Citations de Jean d` Amérique (163)
face à toi miroir seule réponse
face à tes mains prend pied dans le désert
toute tendresse venue d'ailleurs
rendue au monde la cendre
fumée faite chair nuage fait os
brûlés soient les drapeaux
tes cheveux portent au plus loin mes devises
rubans à tresser mer
de tes hanches renaît l'instable
l'air affûte ta démarche
rêve où dinent oiseaux
âge révolu où s'exile l'incendie
ton visage prophète perché sur le matin
les lunes faces à toi
restituent l'incohérence
quelle saison sans se casser les dents
dépasse tes branches
quelle onde tombée de ton arbre
ne volcanise mon fruit affamé de bouche
en toi mûrir ma feuille
aubaine pour le poème
Faim
silence sur lequel j'ose ouvrir bouche
point d'appétit à manger mot
mais prendre goût
à se croire poète en tel exercice
un deal mal tourné avec la langue
je mastique nuits sorties des tripes
façon propre
d'entrer en matière
- entrée en matière
si tu entends une voix
c’est le vidoir qui fait chant
il y a longtemps
que le mât des cœurs s’est couché
pour compléter poussière
fleurs sous orage
vies rêves emplissent les sébiles du néant
comptées ne peuvent être les plaies
pour une ville élue au bal-charogne
si tu entends une voix
c’est le charnier qui fait chant
bouche-décharge qui mâche
une dernière étoile
le petit point bleu là-bas
on veut bien encore l'appeler ciel
le petit point bleu là-bas
c’est l'espoir
nom vaillant que porte cette lumière
à venir par les barbelés
météo où performe l'aube
à sortir des épines
le petit point bleu là-bas
c'est l'espoir
regarde autour
les balles gravitent
- notes sur un chant
imaginez
une rencontre à haute voix
entre des villes en fumée
cloison qu'on voile
comme si d'où qu’elles fusent
pareilles étaient les fumées
au fond si l’on regardait
brûlé serait-on
pendant que nuit et jour
s'allument des villes à la belle étoile
pendant que ça roule pas mal à Amsterdam
je défie Ghouta
de pointer une seule herbe fraîche
ou Gaza
ou Alep
toutes ces villes
mariées de force au soir des os
grises sans le vouloir
qui n’en veulent rien au déjeuner des tombes
villes qu’une chimie haute en douleur
ne laisse choisir quoi brûler pour faire parfum
ces villes en fumée
les laissera-t-on partir ainsi
- villes en fumée
encaquées ici-bas
choses n’ayant d'adresse
qu’un vacuum gradé haut
choses qui laissent sans voix
le bruit court que le silence là domine marché
mille couteaux sous gorge allumés
le cri garde sang-froid
les poètes donnent voix à la langue
pour froisser bouche bée
riche que soit son arsenal
l’atelier du silence rendra les armes
à un moment donné ou arraché
consumé sera-t-il par sa propre essence
- atelier du silence
chair vêtue de conscience face à la lame
emplir le blanc nous est défi
là où l’heure
trouve nerf à pleurer son enfance
le creux regorge d’avenir
interrogation à la vie
sa réplique une stèle
là un rideau
abcès sur le regard
faute de passants incomplète la fenêtre
à jamais métal la bouche célèbre l’éclipse
phrases parallèles qui couvent retenues
si tu veux un fardeau
prends ce poème asséché par les limites
- fabrique de fardeau
Cède un respir, tombent ses feuilles, notes transparentes d'après nuages. L'aube, plus que chair blanche, aride, où le regard aiguise ses plaintes. Epaules battues, le ciel relance sa perte : nuit en nous classée sans suite. Toujours d'acier pain qui livre nos entrailles au marché noir. Tendresse veut-on, peuple élu du premier cactus, à jamais consume rêve où les mains boivent le fer rouge.
Ailes nous fûmes — songe lointain —, tel l’ivrogne promu au comptoir. Nos yeux affûtent leurs rivières, là écartelé l’envol et se complète le péril, appelé à sa plus haute chanson. D’un instant tout possible remué, le poème gravit ses mines et le ciel reprend besogne à héberger l'opaque.
- Tombe(r)
Pain frais voulons-nous, le fourneau écoute.
Au vent nos enfances, mais le sang remonte à la source assécher toute lumière, le chant tète aux mamelles que durcit un sanglot. Gorge infertile face à la partition libre, quelle récolte à poindre ? Tout oiseau, sans doute, reconnaît dans la région muette la plus froide saison.
Mêlé au papier ou frotté au cœur, le verbe fructifie nos arbres, confère à nos âges des plaines à toute lisière échappées.
CENDRES
mûrie de la nuit la rose s'écartèle
finit fanée dans mes régions
tristes mes routes
telle mer assiégée de garde-côtes
luit mon corps
bateau revenu de la fraiche morsure
brulez-moi
je vous prie.
ECOUTEURS BRANCHES DANS LA MER
festivals musicaux
beaucoup
combien d'entre eux
invitent les vagues en concert.
BLANCHE PAGE
langue bue
à la santé du vers brisé
au poème de révéler
page blanche
OUVRIR LE CIEL
je vous écris depuis ce comptoir
on y mesure l'humain à coup de cachets
ne vous inquiétez pas
je vais vomir
je vous écris en attente
du prochain mur
pour lui pisser dessus
aurais pu vous dire combien épaisse
cette ombre sur mon passeport
mais court l'espace qu'on m'offre en collier
aéroport de la honte je rate mon vol
qu'on se moque de son plumage
un oiseau ne fait jamais la queue
pour ouvrir le ciel.
SOUS TES PAS
jours cassés
tombe l'opaque
les oiseaux grimpent sur tes joues
et de la plus sure santé
tes pieds
sur l'incomparable.
LA PART DE L'OISEAU
au charognes ne donnez point
ce qui revient à l'oiseau.
POEMES POUR SE SOUVENIR DES COURSES
à afficher sur la voix en faisant le tour des rayons du supermarché
filtre à café
aube bouche ouverte
oignons échalotes
pain chaud accroché aux matins
omelette soleil en plein enfance
légumes près de la nuit
verte
un peu d'huile d'olive
pour ramasser mémoire fromage râpé
poème en course contre l'oubli
ne l'arrêtez pas
sans en renflouer panier
et des penser tendre à la caisse
Tant de bonnes graines
semées
dans le si triste champ
du laisser aller
à l'ombre
d'une poétique de la politique
à longueur
d'un spectacle de somptueux costumes
un si beau cadre
étoilé de mots
En attendant
il y a le fruit
du mépris de cette belle poignée de jeunesse
s'inventant des couloirs
juste pour ne pas crever
faute de barreaux
sur l'échelle à gravir
vers ce lot de promesses.
Ces douleurs retentissent en moi et me confèrent une rage qui me pousse à vouloir faire tomber la tête des agents de l'immigration,ces apôtres de l'ennui en mission auprès d'oiseaux privés d'ailes par un mauvais passeport.
Or on sait tous,par le sort habituel de ces douteuses traversées clandestines, que nulle arrivée ne saura se profiler. Nous ne sommes pas en voyage,nous sommes des corps perchés sur un destin de poussière d'où seul un grand miracle nous arrachera.
Papa ne joue pas. Du fer- blanc dessous la chair,du ciment dans la paume,de lourdes pierres dans le langage, c'est un homme mal parti dans la bulle humaine. Quand il passe,la tendresse préfère s'écarter.
C'est rituel depuis longtemps. Je me lave.parce que vêtue des traces d'une sale vie. Parce que mon ciel traîne sous des nuages boueux. Je me lave. J'ai appris à me laver,me laver malgré tout.