ON A RENCONTRÉ... JIL CAPLAN
Une plongée dans les années 80s avec la chanteuse Jil Caplan à l'occasion de la parution de son roman "Le Feu aux joues". La bande-son de sa jeunesse, ses inspirations littéraires et son engouement pour les romans d'apprentissage, elle nous embarque pour une virée au coeur d'un monde rock, irrévérencieux et rebelle.
Je pense à comment on fait l’amour, à comment on tombe amoureux de quelqu’un qui tombe aussi amoureux de vous. Encore une chose lointaine et floue. Je ne peux pas croire que cette chose va venir un jour, que j’aurai un corps dans le mien, bien emboîté et qui bouge. Je ne peux pas croire que cette chose sera réelle, plus réelle que la pochette de Blondie et la bouche de Debbie Harry entrouverte sur un micro. Je ne pense qu’à ça, à comment ce sera quand je serai grande, libre et débarrassée de mon petit corps pénible.
Le temps passe lentement, la vie demeure fermée, mystérieuse. Je pense à comment on devient quelque chose, quelqu’un, comment on fait les choses, comment on rencontre des gens.
À table, mon père dévore comme un affamé et ma mère a l’air agacée par ces repas de diable à servir, cet appétit égoïste, ces manières paysannes, cette façon d’engloutir la soupe, de mordre dans le pain à pleines dents. Moi, je n’ai pas faim. Les aliments sont hostiles, la viande écœurante, la soupe filasse, j’en ai plein la bouche, ça me dégoûte.
Mais le plus pénible, c’est de ne pas grandir. Un mètre vingt-sept à onze ans ! C’est pas normal, ça, d’être si petite. Les médecins disent que ce n’est pas grave, que je prends mon temps, que « ça viendra ».
Les maladies m’adorent. Les angines, les otites à répétition, et puis mes dents qui poussent de travers, trop grosses pour ma mâchoire, faut arracher les prémolaires pour faire de la place là-dedans.
« Tu ne seras jamais Barbara. »