Jon Skovron

Les rares personnes capables de perpétrer un massacre étaient guidées par l'arrogance, par la certitude d'avoir raison et par une soumission aveugle à des idéaux ou à des idéologies. Elles tuaient parce qu'elles étaient convaincues que c'était un sacrifice nécessaire.

Elle dégaina et Chant des Larmes fendit l'air en fredonnant. Crunta leva son arme pour parer le coup, mais il ne fut pas assez rapide. La chanson fut brève, et lorsqu'elle s'acheva, c'étaient les entrailles du moine qui étaient éparpillées à travers la cour.
Hope resta immobile, l'épée tendue devant elle. Crunta tomba à genoux. Il essaya vainement de remettre ses intestins à leur place, puis il bascula en avant et cessa de bouger. Chant des Larmes lançait des reflets écarlates à la faible lueur de la lune. C'était la première fois que la jeune fille faisait couler le sang. Elle s'était attendue à éprouver quelque chose. De la satisfaction. Des regrets. Elle s'était trompée. Elle ne ressentait rien d'autre que les ténèbres qui la hantaient depuis l'enfance. Mais ce soir, ces vieux démons ne lui faisaient plus peur. Ils la rendaient plus forte.

Elle se tourna vers ses camarades. Tous contemplaient l'armée de morts-vivants aux yeux écarquillés qui se dirigeait vers eux.

— Aujourd'hui, déclara Hope, nous ne sommes ni des assassins ni des guerriers. Aujourd'hui, nous sommes des anges de miséricorde qui vont mettre un terme au calvaire de ces pauvres créatures et leur offrir le repos. Aujourd'hui, nous sommes le salut de ces fillettes qui ne vivent que dans l'attente de mourir. Aujourd'hui, nous allons venger les amis et les camarades que nous avons perdus.

Elle brandit son épée et la lame ne se contenta pas de vrombir. Elle chanta dans le vent puissant du Sud et étincela comme un éclair en pleine journée.

— Aujourd'hui, nous sommes la tempête !

Les hommes et les femmes qui la suivaient lancèrent des acclamations, et la gloire de cet instant gonfla le cœur de la guerrière. Elle esquissa un sourire féroce et se tourna pour affronter le cauchemar qui se ruait vers eux.

Celui qui est assez brave pour s'aventurer aveuglément dans les ténèbres disparaîtra dans les ténèbres et les ténèbres disparaîtront en lui.

Il est des sentiments que les mots sont incapables de décrire et qui ne peuvent s'exprimer que par l'intermédiaire de la peinture, de la sculpture, de la musique ou du mouvement. Au-delà du langage, de la vue ou de l'ouïe, les deux amants découvrirent une émotion profonde qui n'existait qu'à travers leurs déplacements rythmés, une émotion qui éradiquait la peur, le doute et la gêne. Hope et Red se rapprochèrent et virevoltèrent, les yeux dans les yeux. La robe de la jeune femme ne couvrait pas son dos et Red sentait la chaleur des muscles sous la peau de sa cavalière. Il sentait également les pointes de la prothèse sur ses omoplates, mais cela ne le dérangeait pas. Bien au contraire. Cette morsure était un souvenir indélébile des innombrables sacrifices qu'ils avaient consentis l'un pour l'autre.

Un soupçon de chaos apporte le changement, et le changement est parfois salutaire.

Les Vinchens pensent qu'il est préférable de perdre avec honneur plutôt ue de gagner dans la honte. Parce que si le nectar de la victoire est souillé, il laisse un goût amer dans la bouche.

— J’espérais prendre une retraite tranquille, dit Sadie, mais de toute façon, je me serais vite ennuyée. Ne compte pas sur moi pour poser un genou à terre. Je serais pas fichue de me relever.

- Si tu crois en ce que tu fais, tu as toujours une chance de réussir. Mais si tu es convaincu que tu vas échouer, tu échoueras à coup sûr. Ne déclare jamais forfait avant d'avoir essayé.

