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Citations de John Searles (24)


Tout comme certains attireront toute leur vie les animaux errants, d'autres ont tendances à capter les énergies en suspension et en mouvements ici-bas.
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Avant cette nuit-là, jamais de ma vie je n’avais entendu de bruit aussi horrible, inoubliable. Je me réveillai en sursaut et me redressai d’un bond. Le froid avait envahi l’intérieur de la voiture, toutes les vitres à part le pare-brise étaient couvertes d’une épaisse couche de neige. Regardant dehors, l’église me parut aussi paisible et endormie que celles qu’il y a dans les boules à neige, et je me demandai si j’avais rêvé ce vacarme, si les images du livre s’étaient immiscées dans mon sommeil. Mais non, je l’entendis de nouveau, encore plus sauvage que la fois précédente, si fort qu’il paraissait vibrer tout contre ma poitrine, faisant battre mon cœur plus vite et trembler mes mains.
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Il ne m’en fallut pas davantage pour refermer le livre et le laisser tomber sur le plancher. Longtemps, je me contentai de regarder l’église, revoyant les visages de mon père et de ma sœur se déformer au plus fort de leurs disputes au point de ressembler aux chevaux sur mon étagère.
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Dès qu’elle eut mis le pied dehors, je me penchai par-dessus les sièges avant et enclenchai les essuie-glaces en continu pour pouvoir garder l’œil sur elle. Seule, écoutant le murmure de la neige fondue, je me confrontai enfin au livre. L’obscurité ne facilitait pas la lecture et, au lieu d’allumer la veilleuse, je consultai tout de suite le cahier-photos qui formait comme un entracte au centre du volume. Une photo en particulier, l’image floue d’une cuisine de ferme, me coupa le souffle : les chaises et la table étaient renversées, la fenêtre au-dessus de l’évier fracassée, le grille-pain, la théière et la cafetière étaient éparpillés par terre et les murs maculés de ce qui semblait être du sang.
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Ma mère me lança un rapide coup d’œil avant de regarder de nouveau devant elle et de mettre en marche les essuie-glaces. Ses yeux verts brillaient tandis qu’elle cherchait à voir mon père du regard. Il y avait une vingtaine de minutes, sinon plus, qu’il était descendu de voiture. Elle avait diminué le chauffage et tout refroidissait vite.

— Bien sûr, Sylvie. Comme tout le monde. Toi, de quoi as-tu peur ?

Je ne voulais pas lui avouer que c’était de voir leurs noms sur ce livre. Ni que je ressentais des picotements de terreur dans tout le corps en ce moment même alors que je me demandais ce qui retenait ma sœur et mon père. À la place, j’énumérai gentiment des petites peurs bêtes comme chou, car je me disais que c’était ce qu’elle avait envie d’entendre.
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— J’aimerais bien savoir ce qu’ils fabriquent, murmura ma mère plus pour elle-même que pour moi.
Une infime trace d’accent du Sud, vestige de son enfance passée dans le Tennessee, rejaillissait dès qu’elle était nerveuse.
Sûrement à cause de ces sons mélodieux, ou peut-être de ce livre, toujours est-il que quelque chose me poussa à demander :
— Ça t’arrive d’avoir peur ?
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Ma mère tendit le bras, actionna une commande et les essuie-glaces firent un unique va-et-vient. C’était comme régler l’antenne d’un vieux téléviseur : soudain, la neige céda la place à une image nette. Elle me suggéra de m’allonger à l’arrière et de dormir, il était inutile que nous restions tous éveillés. Pour la deuxième fois cette nuit-là, en m’étendant sur la banquette en skaï, je lui donnai l’image de la gentille petite fille qu’elle avait rêvé d’avoir. Dans la poche de mon manteau, la biographie de mes parents s’enfonçait dans mes côtes, se rappelant à mon bon souvenir. Mes parents reprochaient à son auteur, un journaliste du nom de Sam Heekin, tant de choses qu’il avait écrites qu’on m’avait interdit de la lire. Mais tout ce que ma sœur avait dit avant de partir de chez nous avait fini par me remuer et, quelques jours plus tôt, j’en avais chipé un exemplaire dans le petit cabinet de curiosités de notre salon. Jusqu’à présent, je n’avais trouvé le courage que de passer mes doigts sur leurs noms dans le sous-titre gauffré sur la couverture rouge : L’Étrange Activité de Sylvester et Rose Mason.
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Si, à ce moment-là, ma mère eut un « pressentiment », elle le garda pour elle. Elle laissa mon père défaire sa ceinture de sécurité. Elle ne l’empêcha pas de descendre de voiture. Nous le regardâmes suivre une longue ligne d’empreintes de pas qui traversait le parking et monter les marches jusqu’aux portes peintes en rouge. Il avait laissé le moteur tourner, pour le chauffage, mais arrêté les essuie-glaces et, bientôt, la neige recouvrit le pare-brise.
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— Quelqu’un devait la déposer ici, répondit ma mère. En tout cas, c’est ce qu’elle m’a dit.

