Citations de Joseph Joubert (328)
Qu'importe qu'un vieux récit contienne un événement fabuleux ou un événement réel, si la même autorité qui nous l'a fait adopter en l'inculquant dans notre esprit y implique une moralité qui contient des maximes vraies, utiles, nécessaires, indispensables ?
Il est bon, il est beau que les pensées rayonnent ; mais il ne faut pas qu'elles étincellent, si ce n'est rarement. Qu'elles reluisent est le meilleur.
Année 1800
À les entendre, on croirait que rien n'est si aisé que de dire ce qu'on pense, et il n'est même pas aisé de le savoir au juste. "
Mais l'idée du nid, dans l'oiseau, comment y vient-elle ?
Je voudrais savoir sur quel fondement on imagine que le microscope et autres verres qui nous font voir autrement que les yeux, nous montrent réellement les objets tels qu'ils sont en effet. Les apparences produites par ces verres ne peuvent-elles pas être aussi trompeuses que celles produites par les liqueurs qui servent à la vue dans l’œil ? Parce qu'ils grossissent, mentent-ils moins ? Exagérer, est-ce vérité ?
Peut-être (et probablement) il serait vrai de dire que nous concevons que ce que nous pouvons nous figurer.
Analyser, décomposer. - Ce qu'ils appellent analyse avec tant d'emphase est ce qu'on appelait division quand on parlait avec simplicité.
Il faut analyser son sujet avec soi-même, c'est à dire qu'il faut le considérer sous toutes ses faces et l'examiner par parties, le tourner et le retourner ; mais il ne faut pas analyser sa pensée avec son lecteur. Il faut tout dire en un mot et tout d'un coup après avoir tout examiné longuement et à plusieurs reprises. L'écrivain doit se rendre semblable au peintre. Le peintre considère son modèle trait par trait, mais c'est l'ensemble qu'il en montre. Ce n'est pas rayon par rayon, mais par faisceaux, que la lumière nous éclaire.
Ce qu'on chercher surtout dans les livres sans s'en apercevoir, ce sont les mots propres à exprimer nos diverses pensées.
Le poète a un souffle qui enfle les mots, les rends légers et leur donne de la couleur ; une teinture, une liqueur, comme ce nectar de l’abeille qui change en miel la poussière des fleurs
Le transparent, le diaphane, le magique ; l’imitation du divin qui a fait toutes choses avec peu et , pour ainsi dire, avec rien : voilà l’un des caractères essentiels de la poésie
Tout son dans la musique doit avoir un écho ; toute figure doit avoir un ciel dans la peinture ; et nous qui chantons avec des pensées et peignons avec des paroles, toute phrase et chaque mot devrait aussi dans nos écrits avoir son horizon et son écho.
Le vrai bourgeois est, par caractère, possesseur paisible et paresseux de ce qu'il a ; il est toujours content de lui, et facilement content des autres.
Le but n'est pas toujours placé pour être atteint, mais pour servir de point de mire.
Toute vérité n'est pas bonne à dire, car dite seule et isolée, elle peut conduire à l'erreur et à de fausses conséquences ; mais toutes les vérités seraient bonnes à dire si on les disait ensemble, et si l'on avait une égale facilité de les persuader toutes à la fois.
Pensées (1909)
Celui qui a de l’imagination sans érudition a des ailes et n’a pas de pieds.
Il y a des cerveaux lumineux, des têtes propres à recevoir, à retenir et à transmettre la lumière. Elles rayonnent de toutes parts ; elles éclairent ; mais là se termine leur action. Il est nécessaire de joindre à leur opération celle d’agens secondaires, pour lui donner de l’efficacité : c’est ainsi que le soleil fait éclore, mais ne cultive rien.
Quand je ramasse des coquillages et que j’y trouve des perles, j’extrais les perles et je jette les coquillages.
Je m’arrête jusqu’à ce que la goutte de lumière dont j’ai besoin soit formée et tombe de ma plume.
S’il est un homme tourmenté par la maudite ambition de mettre tout un livre dans une page, toute une page dans une phrase, et cette phrase dans un mot, c’est moi.
Je suis comme une harpe éolienne, qui rend quelques beaux sons, mais qui n’exécute aucun air. Aucun vent constant n’a soufflé sur moi.
Le monde me paraît un tourbillon habité par un peuple à qui la tête tourne.
Je ressemble en beaucoup de choses au papillon : comme lui j’aime la lumière ; comme lui j’y brûle ma vie ; comme lui j’ai besoin, pour déployer mes ailes, que dans la société il fasse beau autour de moi, et que mon esprit s’y sente environné et comme pénétré d’une douce température, celle de l’indulgence ; j’ai besoin que les regards de la faveur luisent sur moi
"Une pensée est une chose aussi réelle qu'un boulet de canon.
Le but n'est pas toujours placé pour être atteint, mais pour servir de point de vue.