- Bon, lâcha Jilly. Moi aussi, il m'arrive de me planter de temps en temps. Il ne faut pas oublier que c'était la première fois que vous jouiez les professeurs. Je crois que je peux vous accorder une nouvelle chance. Si vous êtes d'accord. Moi, je veux toujours devenir la première biomancienne vinchen de l'empire.
- Pardon ? s'étrangla Stephan. Vous voulez devenir quoi ?
- Cela ne te concerne pas, mon garçon, dit Brigga Lin sur un ton presque méprisant.
- J'ai l'intention de lui enseigner tout ce que je appris, expliqua Hope d'une voix qu'elle espérait plus aimable. Y compris les arts vinchens auxquels Hurlo le Rusé m'a initiée. Mais cela ne fera pas de Jilly une véritable Vinchen, bien entendu.
- En effet, dit Brigga Lin. Elle ne sera pas obligée de supporter les comportements misogynes et les principes obtus de votre ordre.

Hope songea que certains moments étaient si parfaits qu'on avait du mal à croire qu'ils étaient réels. Elle regretta qu'il n'existe aucun moyen de capturer une nuit comme celle-là, de la conserver dans une bouteille en prévision des jours sombres qui l'attendaient.

— Qu’est ce que tu veux devenir ?
— Le plus grand voleur que Laven la Nouvelle ait jamais connu, répondit-il aussitôt.
Sadie éclata de rire et des gerbes de bière jaillirent de sa bouche et de son nez. Sa chaise se balança dangereusement et elle faillit tomber à la renverse.
— C’est idiot, je suppose.
— Idiot ? répéta Sadie. C’est le truc le plus soleil que j’aie jamais entendu.

— Est-ce qu’un mecton prend l’air étonné quand le glorieux soleil perce les cieux assombris de nuages avec ses rayons ardents ? (Red trancha la gorge de la savate qu’il venait de poignarder). Non ! Il esquisse un sourire reconnaissant et poursuit son chemin.

- Je crois qu'il sera assez grand ! lança Red en arrêtant le chariot au milieu de la place.
Il était assis sur le banc du conducteur et souriait de toutes ses dents. Jilly était à côté de lui, très contente d'elle. Hope songea qu'il était peu probable qu'ils aient acquis le véhicule de manière légale, mais demander à Red de renoncer au vol, c'était comme demander à Brigga Lin de ne plus faire exploser les entrailles des gens qui l'agaçaient. Et quand on voyait les choses ainsi, les larcins du jeune homme n'étaient pas bien graves.

Il n’y a rien de plus important que la respiration. C’est le principe même de la vie. Tant que tu ne la maîtrises pas, tu ne peux rien accomplir. Un guerrier ne peut pas se permettre d’éprouver une joie débridée ou une terreur extrême. Nous ne pouvons pas nous empêcher de ressentir des émotions, mais nous pouvons les empêcher de nous emporter grâce à l’ancre qu’est la respiration. Tu vas donc respirer lentement et profondément jusqu’à ce que ta tempête émotionnelle soit apaisée, jusqu’à ce que tu retrouves ton calme.

Le Livre des Tempêtes affirmait qu’il n’existait qu’un paradis, mais plusieurs enfers. Chaque enfer était unique, mais tout aussi cruel que les autres. Le texte sacré expliquait que la souffrance humaine ne connaissait pas de limite et qu’il y avait donc une infinité de manières de l’infliger.

Aucune personne de sexe féminin, quel que soit son âge, n’avait jamais franchi les portes du monastère, et voilà qu’il demandait à ses frères de cohabiter avec cette enfant. Pendant des années peut-être.

Lorsque son fils eut six ans, elle ne décrivait plus que des images incohérentes, et c’était Rixidenteron qui concevait la majeure partie des toiles. Mais si l’enfant maîtrisait la technique de sa mère, il était encore bien loin de posséder son génie imaginaire – il suffisait de regarder l’une de ses œuvres pour s’en rendre compte. Les critiques déclarèrent que Gulia Pastinas était une artiste du passé et qu’elle ne produirait plus rien d’intéressant.

Elle était assez jolie, mais si têtue et si rebelle que son père désespérait de la marier un jour. C’était très ennuyeux, car dans ce milieu, il était fort mal vu de laisser travailler les femmes et celles-ci restaient donc à la charge de leurs parents tant qu’elles étaient célibataires.

Les enfants des femmes qui prenaient cette drogue naissaient dans un état de dépendance, et la plupart mouraient avant un mois.