J. K-Gras

Comment savoir si l'on est heureux quand on ne connaît pas la tristesse ? Tels la Lune et le Soleil, le yin et le yang, les êtres vivants bénéficient de cet équilibre qui leur permet de prendre conscience de leur chance.

- Si tu me touches, je t'étrangle pendant ton sommeil, menacé-je avec tout l'aplomb que je possède.
Il rigole franchement.
- D'après ta réputation, tu me feras des avances la première.
J'ai envie de le traiter de goujat. Plus encore, j'ai envie de pleurer. Voilà bien un homme, tiens! Il se permet de me juger au titre de ma virginité perdue. Cet hymen déchiré m'aura valu toutes les tourmentes du monde. Et pour quelles raisons ? Parce que ces messieurs s'exigent sans rival, même dans le passé. Etre l'unique, par crainte de ne pas être le meilleur. Pourquoi dois-je payer cette médiocrité masculine issue de leurs angoisses de petits garçons. "Moi d'abord! Moi en premier! Moi tout seul !

-Tu n'es pas seule, Rosalie, me murmure-t-il.
Ses mots résonnent en moi comme un chant d'espoir. Ils emplissent mon cœur d'un délicieux sentiment de sécurité. Comme si, quoi qu'il arrive, tout irait bien pour moi. Quel don merveilleux ! C'est un ange. Je voudrais qu'il soit le mien. Que ses doigts ne quittent jamais les miens. Etre unie à lui à jamais.

Il est plus facile de rester aveugle que d'ôter le voile. La vérité fait mal, mais elle est préférable à une douce illusion. Tu es forte. Tu sauras retrouver ta puissance. II ne t'a rien volé. Il n'en avait pas le pouvoir. Les esprits ne t'ont pas abandonné. Il y a encore de l'espoir.

Une bande de pirates m’a enlevée dès mon arrivée dans le Nouveau Monde. Je suis Florence de l’Aigle, fille du marquis des Acres. Si vous trouvez ce message, s’il vous plaît, prévenez Monsieur Conor Mc Pherson à Charleston.
J’ai peur.
J’ai mal.
J’ignore pourquoi ils s’en sont pris à moi. Ils ne réclament aucune rançon.
Nous faisons voile vers Tortuga. Par pitié, venez à mon secours.

Le système voulait me faire courber l'échine. Ployer sous les durs coups de la vie et de la société si bien codée. Non.
Pas pour moi.
Les meurtrissures, les blessures, je les encaisse. Je me relève. Même si ça fait mal. Même si je souffre à en crever. J'attrape à mains nues les tisons ardents et les retourne contre mes ennemis. Ils ont une faiblesse que je n'ai plus: la peur.

La vie, toute vie, est sacrée. La mienne incluse. Si je survis, je ne dois plus la négliger au profit d'une passion, aussi grande soit-elle.

Je suis une sorcière, moi aussi. Pour ma part, j'ai été élevée dans la pratique de la wicca, et initiée au vaudou par mon père. Mon héritage païen prône l'usage de la magie blanche, tandis que l'énergie que m'a léguée mon père s'ancre dans un rapport à l'invisible et à la nature. Mes pouvoirs surnaturels viennent de ce métissage. Avant ce soir, j'avais uniquement exploité mes dons pour faire le bien autour de moi. J'ai toujours eu conscience de ma puissance, raison pour laquelle mon coven a veillé à ce que je fasse les bons choix. (...)
Pour Victor, c'était différent. Il était un vrai Parisien, dans tous les sens du terme. Même son énergie vrombissait avec des ondes ténébreuses et électriques. Pour lui, la magie noire, la nécromancie et les envoûtements malveillants n'étaient que des pratiques ésotériques comme les autres.

— Il fallait qu’on en passe par là, j’imagine, énoncé-je défaitiste. Il paraît qu’on grandit grâce aux épreuves.
— Vraiment ?
— On grandit ou on grossit. Regarde, j’ai pris cinq bons kilos quand j’ai surpris mon ex en train de me tromper.

Je n’ai jamais expérimenté l’amour, mais je l’ai touché du doigt, un jour. C’était ici-même, au HeroFestival, sur ce banc. Je n’avais jamais éprouvé ce puissant sentiment avant. Jusqu’à lui.

