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Citations de Isabelle de Charrière (30)


Ce 11 Juin.
Ta mère est plus mal. Sa tante ne cesse encore de vanter son excellent tempérament, et prétend qu’il doit nous ôter toute crainte ; mais le médecin est alarmé. On ne te néglige pas, et tu te portes assez bien. J’ai parlé de te donner une chèvre pour nourrice, et, malgré les clameurs des femmes qui prennent soin de toi, je le ferai très assurément. – On l’a fait ailleurs avec succès d’après les conseils de Cagliostro. – Mais je n’y pourrais avoir l’œil. Je suis trop agité, trop occupé de ta mère.
Ce 13 Juin.
William, vous n’avez plus de mère. Je reste chargé seul de la tâche de veiller sur vous.
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Je me sou-viens qu’une autre fois, invitée chez une femme chez qui je devais aller, elle refusa. – Mais pour-quoi, lui dis-je ? cette femme, et tous ceux que vous verrez chez elle, ont de l’esprit et vous admirent. – Ah ! dit-elle, ce ne sont pas les dédains marqués que je crains le plus, j’ai trop dans mon coeur et dans ceux qui me dédaignent de quoi me mettre à leur niveau ; c’est la complaisance, le soin de ne pas parler d’une comédienne, d’une fille entretenue, de Milord, de son oncle. Quand je vois la bonté et le mérite souffrir pour moi, et obligé de se contraindre ou de s’étourdir, je souffre moi-même. Du vivant de Milord la reconnaissance me rendait plus sociable, je tâchais de gagner les cœurs pour qu’on n’affligeât pas le sien. Si ses domestiques ne m’eussent pas respectée, si ses parents ou ses amis m’avaient repoussée, ou que je les eusse fui, il se serait brouillé avec tout le monde. Les gens qui venaient chez lui s’étaient si bien accoutumés à moi, que souvent sans y penser ils disaient devant moi les choses les plus offensantes. Mille fois j’ai fait signe à Milord en sou-riant de les laisser dire ; tantôt j’étais bien aise qu’on oubliât ce que j’étais, tantôt flattée qu’on me regardât comme une exception parmi celles de ma sorte, et en effet ce qu’on disait de leur effronterie, de leur manège, de leur avidité, ne me regardait assurément pas.
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Rentrons, sauvons notre pays et nous-mêmes par des sacrifices généreux et une résistance courageuse. Robespierre, Barère, Saint-Just étaient pourtant des hommes et non des tigres ou des hyènes ; n’auraient-ils donc jamais pensé à dire :
– C’est trop de sang, c’est trop d’horreurs arrêtons les bourreaux !
Si l’un d’eux l’eut dit, peut-être que chacun des autres eut embrassé avec transport sa propre opinion, le vœu de son propre cœur qu’il n’osait exprimer.
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Mon fils, je vous enverrai à l’heure même tout ce gros cahier. Lisez, méditez ; c’est à vous d’achever de corriger, de perfectionner votre éducation. Me demandez-vous comment vous devez vous y prendre, je vous dirai : passez cet été et s’il se peut un temps plus long à Ivy Hall, seul ou avec Tom. Là, reposez votre âme, et repassez lentement vos souvenirs. Revivez à Lone Banck, à Saint-Cloud, à Paris, à Londres, à Eaton, à Cambridge, à Édimbourg : puis étudiant votre jeune expérience, voyez ce que vous êtes et ce que vous voudriez et pourriez être, de quelle manière les hommes et les choses influent sur vous, comment vous pouvez tirer le meilleur parti de vos facultés, ce que vous pouvez faire de mieux pour votre bonheur et pour votre réputation, qui, à ce que je crois, ne vous sera pas indifférente. Nul homme ne peut réunir tous les talents, tous les succès, toutes les jouissances. D’après votre capacité la plus marquée et vos goûts les plus chers, il faut choisir ce qui vous convient le mieux, puis renoncer au reste.
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Mon fils ! serez-vous un composé de l’entêtement un peu vindicatif de votre mère et de la loyauté timide et souvent mal raisonnée de votre père ? J’espère mieux de vous. Vous êtes si joli ! Ô vivez, mon fils ! ô Dieu, conservez mon fils ! – J’écris ceci pour que mon fils, s’il peut vivre, sache un jour dans quelle anxiété je suis aujourd’hui pour lui.
