Ravissement
Être ravi, c’est être comblé en même temps que rayonnant. Le ravissement est proche d’un état d’extase, de joie ou de béatitude. Mais, s’il exprime un transport de l’âme, il faut l’entendre au sens de l’enlèvement, du rapt. Ravir, cela consiste à voler, à dérober. Un ravissement m’enlève à moi-même, me séduit au point de me détourner dans un dérobement total où je glisse hors du simple contentement, hors de la satisfaction personnelle, dans la nudité la plus extrême de l’âme soustraite à ses seuls plaisirs égoïstes.
Être ravi, c’est s’enlever et s’élever comme une volute.
Le ravissement, son rapt, nous dérobe à toute considération de nous-mêmes.
Et dérober doit s’entendre comme l’acte de laisser tomber la robe.
Se dérober, c’est se glisser ailleurs, mais cela signifie d’abord le fait de changer de peau, de se déshabiller.
On ne se laisse ravir que sous l’aiguillon d’Éros.
Quelle que soit la chose qui nous détourne ainsi de nous-même, elle ne peut le faire qu’en jouant sur l’érotisation de nos sens, transis vers une contrée d’airain. La séduction des pensées les plus froides et les plus chastes, en apparence, est toujours prélevée et ravie sur l’épiderme de la sensualité.
L’intellect, à cet égard, n’est pas séparé des douceurs de la chair.
Il possède, assurément, ses nymphes et ses sabots de satyre capable de transformer chaque idée en un idéal durable. (pages 242-243)
Entretien avec Jean-Clet Martin .Entretien avec Jean-Clet Martin, à propos de La chambre Editions Léo Scheer, collection M@nuscrits Plus d'information : http://www.leoscheer.com/spip.php?article1713