Entretien avec Jean-Clet Martin .
Entretien avec Jean-Clet Martin, à propos de La chambre Editions Léo Scheer, collection M@nuscrits Plus d'information : http://www.leoscheer.com/spip.php?article1713
Résistance est un beau nom qu'il faut célébrer. Tracer des lignes de résistance comme devait le dire Deleuze et d'autres qui entrent sous l'injonction d'un "nous" complice contre la bêtise. Comment ne pourrait-on pas revendiquer ce mot dans le désespoir du monde? Que promettent tous les écrivains et auteurs qui font corps avec la littérature, la philosophie, le poème, la science? "Parler de soi" au nom de certains personnages ressemblants ou certaines fonctions narratives détournées? Honte à la mise en perspective de soi-même dont la politique nourrit le spectacle affligeant. Que nous vaut le visage ou la couverture d'un tel ou tel autre miséreux qui comble de gloire son propre sillage en cherchant caution auprès des relais en vue? Non, ceux qui écrivent et créent le font pour sortir par une fenêtre de tir qui est une ligne, un point d'ouverture capable de tout déplacer, de nous porter ailleurs. Il nous fallait pour le moins Hugo ou Zola dont aujourd'hui on attendrait de ceux qui écrivent une posture comparable. Le reste n'est rien d'autre qu'un rouleau qui récupère malheurs et désespoirs en se destinant aux poubelles de l'Histoire.
Le sujet semble d'autant plus intéressant que la récente décision du " Coûte que coûte " sous entend que nous devrons probablement , dans l'avenir , souffrir financièrement du remboursement de ce que nos politiques appellent " LA DETTE " . Nous pouvons nous souvenir du récent exemple de la crise grecque , où les citoyens ont été quelque peu saignés pour que la Deutsch bank et la BCE entre autres se remboursent sur leur dos .
Cela fait déjà bien des années que toutes tendances confondues , nos politiciens nous parlent de " LA DETTE " que nous devrons , un jour , rembourser .
Les pays dits les plus riches de la planète seraient tous fortement endettés . On peut donc logiquement se questionner sur qui aurait pu prêter de l'argent à tous ces états , ou bien penser , ce qui semble plus probable , que ces liquidités proviennent de la planche à billets . Est-ce grave ? Cela le serait si nous étions les seuls à avoir agi de la sorte mais du moment que la majorité des états pratiquent pareillement cela l'est nettement moins .
Que signifie donc le titre : " asservir par la dette " ? probablement , en faisant croire aux citoyens que le pays aurait contracté une dette envers une entité non nommée , l'asservir financièrement à un remboursement fictif par divers biais : diminution et privatisation des services publics , moindre remboursements des dépenses de santé , gel des salaires et des retraites voire leur diminution , baisse des aides sociales , flexibilité du travail etc .... l'exemple grec est là pour nous faire réfléchir . Un autre exemple encore plus éloquent mais qu'on nous cache soigneusement est le cas plus ancien que la " crise grecque " , celui de l'Islande dont les citoyens ont refusé de rembourser l'endettement de leur état . Que leur est-il advenu comme désastreuses conséquences ? Rien . Les banques prêteuses se sont assis sur la dette ( durant un bon laps de temps , au grand désespoir des banques Hollandaises et britanniques ) les islandais ont foutu dehors leurs dirigeants passés et on élu à leur place un humoriste au prétexte que même s'il gouvernait mal , au moins il les ferait rire , ce qui convenons en est mieux que de pleurer et de payer les erreurs pour lesquelles ont ne nous à rien demandé .
Depuis , l'eau ayant coulé sous les ponts , l'Islande a tenté de se faire aider par le FMI et la BCE pour régler la faillite de ses banques nationales . C'est à mon sens une erreur , vu ce qu'il est advenu à la Grèce mais peut-on compter sur les politiques pour régler un problème à la place des citoyens ? Bien des exemples prouvent que non .
Je n'ai pas lu ce livre dont l'auteur n'est ,malheureusement pour le sujet , qu'un philosophe et non un économiste . C'est le titre du livre qui m'a interpellé car il correspond à ce qui nous pend au nez : le capitalisme qui s'est , tout comme les banques avant 2008 , fortement endetté , aura l'intention de nous faire régler la note . Nous payons encore aujourd'hui , l'aide financière que les états européens ont accordé à certaines grandes banques internationales pour qu'elles ne sombrent pas lors de la crise financière mondiale de 2008 .
Nous sommes surpris par peu de choses tant la vie quotidienne nous happe sous les exigences blasées de la routine.