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Mon fils, je vous enverrai à l’heure même tout ce gros cahier. Lisez, méditez ; c’est à vous d’achever de corriger, de perfectionner votre éducation. Me demandez-vous comment vous devez vous y prendre, je vous dirai : passez cet été et s’il se peut un temps plus long à Ivy Hall, seul ou avec Tom. Là, reposez votre âme, et repassez lentement vos souvenirs. Revivez à Lone Banck, à Saint-Cloud, à Paris, à Londres, à Eaton, à Cambridge, à Édimbourg : puis étudiant votre jeune expérience, voyez ce que vous êtes et ce que vous voudriez et pourriez être, de quelle manière les hommes et les choses influent sur vous, comment vous pouvez tirer le meilleur parti de vos facultés, ce que vous pouvez faire de mieux pour votre bonheur et pour votre réputation, qui, à ce que je crois, ne vous sera pas indifférente. Nul homme ne peut réunir tous les talents, tous les succès, toutes les jouissances. D’après votre capacité la plus marquée et vos goûts les plus chers, il faut choisir ce qui vous convient le mieux, puis renoncer au reste. Des plans incertains, un caractère vague, une vie morcelée, ne satisfont ni soi ni le monde.
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On devrait l’établir inspectrice générale des écoles primaires de la République Française ; mais je ne m’en tiens pas moins à ce que j’ai dit.
– Et Bernardin de St. Pierre ?
– Paul et Virginie n’ont point d’admirateurs plus ardents
que moi, ai-je répondu ; comme je connais leur soleil, leurs palmiers, leurs habitations, je vis avec eux, je me promène avec eux partout où je les rencontre : enfants, je les caresse ; adolescents, je les admire ; cependant je m’en tiens à ce que j’ai dit. Mais laissons-là les auteurs vivants et remontons plus haut. Aurions nous voulu vivre avec Jean Jacques ?
– Non, sans doute ! s’est écrié chacun.
– Avec Voltaire ?
– Pas davantage.
– Avec Duclos ?
– Oui.
– Avec Fénelon ?
– Oh oui !
– Avec Racine ?
– Oui.
– Avec La Fontaine ?
– Pourquoi non ?
Ici nous avons été interrompus. Vous pouvez, Monsieur l’Abbé, vous amuser à continuer ce scrutin. Je pense qu’en général j’aimerais mieux vivre avec un auteur qui ne le serait devenu que par nécessité ou par une impulsion irrésistible, qu’avec celui qui se serait mis à l’être de son plein gré et par choix, c’est-à-dire, par amour-propre. Mais peut-être qu’après tout, le meilleur n’en vaudrait rien, du moins sous le rapport dont il s’agit. Tous ces gens-là sont sujets, non seulement à préférer leur gloire à leurs amis, mais à ne voir dans leurs amis, dans la nature, dans les événements, que des récits, des tableaux, des réflexions à faire et à publier, et souvent ils méconnaissent les objets et permettent à leur esprit de les dénaturer, pour les mieux plier à l’usage qu’ils en veulent faire. Il ne s’agit pas, pour eux, de la chose, mais de l’effet. Un peintre, pour l’amour de son tableau, renverse une bonne maison et la change en une masure. Je doute que Rousseau ait jamais rien vu comme il était. Ceux qu’il voulait louer, ceux dont il voulait se plaindre, sont devenus à ses yeux ce qu’ils devaient être, pour que des portraits charmants ou hideux pussent porter leur nom.
Quant à Voltaire, il ne se donnait pas la peine de se tromper lui même, il lui suffisait d’en imposer aux autres. Il disait ce qu’il lui convenait de dire. Je pourrais porter mes exemples beaucoup plus loin, mais j’en ai dit assez pour vous mettre sur les voies, et vous faire partager avec moi l’amusement que ces examens et ces appréciations m’ont donné.
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– Et avez-vous parlé au père, à la mère, à la fille ?
