Notre monde occidental est fait d'expériences et de réalisations personnelles, de recherches constantes (qui parfois aboutissent), de remises en question permanentes, de fébrilité et de spéculations intellectuelles parfois fécondes, de mise en valeur permanente de l'ego.
Notre monde vit du doute, progresse à travers le doute, s'achoppe au doute.
Le monde amish est un monde de certitudes dans lequel presque rien n'est jamais remis en question, l'ultime certitude étant la possibilité, et non pas l'assurance, de gagner son salut éternel si l'on vit une vie de chrétien. C'est un monde d'obéissance et de refus des conventions.
Abandonner ses aspirations personnelles est le prix à payer pour vivre une vie d'amish. En retour, on acquiert le sentiment d'appartenir à une communauté soudée qui offre à ses membres une identité forte et qui donne un sens à leur vie. Ce qu'on perd en liberté, on le gagne en stabilité sociale.
Une façon de vivre qui nous paraît étrange et même erratique, mais qui n'interfère pas avec les droits ou les intérêts d'autrui ne saurait être condamnée parce qu'elle est différente. Et rien ne nous permet de présumer que la majorité actuelle a raison de vivre comme elle vit et que les amish ont tort de mener leur vie comme ils la mènent...
Un quilt amish, c'est avant tout le fruit d'un acte d'amour. Amour du travail bien fait, mais surtout amour de son prochain : on fabrique un quilt à l'occasion d'un mariage, d'une naissance ou pour le vendre en faveur de l'entraide amish, puisque ces communautés interdisent à leurs membres toutes les assurances maladie ou accident, mais ne refusent pas les soins prodigués par les médecins américains.
En 1712, sous prétexte que les anabaptistes n'appartenaient ni à l'une ni à l'autre des deux religions reconnues par le traité de Westphalie, Louis XIV annula d'un trait de plume les avantages accordés aux mouvements anabaptistes. Les Mennonites puis les Amish commencèrent à lorgner vers le Nouveau Monde où ils émigrèrent par vagues successives jusqu'au milieu du XIXe siècle.
S'ils lui ont donné ses lettres de noblesse, les Amish n'ont nullement inventé l'art du quilt. Il est quasiment impossible d'en attribuer l'invention à telle ou telle peuplade. Pour des raisons liées à la lutte contre le froid, les femmes des bords du Gange, de l'Euphrate et du Nil connaissaient l'art de faire tenir ensemble deux ou trois couches de tissus.
Par delà l'harmonie des dessins et des couleurs utilisés, ces quilts traduisent les valeurs amish, faites de simplicité, d'humilité, de dévotion et d'obéissance à la communauté. Par là même, ils manifestent clairement cette vision amish qui nous paraît si singulière, à savoir que le travail, la vie quotidienne, l'art et l'esprit ne font qu'un.
Les impératifs religieux imposent des restrictions dans la création mais ils ne peuvent rien contre la pulsion artistique instinctive, l'amour de la couleur et tout simplement le désir de créer quelque chose de beau.
Les Amish et les Mennonites descendent directement des anabaptistes qui, en 1525 à Zurich, tentèrent en vain de "réformer" la Réforme de l'Eglise.