Mon père mit les pleins phares, plissant les paupières.

— Je vais d’abord y aller seul, ça vaut mieux, je crois.

— Je ne suis pas sûre que ce soit la meilleure idée. Vu comme vous vous entendez…

— Justement, c’est pour cette raison que je dois y aller seul. Ces enfantillages doivent cesser. Une fois pour toutes.
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Les vitraux ne révélaient pas de lumière à l’intérieur, mais ce n’était pas seulement pour cela qu’il posait la question. Cette bâtisse n’étant pas suffisamment grande pour accueillir toute la congrégation, les messes étaient célébrées à l’autre bout de la ville, dans le gymnase de l’école élémentaire catholique Saint-Barthélemy. Tous les dimanches, paniers de basket et filets de volley-ball étaient empilés sur un chariot et transportés jusqu’à une pièce de rangement où était chargé un autel qui suivait le chemin inverse. Des dessins au feutre représentant les stations du chemin de croix étaient accrochés aux murs, des chaises pliantes et des prie-Dieu disposés par-dessus les marquages du terrain de sport sur le parquet. La véritable église était donc un lieu où nous nous rendions rarement car elle était réservée aux mariages, aux enterrements et au groupe de prière du mardi soir auquel mes parents ne participaient plus.
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— Tu es sûre qu’elle parlait de cette église-là ? demanda mon père.
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Dehors, la neige tombait tout autour de nous quand nous marchâmes jusqu’à notre petite Datsun bleue, en nous tenant la main comme des poupées de papier. Mon père serrait fort le volant en exécutant la marche arrière qui nous fit passer devant les pancartes « ENTRÉE INTERDITE ! » et « TOUT CONTREVENANT S’EXPOSE À DES POURSUITES ! » clouées aux bouleaux tordus de notre jardin. Pendant que nous roulions sur les routes enneigées, ma mère fredonnait une berceuse que j’avais entendue lors d’un voyage en Floride des années plus tôt. L’air monta dans les aigus jusqu’au moment où mon père engagea la voiture sur le parking de l’église. Nos phares illuminèrent la construction blanche toute simple, la succession de marches en ciment, les portes en bois peintes en rouge, les jardinières dénudées d’où jailliraient des tulipes et des jonquilles au printemps et le clocher surmonté d’une petite croix dorée.
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— Si on veut parler, entendis-je ma mère dire à mon père à l’autre bout du couloir, elle propose qu’on aille la retrouver à l’église.
— À l’église ?
Plus mon père s’agitait, plus sa voix devenait gutturale et tonitruante.
— Elle n’a pas remarqué que le blizzard souffle dehors ?
Quelques instants plus tard, ma mère entra dans ma chambre, se pencha au-dessus de mon lit et me secoua tout doucement par l’épaule.
— Réveille-toi, mon cœur. Nous allons voir ta sœur et nous ne voulons pas te laisser seule ici.
J’ouvris lentement les yeux et, même si je le savais très bien, demandai d’une voix ensommeillée ce qui se passait. J’aimais bien jouer le rôle de la petite fille modèle que mes parents rêvaient d’avoir.
— Tu peux garder ton pyjama, me dit ma mère à voix basse. Mais il fait froid dehors, alors enfile ton manteau par-dessus. Et prends aussi un chapeau et des moufles.
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De mon lit, écoutant ma mère jouer l’intermédiaire entre ma sœur et mon père, je regardai les manuels scolaires posés sur mon bureau. En quatrième, c’était devenu facile, comme les deux années précédentes, et il me tardait de relever le défi du lycée1 de Dundalk à l’automne. Sur l’étagère murale s’alignaient des petits chevaux en acajou sculptés à la main. À la lueur de la lampe de chevet, leurs longues têtes sauvages, leurs nasaux frémissants et leurs dents dénudées semblaient en vie.
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Trois jours. Trois jours que Rose – ma sœur aînée, qui avait le même prénom que ma mère mais pas sa gentillesse – avait fugué. Cette fois, tous les cris perçants, les bris d’assiettes et les claquements de porte avaient eu pour cause ses cheveux, je suppose, ou plutôt leur absence puisqu’elle les avait de nouveau rasés. Ou peut-être un garçon, car je savais, par des bribes de conversations que j’avais surprises, que mes parents n’appréciaient aucun de ceux que Rose fréquentait depuis son retour de Sainte-Julia.
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— C’est elle, dit ma mère à mon père au lieu de lui passer le téléphone.
— Dieu merci. Elle va bien ?
— Oui. Mais elle dit qu’elle ne veut pas rentrer.
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Ce soir-là, quand le téléphone sonna après minuit, j’ouvris les yeux et écoutai, comme à mon habitude. Jamais, pas une seule fois, je n’ai prétendu avoir eu de « pressentiments », comme ma mère, pourtant je sentis mon ventre se nouer, persuadée que cet appel était différent des autres.
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Toi, de quoi as-tu peur ?
Chaque fois que le téléphone sonnait tard le soir, de mon lit, je tendais l’oreille.