– Oui, Madame : tout cela était ensemble. Je leur ai baragouiné quelques mots d’allemand : Man, Fro, hérat. Le père et la mère ont crié Herr Gott ! ja ! ja ! La fille a souri et rougi : c’est une chose faite.
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toujours est-il à-propos de rester au Sermon, et j’ai mille fois entendu dire, que les maux de la France ont commencé, quand on ne s’y est plus soucié de Sermons ni de Messes, de Fêtes ni de Dimanches. Ah ! Mademoiselle, c’est une terrible chose que d’oublier entièrement son Dieu et son salut.
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Prologue
– Pour qui écrire désormais ? disait l’Abbé de la Tour.
– Pour moi, dit la jeune Baronne de Berghen.
– On ne pense, on ne rêve que politique, continua l’Abbé.
– J’ai la politique en horreur, répliqua la Baronne, et les maux que la guerre fait à mon pays, me donnent un extrême besoin de distraction. J’aurais donc la plus grande reconnaissance pour l’Écrivain qui occuperait agréablement ma sensibilité et mes pensées, ne fut-ce qu’un jour ou deux.
– Mon Dieu ! Madame, reprit l’Abbé après un moment de silence, si je pouvais… ?
– Vous pourriez, interrompit la Baronne.
– Mais non, je ne pourrais pas, dit l’Abbé ; mon style vous paraîtrait si fade au prix de celui de tous les Écrivains du jour ! Regarde-t-on marcher un homme qui marche tout simplement, quand on est accoutumé à ne voir que tours de force, que sauts périlleux ?
– Oui, dit la Baronne, on regarderait encore marcher quiconque marcherait avec passablement de grâce et de rapidité vers un but intéressant.
– J’essayerai, dit l’Abbé. Les conversations que nous eûmes ces jours passés sur Kant1, sur sa doctrine du devoir, m’ont rappelé trois Femmes que j’ai vues.
– Où ? demanda la Baronne.
– Dans votre pays même, en Allemagne, dit l’Abbé.
– Des Allemandes ?
– Non, des Françaises.
....
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Hier il m’est arrivé de dire que de tous les beaux-esprits mes contemporains, Bailly était le seul avec qui ses ouvrages m’eussent donné le désir de vivre.
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Pourquoi les Français et Françaises ont-ils tant de peine à apprendre une langue étrangère ? On dirait qu'ils croient déroger à la nature éternelle des choses en appelant le pain et l'eau autrement que pain et eau ; et outre qu'ils ont peine à retenir et à dire d'autres mots, ils paraissent ne pouvoir pas trop s'y résoudre.
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Des auteurs nous avons passé assez naturellement aux études. Serait-ce un bien, serait-ce un mal, que la majorité d’une nation fut plus instruite qu’elle ne l’est ; ou en d’autres termes, la portion de lumières que peuvent acquérir des artisans et des laboureurs par le moyen de l’instruction, serait-elle utile ou nuisible, soit à eux, soit à la société à laquelle ils appartiennent ?
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« Vous n’avez pas besoin Monsieur de me faire souvenir de mes engagements je ne pouvais pas plus les oublier que je ne puis vous oublier vous même. »
Des engagements, Monsieur Finch ! Ma tante ne m’avait parlé d’aucun engagement. Ah oui pourtant, elle avait pris celui de vous écrire et de vous donner des nouvelles de sa fille. Cela n’était pas bien nécessaire ce me semble mais passe, elle avait reçu un billet de cinquante pièces. Sot que je suis de ne m’être jamais informé avec détail du sort de ma tante. Mais je suis jeune, à peine vingt ans et revenu d’Oxford seulement depuis six mois. « Quand du matin au soir je jouis de votre bienfaisance tantôt en payant de petites sommes que je devais, tantôt en m’accordant certaines distractions etc. »
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Si le rang s’est affaissé sous le poids de ses propres privilèges, le courage est resté. Si la beauté est altérée par le chagrin, la grâce reste. L’esprit… il a dû s’étendre et se former. Le malheur n’amène-t-il pas la réflexion ? Le blâme ne nous force-t-il pas à l’examen de notre conduite? Si l’on n’avoue hautement aucun tort, il y a au moins des choses qu’on ne justifie pas hautement : on colore, on élude, on distingue, donc on apprécie. Je le répète, le courage reste, la grâce reste, et l’on est en chemin
d’acquérir cette capacité d’esprit qu’on croyait si mal-à-propos avoir auparavant, quand, au lieu d’être éclairé par l’expérience, on était sans cesse aveuglé par des flatteurs.
