Nous sommes tous faits ainsi, je le vois bien maintenant, destinés à vivre et à mourir et à vivre de nouveau, nos mains et nos corps comme des cages qui nous conservent autant qu'elles nous contiennent.
J'ai appris que les Marines n'abandonnaient jamais un mort ou un blessé derrière eux, que les officiers mangeaient toujours en dernier, que les gars de l'infanterie étaient des poules mouillées, que les mecs de la Navy étaient encore pire, et qu'on n'était même pas sûrs que ceux de l'armée de l'air soient de notre côté.
Qu'aurais-je dû lui dire? Que cette vie est si fine, si petite, qu'elle pourrait se perdre dans un moment d'inconscience? Que les pires prisons ne sont pas bâties de pierres, ou même d'espaces, mais par nos propres actes? Que le tissu de nos vies ne pourra jamais être décousu?
Après tout, ces noms que nous portons, éraflures transitoires de son et d'encre, sont insignifiants. Il est si facile d'oublier qui l'on est, de confondre les masques que nous portons avec la vérité de nos êtres, de devenir un nom qui appartient à un autre, d'abandonner derrière soi une existence entière afin de pouvoir renaître.
La tendresse est chose étrange, si proche de la douleur; elle porte en elle la notion de perte, la soif ardente d'une intimité à jamais hors de portée.