Ma mère décrochait dès la première sonnerie pour ne pas nous réveiller, ma sœur – quand elle était là – et moi. À mi-voix, elle apaisait son correspondant avant de passer le combiné à mon père. Il s’exprimait sur un ton plus incisif, plus formel en convenant d’un lieu de rendez-vous ou en expliquant l’itinéraire pour venir jusqu’à notre vieille maison de guingois de style Tudor à Dundalk, dans le Maryland. Parfois, on les appelait d’une cabine publique d’une ville voisine, comme Baltimore. Un prêtre, supposais-je, avait noté notre numéro de téléphone sur un bout de papier pour le donner à quelqu’un. Ou peut-être l’avait-on tout bonnement cherché dans les pages fines comme de la soie de l’annuaire, car nous y figurions comme n’importe quelle famille ordinaire, nous qui étions tout sauf ordinaires.

Peu après que mon père avait raccroché, j’entendais mes parents s’habiller. Ils étaient un peu comme des personnages d’une vieille série télé arborant les mêmes tenues dans chaque épisode. Dès qu’elle se montrait en public, ma mère – grande, mince, anormalement pâle – portait une variante d’une robe sac grise avec des boutons de nacre sur le devant. Ses cheveux bruns méchés de blanc étaient toujours piqués en chignon par des épingles. De minuscules crucifix scintillaient à ses oreilles, un autre à son cou. Mon père portait des costumes marron foncé, une petite croix nichée contre sa poitrine sous sa chemise jaune à col à boutons, ses cheveux noirs lissés en arrière, si bien que ce qu’on remarquait en premier lieu chez lui était ses lunettes embuées à monture d’acier.

Une fois prêts, ils passaient sans bruit devant ma porte et descendaient l’escalier pour attendre dans la cuisine dont le papier peint bleu se décollait par endroits, buvant un thé autour de la table jusqu’à ce que les phares d’une voiture s’engageant dans notre allée éclaboussent le plafond de ma chambre. Puis je ne percevais que des murmures indistincts, mais j’avais ma petite idée sur ce qui se disait. Finalement résonnaient les pas de mes parents qui conduisaient le ou les visiteurs, dans la cave, où tout le monde se taisait.

C’est ainsi que les choses se passaient toujours jusqu’à une nuit neigeuse de février 1989.
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Ce n’est qu’en accédant à la conscience la plus cristalline et en élevant la voix haut et fort pour être entendus par ceux qui sont au pouvoir que les citoyens de notre grand pays secoué par des troubles feront que sectarismes et phobies deviendront obsolètes.
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Qu’est ce qu’une prière sinon une méditation ? Qu’est ce qu’un démon sinon une peur qui vit en nous et que nous ne parvenons pas à dominer ?
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