"Le matin se lève. Les hommes ont à peine sommeillé. Au moins, ils n'ont pas bu et n'ont pas souillé mon corps. Pas encore. D'après mon maigre sens de l'orientation, j'ai l’impression que nous reprenons la route vers le Sud. Nous nous éloignons de Charleston et de la résidence de mon futur époux près de la Rivière Santee."

"En temps normal je ne lui aurais même pas répondu. Les nobles ne s'adressent pas au petit peuple. Ou, comme dirait Mère, les colombes ne parlent pas la langues des crapauds."

"Le Nouveau Monde est déjà assez vaste lorsqu'on est muni d'une carte et d'un bon guide. Seule, ici, je n'ai aucune chance de survie. Si une bête féroce ne me tue pas avant que je ne meure de faim ou de froid, des sauvages s'en chargeront."

— Fort Cataracta, corrigea Nathanaël. C’est le bastion de la dame Pluvia. Le château appartient aux Forest depuis des centaines d’années et j’ai rencontré la Dame Pluvia quand j’y étais.
Son regard était tellement triste et nostalgique qu’Emma n’eut pas le cœur de le contredire pour lui dire qu’elle le pensait sénile et complètement fou.
— Qu’est-ce qui vous est arrivé, Monsieur Parker-Scott ?
Nathanaël ne répondit pas. Il prit le temps de se lever et se dirigea vers la fenêtre.
— Je vais tout te raconter Emma, depuis le début. À l’image de ce que tu as éprouvé tout à l’heure, cela risque de changer ta vie à jamais. Es-tu prête à vivre avec une nouvelle façon d’appréhender le monde ?
— Je ne sais pas, lui répondit-elle sincèrement.
— Tu n’as plus le choix, me semble-t-il…

Elle était dans une forêt, perdue, je ne sais où, trempée jusqu’aux os, à la recherche d’un vieillard légèrement cinglé qui affirmait que d’autres mondes existaient.
« Si ça se trouve, il m’a juste droguée et je suis en train de délirer toute seule dans sa cave », pensa-t-elle. « Ou alors je suis complètement folle. Non, mais c’est vrai, en l’espace de vingt-quatre heures j’ai été absorbée par un transporteur Abud. Je me suis cogné la tête. J’ai fouillé dans les affaires de mon employeur, coupé les poils de son chien, couru sous la pluie et été frappée par la foudre. Puis une statue m’a tendu la main pour me donner un joyau. Je dois être en plein délire. »
Emma était immobile et de plus en plus transie de froid. C’est alors qu’elle entendit quelque chose qui se rapprochait. Elle leva le cou et son téléphone en direction du bruit.

— Oui, s’il faut tuer pour parvenir à nos fins, je le ferai. Je préférerais ne pas avoir à en arriver là, mais nous devons mener à bien notre mission et récupérer cette fiole.
— Tu commettrais un meurtre de sang-froid ? demanda Emma qui sentait son cœur palpiter atrocement.
Elle connaissait la réponse à cette question, mais elle devait l’entendre le dire.
— Oui.
Emma détourna les yeux, prise de nausées. Luen lui saisit le menton du bout des doigts pour la forcer à le regarder.
— Je t’avais promis de ne plus te mentir. Parfois certaines vérités sont difficiles à supporter.
— Qu’est-ce que tu comptes faire du corps du pauvre gars qui se trouvera là, au mauvais endroit au mauvais moment ? interrogea Emma.
Elle priait pour que Luen réalise que commettre un meurtre n’était pas du tout une bonne idée.
— Je cacherai le corps comme je le pourrai. Avec un peu de chance, nous serons partis de la ville avant que l’odeur de putréfaction ne les alerte. Sinon, Zara m’a donné quelque chose que je devrais appliquer sur la peau du garde qui fera penser à un empoisonnement.
— Quoi ?! Zara est d’accord pour que l’on tue un être humain ? s’exclama-t-elle scandalisée.
— Non, mais elle est d’accord pour que l’on couvre nos traces si cela devait se produire.
— C’est horrible.
— Je sais. Mais espérons que le joyau nous guide de la façon qu’on l’escompte et nous n’aurons pas à… agir de cette manière.