Sous la force du repentir, le moindre geste se veut autre, affirme une bifurcation des intentions et des buts visés. Si je regrette, c’est bien parce que je perçois une finalité inédite pour mes actes, un but qu’ils ont loupé mais dont ils se sont approchés et que le remords va montrer en toute son attraction. Se repentir, c’est en quelque sorte refaire, en une autre approche, le geste irréparable déjà accompli. Un recommencement, certes futile, qui nous ouvre cependant d’autres destinations. Alors le temps apparaît comme quelque chose d’échu et d’irrécupérable mais s’y glisse, au même moment, un désir de le reprendre, d’en modifier le cours à travers la confession, le remords, impliquant déjà qu’on s’en souvienne, qu’on ne l’oubliera pas, que ce qui est digne d’être retenu va se rejouer sur le plan de la mémoire, se ventiler dans l’espace de l’imagination.
On croit se rencontrer, s'applaudir, se sourire, mais en réalité nous sommes comme des dômes de cristal, clos sur soi, sans aucune possibilité d'échapper à l'heure et au temps qui correspondent à notre vie. Autant de gouttes isolées !
(page 85)
Dans un texte intitulé Du repentir, Montaigne se présente précisément comme un peintre du passage, incapable de fixer l’allure définitive de l’homme:
«… si j’avais à façonner de nouveau, je ferais vraiment bien autre qu’il n’est. Mais voilà, c’est fait. Or les traits de ma peinture ne se fourvoient point, quoi qu’ils se changent et diversifient. Le monde n’est qu’une branloire pérenne. Toutes choses y branlent sans cesse: la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d’Egypte (…). La constance même n’est autre chose qu’un branle plus languissant. Je ne puis assurer mon objet. Il va trouble et chancelant, d’une ivresse naturelle. Je le prends en ce point, comme il est, en l’instant que je m’amuse à lui. Je ne peins pas l’être, je peins le passage (...) Si mon âme pouvait prendre pied, je ne m’essaierais pas, je me résoudrais: elle est toujours en apprentissage et en épreuve.»
La nostalgie ne va pas sans une idéalisation du passé, parfois excessive.
Le plancher craqua un peu plus fort, derrière eux, et ils virent en se retournant les deux personnes de tout à l'heure dans une posture franchement indélicate, la main de l'homme passant derrière la taille de sa compagne inespérée, laissant deviner un attouchement fort déplacé tandis que se marquait un sourire assez insolent sur le visage maquillé de celle qui s'y livrait avec un air de plaisir à peine dissimulé dans ses yeux. Marlène, excédée, hâta le pas en accédant à la dernière partie de la rétrospective.
(page 98)
Ravissement
Être ravi, c’est être comblé en même temps que rayonnant. Le ravissement est proche d’un état d’extase, de joie ou de béatitude. Mais, s’il exprime un transport de l’âme, il faut l’entendre au sens de l’enlèvement, du rapt. Ravir, cela consiste à voler, à dérober. Un ravissement m’enlève à moi-même, me séduit au point de me détourner dans un dérobement total où je glisse hors du simple contentement, hors de la satisfaction personnelle, dans la nudité la plus extrême de l’âme soustraite à ses seuls plaisirs égoïstes.
Être ravi, c’est s’enlever et s’élever comme une volute.
Le ravissement, son rapt, nous dérobe à toute considération de nous-mêmes.
Et dérober doit s’entendre comme l’acte de laisser tomber la robe.
Se dérober, c’est se glisser ailleurs, mais cela signifie d’abord le fait de changer de peau, de se déshabiller.
On ne se laisse ravir que sous l’aiguillon d’Éros.
Quelle que soit la chose qui nous détourne ainsi de nous-même, elle ne peut le faire qu’en jouant sur l’érotisation de nos sens, transis vers une contrée d’airain. La séduction des pensées les plus froides et les plus chastes, en apparence, est toujours prélevée et ravie sur l’épiderme de la sensualité.
L’intellect, à cet égard, n’est pas séparé des douceurs de la chair.
Il possède, assurément, ses nymphes et ses sabots de satyre capable de transformer chaque idée en un idéal durable. (pages 242-243)
Nous sommes toujours bien trop fébriles dans nos occupations et divertissements. Mais la fièvre n’est pas nécessairement une agitation qui nous conduit vers la frénésie d’entreprendre. Il est des fièvres de cheval qui vous clouent au lit sans autre forme de procès. Devant de telles fièvres il n’y a, précisément, plus rien à faire d’autre qu’à attendre et le pyjama blanc nous fera perdre jusqu’à notre statut social, avec toute la reconnaissance due à nos plus hautes distinctions. Rien de nos titres ne vaut plus! Voici qu’on s’enfonce en une région létale où les priorités soudainement s’aplatissent, s’égalisent. Un robinet goutte quelque part! Et son importance est égale aux douze coups de midi qui viennent de résonner. Un bruit d’instrument de cuisine tinte selon un rythme régulier, balais battant la mayonnaise ou louche remuant la soupe......
...
Maintenant, pourtant, terrassé par la somnolence, la vie sociale qui me caractérisait au quotidien s’assoupit et se délite au profit d’images et de rêveries d’une autre sorte. Je ne suis pour ainsi dire plus rien de nommable, pas plus que cette légère nuance pimentée qui se confondait dans les vapeurs d’un onguent. À moins que le «rien», lui aussi, soit quelque chose !