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– Je parie que vous apportez en don la souplesse ; mais Aiglonette, (c’est ainsi que la princesse avait été nommée) Aiglonette n’en aura aucun besoin. Retirez-vous ; vous pourriez nuire au don que je viens de lui faire. La souplesse est incompatible avec la force et le courage.
– Vous vous trompez, répondit en souriant la douce petite fée.
– Quand cela serait, reprit l’autre, convenez, au moins que votre présent est inutile. Avec de la beauté, de la grâce, de l’esprit, une âme forte et généreuse, on peut faire tout plier ; et l’on n’a jamais besoin de plier soi-même, surtout quand on est élevé au dessus du vulgaire par la fortune et par le rang.
– La fortune et le rang sont-ils, dit la petite fée, hors de toute atteinte possible ? La beauté est-elle inaltérable ? Sans la souplesse a-t-on toujours l’esprit du moment et de l’occasion ?
Car, supposé que nous fussions invariables nous-mêmes, il y a grande apparence qu’autour de nous, beaucoup de gens et de choses varieront, et que nous ne serons pas long temps regardés du même œil…
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Je trouve que trop souvent, les hommes dans leurs pensées et leurs paroles se remettent à une époque passée, et que cela les empêche de se mettre promptement à l’époque où ils en sont pour ne plus voir que celle là et tout ce qui actuellement doit être fait et dit. Ils se décideraient assez bien aujourd’hui sur ce qu’il fallait faire hier et demain ils jugeront ce qu’il faudrait faire aujourd’hui. Ils sont toujours trop tard dans leurs pensées tantôt d’un jour, tantôt d’une heure, tantôt d’une minute et c’est souvent être beaucoup trop tard car une minute a pu porter les plus grands changements dans notre situation
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P. S. Peut-être ce que j’ai dit est-il vieux comme le monde, et je le trouve même de nature à n’être pas neuf : mais n’importe ; j’y ai pris tant de plaisir, que j’ai peine à ne pas revenir sur la même idée, et à ne pas vous la détailler davantage. Ce privilège de la noblesse, qui ne consisterait précisément que dans une obligation de plus, et plus stricte et plus intimement sentie ; qui parlerait au jeune homme plus haut que sa conscience, et le rendrait scrupuleux malgré sa fougue ; au vieil-lard, et lui donnerait du courage malgré sa faiblesse : ce privilège, dis-je, m’enchante, m’attache et me séduit. Je ne puis souffrir que cette classe, idéale peut-être, de la société, soit négligée par le souverain, qu’on la laisse oubliée dans l’oisiveté et dans la misère ; car si elle s’enrichit par un mariage d’argent, par le commerce, par des spéculations de finance, ce n’est plus cela : la noblesse devient roturière, ou, pour parler plus juste, ma chimère s’évanouit.
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Ô combien furent durs et pénibles quelques-uns des sacrifices qu’elle crut devoir faire aux circonstances ! Mais comme le naturaliste ne voit partout qu’insectes, fossiles, pierres, métaux, et devient plus savant à chaque pas qu’il fait, ainsi la princesse voyait dans tous les objets, soit leur résistance, soit leur flexibilité ; et sans cesse elle était éclairée sur les avantages du présent qu’elle avait reçu. Soit hasard, soit providence, le même jour qu’elle vit un lingot d’or s’amincir à l’infini sans rien perdre de sa valeur, un autre lingot d’or se laisser partager en lames arrondies,
et recevoir de l’empreinte qu’on lui donna, une nouvelle
beauté, elle vit se briser sous la baguette d’un enfant tout
un trésor de verrerie.
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Le clergé philosophe est aussi clergé qu'un autre, et ce n'était pas la peine de chasser le curé de Saint-Sulpice pour sacrer les prêtres du Panthéon.
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