Jean Grave et les Temps Nouveaux.
Quels sont ceux qui auraient le plus besoin d’être « civilisés », des conquérants ou des populations inoffensives qui, la plupart du temps ont accueilli les envahisseurs à bras ouverts et, pour prix de leurs avances, en ont été torturées, décimées ?
Ah! oui, j’en ai connu de ces jeunes, venus au mouvement pleins de bonne volonté, pleins de désintéressement, mais qui, s’étant laissé prendre aux raisonnements spécieux des prôneurs de l’illégalisme, se pourrirent dans le milieu où ils s’étaient laissé entraîner, allant échouer au bagne ou en prison.
Pratiquer le vol, c’est se diminuer. Il faut mentir, tromper. Cela n’élève pas les caractères, bien au contraire. Beaucoup de ceux qui commencèrent à pratiquer le vol avec l’idée de servir la propagande, finirent par le pratiquer pour vivre, et jouir crapuleusement, lorsqu’ils avaient réussi « un bon coup ». C’était forcé. L’argent corrompt, surtout lorsque pour l’avoir on a risqué sa liberté, en usant de moyens interlopes.
Si l’on en juge par ce qui fut dit au procès, il y avait mêlés à la bande Bonnot, des individus louches. Il y avait également des individus ayant plus d’appétits que d’idées, et aussi des vaniteux. Mais il devait y avoir également des individus qui avaient commencé par être sincères. Garnier semble avoir été l’un de ceux-là, si j’en crois l’impression que m’a laissée ce qui a été dit de lui.
Bonnot lui-même, qui semble avoir été le type féroce du « struggle-for-lifer », avait peut-être commencé avec des rêves de fraternité et d’émancipation.
Si vous voulez rester homme , ne soyez pas soldats ; si vous ne savez pas digérer les humiliations , n'endossez pas l'uniforme . Mais pourtant si vous avez commis l'imprudence de le revêtir , et qu'un jour vous vous trouvez dans cette situation de ne pouvoir vous contenir sous l'indignation , n'insultez ni ne frappez vos supérieurs ! Crevez-leur la peau : vous n'en paierez pas davantage .
En surplus, ces différences de développement ne nous paraissent si grandes que parce que l’éducation, mal comprise et mal distribuée, perpétue les erreurs et les préjugés. L’imagination, l’invention, l’observation, le jugement, s’ils diffèrent parfois d’intensité chez chaque individu, ne diffèrent pas d’essence, ce sont de simples facultés de notre cerveau qui ne perdent pas de leurs qualités pour être employées à construire une machine, une maison, rétamer un chaudron, ou faire une chemise, plutôt qu’à écrire un roman ou un traité d’anatomie.
On a fait, jusqu’ici, beaucoup de livres pour apprendre aux enfants qu’ils doivent être sages, obéissants ; mais, malheureusement, ce sont les parents qui les écrivent, et on a oublié d’en faire pour recommander aux parents de ne demander aux enfants que des choses à portée de leur âge et de leur raisonnement ; il arrive que la plupart des pères et des mères ne connaissent pas du tout leur métier de parents.
Toute loi humaine est, forcément, arbitraire ; car, si juste soit-elle, elle ne représente, quelle que soit la largeur de conception de ceux qui la font, qu’une partie du développement humain, qu’une infime parcelle des aspirations de tous ; toute loi formulée par un parlement, loin d’être l’œuvre d’une grande conception, n’est, au contraire, que la moyenne de l’opinion générale, car le parlement lui-même, de par le fait de son recrutement ne représente qu’un juste milieu très médiocre.
La bête féroce que l’on élève et entretient sous le nom de soldat est lâchée sur des populations inoffensives qui se voient livrées à tous les excès que pourront imaginer ces brutes déchaînées : on viole les femmes, on égorge les enfants, des villages sont livrés aux flammes, des populations entières sont chassées dans la plaine où elles périront fatalement de misère. Ce n’est rien que cela, laissez passer, c’est une nation policées, qui porte la civilisation chez les sauvages !
Mais, somme toute, les parents de Nono aiment leurs enfants ; leurs défauts tiennent des préjugés, des habitudes qu’ils ont trouvées établies, qu’ils ont prises avec l’éducation qui leur a été donnée, et non de leur caractère qui est plutôt celui de la bonté.