Citations de Jean d` Amérique (163)
Ils peuvent me menotter
Ils peuvent me foutre en prison
Mais le poème explosera la nuit barbelée
Car j'habite ici je le sais un pays de silences
Ici les gens parlent mais crois-moi il n'y a pas de paroles
Les mots meurent et les langues brillent à être creuses
C'est un peuple élevé dans la culture du vide
Un peuple qui ne creuse pas
Aucune envie d'essayer un autre vinyle. Je veux mourir. Il faut mourir après Coltrane et Kendrick. Un vertige s'empare de moi. Je m'imagine sombrer sous une violente fièvre. Mais à l'évidence, rien de tel ne m'arrivera maintenant. J'ai envie de mourir. Mais pause. Quand on tient dans ses mains 'La vie devant soi', la soif de mots peut être mortelle. Je me demande ce qui est caché entre les lignes d'un tel titre. J'ignore ce qu'a à me dire l'esprit planqué dans l'ombre de ces dix lettres : Romain Gary. J'ouvre. Au hasard, je tombe sur un pan de phrase qui me tranche, qui m'apprend que "la famille ça ne veut rien dire et qu'il y en a même qui partent en vacances en abandonnant leurs chiens attachés à des arbres et que chaque année il y a trois mille chiens qui meurent ainsi privés de l'affection des siens". Je ne me sens pas plus qu'un chien.
Les objets m'étonnent. Une platine, des disques et des livres. Je soigne le tourne-disque, beaucoup plus de mon regard que de mes mains. Je tire au hasard, et Coltrane se lance sur la piste. Je débarrasse ma ceinture du flingue, m'empare d'un livre et m'assois sur le sol froid. Nulle beauté sur la couverture, ce n'est pas important car je ne me suis jamais intéressée aux visages. Je m'arrête sur la quatrième de couverture qui me dépossède de près d'une minute.
Le son se livre avec douceur, John Coltrane laisse au vent l'occasion de me dire quelque chose, il me souffle sa maladie de cuivre, ça me soigne, me transporte : Blue Train.
Me voici courbée sous les coups, mon front criblé de javelots d'angoisse, un naufrage dévale mon élan. L'au-delà chante et chante encore par-delà mes cris d'envol, lourd requiem que martèle la vie à l'orée de mes rêves, à l’embouchure de mes jours. Je remue mon ciel dans la poussière, je bois au fleuve des vertiges.
La nuit pue l'ennui. Comme un cadavre qui n'a pas encore pris son bain, ça sent le rêve raté. Heurtée contre une tranchée de souvenirs, je braque le sommeil sans succès. La nuit parfois ne ressent aucune pitié, elle nous habite pour exiler toute paix et coloniser la porte des rêves. Ennui et vide s'octroient résidence dans l'esprit. Ainsi n'est-il plus de songe qui ne soit tissé de terreur.
Rhapsodie. Elle ne perd pas son temps à gagner sa vie, chaque instant l'enfouit dans l'embrasure. Par la marge vivifiées, ses lampes débordent encadrement. Empourprée d'astres anonymes, les tapis rouges ne l'emballent pas. Les jours passent, passants qui vont s'acheter cercueil. Ça ne la fait pas marcher, elle ne court pas après, n'est pas pressée, sur la route elle passe son temps à chiffonner horloge, peigne ses poupées troubles, flammes tressée aux ailes qui sacrifie radars, vérité agrafée au couteau qui mutile l'absolu.
Quand tombent les étoiles, le ciel ne peut recoudre leur beauté.
Tout est aussi vrai que faux dans ce pays, ça dépend de la bouche qui donne, ça dépend de l’oreille qui reçoit.
Par tes prismes, j’ai connu les courbes du grand rêve et le chemin de la magie humaine. Par-delà nos ratures, j’ai vécu le geste de la seule vérité digne de ce nom : marcher dans l’autre.
Dehors, le ciel ramasse ses dentelles.
Je me demande souvent d’où vient cette logique de renvoyer à demain l’essentiel de l’instant.
Repaire de toutes vagues humaines où l'on ronge les nuits et leur mission de soleil, ce bar est un rivage au grand cœur, un ciel où des oiseaux en mal de branches dans la savane de la vie quotidienne viennent guetter un ailleurs. Ouvriers hantés par le supplice du travail, traînant la voix incendiaire du patron dans leurs carcasses cervicales même très loin de l'usine, la besogne pénible et le salaire de misère, étudiants qui en ont marre d'étudier, errants de tous les coins, abonnés de la chaîne bohémienne, chômeurs, électrons libres ou prisonniers de l'oisiveté, corps terrassés par le vide, jeunes gens à l'affût de chair neuve, célibataires à la recherche de regards d'autres délaissés, tessons de cœurs venus se recoller à l'horizon d'un verre, enfin bref, tout le monde se forge une place ici. Bazar de toutes les couleurs, de toutes les chaleurs.
C'est un peu la seconde maison du Seigneur des Entrecuisses, cet endroit. Il vient régulièrement pour escalader les portes de ses poumons, pêcher d'autres fleuves que le sang pour irriguer ses veines, mettre à jour son statut d'éméché puis se tirer par la fenêtre des illusions. Et ce soir, cloué autour de cette table encore une fois avec ses amis, il ne cherche qu'à dégainer l'arme capable de contrer les relents suffocants de la tristesse. D'un côté, un couple sirote de la bière, échange des sourires légers, comme par précaution, pour ne pas se frôler au fond. De l'autre côté, une jeune femme plonge sa tête dans un verre de whisky, vacille entre l'enfermement de soi et la brûlure d'un écartèlement, énonce sa solitude à regarder les passants qui s'invitent joyeux dans les battements des haut-parleurs, s'écorche le cœur à fixer sans relâche des ombres humaines qui, reliées d'une douce magie par les mains, disparaissent parfois pour de bonnes minutes dans la salle de danse ou dans les toilettes...
Ici, tout est gloire pour le rien, alléluia pour la merde …
La nuit arrose mes cauchemars jusqu’au bout du matin.
Ici, il y a le parfum qu'on aimerait tant partager et l'odeur de cafard qui asphyxie nos paroles. Chaos au passage du jour, aube coincée dans le chant acéré des nuits, barbelés crus apprivoisant le derme de nos espérances. Nous sommes des corps mêlés dans les ferrailles de la vie, des voix en mal de chanson douce, nous sommes ce quartier, un cul attendant d'être torché...
Se noyer, dit-elle, est le meilleur chemin pour tirer son auréole des abysses. Elle se lance dans ses flux d’éméchée pour saisir sa lumière, boit contre le temps et la vie qui trament sa douleur. Son corps devenu une fête pour l’alcool. Ma mère, cette pirogue voguant sur l’ivresse même.
J'ai des roses coincées dans le cœur pour Silence, des papillons au coin des yeux à lui dessiner, je rêve d'avoir la tendresse des fleurs pour m'approcher de sa beauté, j'espère me muer en rosée pour convenir à son aurore. Voilà longtemps que je remue mon être en quête d'un verbe qui puisse lui exprimer mon amour en bonne et due forme, mais ce que je ressens se refuse à mon langage, mon encre demeure muselée par le silence. J'ai le sang chaud pour cette fille et, depuis que je la côtoie sa présence ici-bas, je ne suis plus qu'un corps parsemé de frissons. Elle est ma lune.
L'avenir est une chanson enflammée
Rachida debout,
parce qu'elle sait qu'être humain
c'est le métier le plus rentable pour le cœur.