Les éditions Flammarion ont eu la bonne idée de rééditer "Point de côté" le premier roman (et le seul) de Judith Godrèche qui semble être passé assez inaperçu en 1995 à sa sortie.
Il faut dire qu'il prend du sens aujourd'hui, l'actualité ayant permis à l'autrice de s'exprimer sur l'emprise qu'a exercé un réalisateur, modèle du cinéma français de quarante ans, sur elle quand elle était une jeune actrice de quatorze ans.
Fortement inspirée par son vécu, elle donne la parole à Juliette la narratrice de vingt-et-un ans qui cherche à envoyer une lettre de rupture à l'homme avec qui elle vivait depuis ses quatorze ans. Une rupture qui est effective mais douloureuse, fil conducteur de ce court roman entre enfance perdue et peur de l'abandon.
Quatorze ans c'est très jeune et c'est aussi le nombre d'années qui la sépare d'Odile qui a sept ans. Je ne sais pas si elle l'a fait exprès mais l'âge de la petite fille a son importance.
Alors que Juliette semble aller assez mal, elle est retournée chez sa mère avec laquelle les rapports ne sont pas au beau fixe.
Annie, sa seule amie peut la retrouver à n'importe quelle heure quand elle ne va pas bien. C'est le cas alors sa cleptomanie la reprend et la met en danger jusqu'au moment où Juliette rencontre François et sa sœur Odile. La petite fille est un peu son double d'autant plus qu'elle a besoin d'une mère, la sienne vivant à l'étranger.
A l'époque des cabines téléphoniques et des francs, les deux filles, la petite et la grande, vont se rapprocher au point de ne plus vouloir se quitter en raison de sentiments partagés comme la peur de l'abandon. D'ailleurs Juliette dit qu'elle ne peut pas regarder quelqu'un partir sans dire adieu, comme l'a fait son père.
Je ne sais pas pour vous mais je trouve qu'un point de côté ça fait vraiment mal. Grâce à une écriture sobre, Judith Godrèche réussi à créer une certaine tension qui nous fait sentir que cela ne va pas bien et l’on devine la conscience d'une emprise qu'elle n'arrive pas à dénoncer ouvertement.
Ce court roman a aussi pour intérêt d'être construit essentiellement sous forme de dialogues ce qui le fait ressembler à un scénario de cinéma. Pas surprenant et appréciable.
Challenge Riquiqui 2024
Challenge Cœur d'artichaut 2024
Challenge Plumes féminines 2024
Challenge XXème siècle 2024
Commenter  J’apprécie         130
Alors donc...
Après le retour fracassant et talentueux de l'actrice avec une série, après le scandale presque à son corps défendant, issu d'un ras-le-bol et d'un trop plein de non-dits pendant tant d'années, après la volonté de faire de son histoire plus qu'une trajectoire personnelle, une ouverture vers des questionnements qui doivent tous nous concerner...
Voilà donc qu'on s'interroge sur ce qu'on a pas vu jusque là et on va chercher à la source, ce petit roman sorti sans grand retentissement en 1995, sans que personne n'y trouve rien à redire. Ma moitié tourneboulée par toute l'histoire exhume le livre dormant depuis 30 ans dans sa bibliothèque adolescente et l'objet tombe entre mes mains.
Juliette a 21 ans et vient de quitter son compagnon beaucoup plus âgé qu'elle. Elle s'entend mal avec sa mère, vole dans les boutiques sans trop vraiment savoir pourquoi et arpente Paris dans tous les sens. Elle rencontre un jour Odile, 8 ans qui va devenir son point d'ancrage.
Première suprise: c'est que Mlle Godrèche a un certain talent d'écriture, certes encore un peu vert et à la condition de goûter ce style quasiment dialogué du début à la fin et terriblement français.
D'ailleurs comment détailler ce roman tellement "français" donc, si ce n'est en le comparant à un certain cinéma "français", vous savez ces "prises de têtes de deux heures dans une cuisine" taxées d'intellectualisme et honnies par certains, portées aux nues par d'autres. Comparaison pas si bête, car ce roman ressemblerait presque à un scenario de Jacquot ou Doillon (cinéastes talentueux, ce qui ne les dédouane de rien). Se souvenir ici que Judith Godrèche aurait d'ailleurs collaboré aux scenarii des deux films tournés avec ces réalisateurs sans jamais être créditée, ce qui revient à voler la substantifique moëlle d'une adolescente pour plus de caution réaliste. Néanmoins, inspirée et vampirisée par eux à la fois, la boucle est bouclée.
Seconde surprise (qui n'en est évidemment pas une): oui, le sous-texte est là, déjà, l'amant plus vieux qu'elle vient de quitter, celui qui l'aimait pour ses quatorze ans, abordé à peine mais de manière très explicite quand par exemple le personnage de la jeune fille raconte qu'il avait besoin d'une lettre manuscrite de la mère pour pouvoir l'emmener dans n'importe quel hôtel à l'étranger.
Et Juliette qui accueille, protège, et couve d'un amour fou une enfant en déshérence et trop seule, comme abandonnée par les adultes ...
Une manière de réparation a posteriori. Mais halte à ma psychanalyse à trois balles.
Point de côté est à prendre pour ce qu'il est, le premier roman d'une jeune femme de 22 ans romanesque et poétique, qui aspire encore ses spaghettis bruyamment comme une enfant et qui erre dans Paris avec un air charmant et buté. L'air de ceux qui en ont trop vu, déjà, et qui se disent malgré tout, allez, avance, pas à pas, et ça ira.
Commenter  J’apprécie         120