Jim Harrison, qui nous a quitté le mois dernier, aimait beaucoup cette héroïne, pour laquelle il s’était glissé dans la peau d’une femme et avait écrit à la première personne.
Dalva a 45 ans, vit à Santa Monica et s’occupe de jeunes en difficulté. Elle est belle, libre, n’a peur de rien et multiplie les amants. Un incident la contraint de plier bagages et elle décide de retourner sur la propriété familiale, dans le Nebraska. Parallèlement, elle a fini par accepter que Michael, historien raté et amant occasionnel, puisse avoir accès aux journaux intimes de son arrière-grand-père, John Northridge, témoin de l’extermination des indiens des Plaines dans la deuxième moitié du XIXème siècle.
Le retour de Dalva parmi les siens marque le départ d’un grand voyage dans le passé. Sa vie a été marquée plusieurs fois par le deuil : son père tué pendant la guerre de Corée, son seul enfant confié à l’adoption dès sa naissance, la perte du père de cet enfant, la mort de son grand-père à moitié sioux.
Le récit avance doucement, par circonvolutions. L’histoire actuelle et passée de Dalva s’entremêle avec celle de ses aïeux. Voyage dans le temps : guerre de sécession, Wounded Knee, Vietnam… mais aussi dans l’espace : Californie, Nebraska, Arizona, Floride.
Il y a bien une intrigue et un certain suspens dans « Dalva » : le contenu des carnets, les secrets de famille, la recherche du fils. Mais ce n’est pas l’intérêt premier du livre. Jim Harrison nous offre avant tout une vision du monde et un aperçu sur une certaine vie rurale de l’Amérique du XXème et de la fin du XIXème.
Son écriture est marqué par l’omniprésence de la nature, des animaux et des paysages. Pour ses personnages, la nature est à la fois un espace de liberté et un espace de recueillement.
J’ai également noté que les repas occupaient une place importante dans le récit (de même que l’alcool et le sexe), ce qui accentue l’impression de proximité que l’on peut avoir avec les personnages. Hédoniste dans la vie ainsi que dans son œuvre, Jim Harrison était un fin gastronome et a beaucoup écrit sur le sujet.
Si Dalva ouvre et clôt le livre en tant que narratrice, Michael, loser par excellence, est le narrateur de la partie centrale. Ce passage-là m’a moins convaincue mais il colle au personnage et représente l’œil extérieur sur la famille Northridge.
Les carnets de John Northridge émaillent également le récit.
Je retiens de ce roman des personnages attachants et hors-normes, une nature rédemptrice ainsi qu’un éclairage intéressant sur la « politique indienne ».
Pour apprécier pleinement cet excellent roman américain, il faut adopter le rythme du ranch et des ballades à cheval et se laisser porter par son atmosphère.
(La première parution de Dalva date de 1988. The Road Home (La Route du retour), paru en 1998, en est la suite.)
Bonne lecture !
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