Jean-Jacques Gandini

Mais comment ces documents sont-ils arrivés entre les mains du Canard Enchaïné ? A l'origine de l'affaire, un homme, Michel Slitinsky. Depuis près de quarante ans il n'a de cesse de retrouver ceux qui ordonnèrent en 1942 l'arrestation et le départ de sa famille pour Drancy puis Auschwitz. Lui a réussi à échapper à la rafle, sa mère impotente a été épargnée et sa soeur Alice, d'abord arrêtée, sera relâchées, mais son père Abraham est parti et n'est jamais revenu. Au fil des années, accumulant pièces d'archives, monographies, notes et témoignages, il poursuit ses recherches pour savoir qui a donné l'ordre fatal. Il est connu comme le loup blanc aux Archives Départementales. En février 1981, il reçoit la visite de Michel Bergès, un universitaire qui fait des recherches sur les négociants en vins quai des Chartrons, mis à l'amende à la Libération par le Comité de confiscations des produits illicites. Dans le dédale du 5e étage des Archives Départementales, il est tombé sur une pile de cartons poussiéreux entassés en désordre dans un coin: c'est le "Service des Qestions juives" de la préfecture sous Vichy. Prélevant une première liasse, il vient de trouver des documents relatifs à Michel Slitinsky et les lui transmet avec d'autres sur les modalités de fonctionnement du service: la signature de Maurice Papon est omniprésente. Désireux de frapper un grand coup, vu la position acquise entre-temps par ce dernier, c'est lui qui transmettra au Canard les documents publiés dans son édition du 6 mai.

780 - [Librio n° 314, p. 9]

Il faut le dire et le redire avec force : « Aucun régime totalitaire ne peut venir et se maintenir au pouvoir sans une multitude de petites lâchetés, compromissions, ralliements, reniements, renoncements ou actes d’obéissance d’hommes et de femmes, comme vous et moi, du plus petit citoyen au plus haut fonctionnaire. Non, ce n’est pas parce qu’il y a eu Hitler ou Pétain que nous avons eu des hommes comme Papon, mais parce qu’il y a eu des milliers d’hommes comme Papon que nous avons eu Hitler et Pétain. » Jacques Fénimore

N’oublions jamais que « le pouvoir ne s’impose que du seul consentement de ceux sur lesquels il s’exerce. » Étienne de la Boétie