Citations de Jean-Marie Bourre (30)
Dans nombre de rituels, le lait est coupé d’eau ou associé à elle. Non pas pour le falsifier ou le diluer, mais pour combiner la fécondité de l’un à la pureté de l’autre. Blancheur et transparence sont associées physiquement et symboliquement : l’une nourrit, l’autre lave. Les mythes cosmogoniques, qui prétendent expliquer la formation de l’univers, font sortir le monde d’une « onde indistincte » ; elle n’est pas du tout la fameuse « soupe primordiale » des astrophysiciens actuels, mais ce n’est pas non plus un liquide stérile. Elle est tantôt un océan primordial, ou une véritable « mer de lait ». Le lait, aussi bien que l’eau, symbolise donc ainsi le milieu préexistant à toute création.
Le lait constitue la nourriture « naturelle » du nouveau-né, dans le mythe comme dans la réalité ; on le répand en offrande à certaines divinités, la « science » d’alors s’intéresse à sa composition, la médecine l’utilise et l’humanité s’en nourrit. Hindouisme et mer (mère) de lait
Quand on n’a pas gardé les cochons ensemble, « on n’a pas bu le même lait », manière plus courtoise de s’exprimer, semble-t-il.
Le lait représente bien souvent la métaphore du bonheur, voire de l’origine de nombre de choses ; c’est ainsi que l’expression « le lait des croyances » est fréquemment employée ; il peuple les histoires et légendes des populations, comme nous allons le découvrir dans quelques pages. Une mer calme ne saurait être qu’une mer de lait. Le sang est souvent associé au lait. Vaste compromission !
N’oubliez pas que, en parlant de lait, au moins chez nous en France, c’est de celui de vache dont il s’agit ; d’ailleurs, 87 % du lait produit sur le globe terrestre est offert par cet animal. Alors que de nombreuses populations au monde ne pourraient survivre sans le lait de brebis, de chèvres, de yacks, de chamelles, de bufflonnes ou de zébus. Sans oublier le lama et l’alpaga, en Amérique du Sud. Et bien d’autres encore.
Le lait est partout, car les mammifères peuvent être terrestres, aériens, aquatiques, insectivores, carnivores, herbivores ou omnivores ; certains sont même ovipares comme l’ornithorynque ! Toutes les femelles de mammifères produisent du lait. Par définition. Celui-ci constitue donc une ressource naturelle inépuisable, car il suffit qu’un mammifère donne la vie pour le faire apparaître. Pour peu que l’animal ait été plus ou moins facile de l’élever et de le traire, une prolifique famille de produits alimentaires a été élaborée à partir de son lait.
L’écrémage, qui restreint la quantité de graisse dans le lait, exerce donc une influence sur son goût. Savourez successivement du lait pasteurisé, écrémé, demi-écrémé puis entier ; vous constaterez les différences d’intensité et de richesse aromatique, d’onctuosité. Elles sont également marquées par les saisons, l’herbe de printemps fournissant un lait et un fromage plus goûteux.
En premier lieu, le lait est constitué de beaucoup d’eau, vecteur de nombreuses substances d’intérêts alimentaires et nutritionnels considérables : des protéines, dont la principale est la caséine en suspension (elle fournit au lait sa couleur blanche), de la matière grasse (en émulsion dans l’eau, sous forme de globules), du sucre (le lactose, dissous dans l’eau), des vitamines (dont certaines solubilisées dans les globules de matière grasse) ; des minéraux et oligoéléments, au premier rang desquels le calcium et le phosphore qui assurent le lien entre les molécules de caséine, pour les solidariser en petites structures microscopiques, dénommées micelles.
Tout ce qui est liquide et blanc se voit baptisé « lait » et se trouve paré de vertus supérieures à celles du lait authentique, auquel il vole son nom. Le « lait de soja » que l’on devrait dénommer « jus de soja » en constitue un exemple fréquent ; jus sans doute délicieux en lui-même, mais véritable escroquerie nutritionnelle, tout au moins à travers ce que lui octroient quelques saltimbanques, bonimenteurs de talent.
Chaque civilisation a placé des céréales au cœur de son alimentation, blé chez nous, riz ailleurs, millet ou maïs sous d’autres climats ; parfois des féculents, comme le sorgho, la patate douce ou la pomme de terre. Incidemment, le quinoa, fort à la mode, est une herbacée de la famille de la betterave et des épinards ; qui fait office de céréale sur les hauts plateaux d’Amérique du Sud.