreuve. Cela me prendra donc onze mois.

JE DÉTESTE LE DÉSORDRE. Dans ma vie comme dans ma maison. Chaque chose doit être à sa place ! C’est ce que je martèle sans arrêt à Pierre, qui trouve plutôt que je pèche par excès de zèle lorsque je replie les serviettes de bain derrière lui. Loin de partager ma maniaquerie, il aime se moquer de moi en citant Albert Einstein : « Si un bureau en désordre dénote un esprit brouillon, que dire d’un bureau vide ? » Sinon, il a des arguments en béton, selon lui, pour ne pas faire de ménage : on a toujours tout sous la main, les gens se sentent plus à l’aise chez nous, on a plus de temps pour faire des trucs sympas.

Plus j’accélère, plus un sentiment de puissance m’étreint. Je tiens mon temps par les rennes, je le dompte et le contrôle. Je ne veux renoncer à rien et profiter de tout. Alors, je le piétine ce temps qui nous est donné en quantité limitée chaque jour, je le presse comme un citron pour en extraire la moindre minute et aller encore plus vite.