Le pote est quelqu’un qui pourrait éventuellement, mais pas nécessairement, devenir un ami. Quelqu’un que l’on est plus ou moins content de croiser en sortant de la pharmacie pour se rappeler qu’on est un adulte qui connaît des gens, qui est reconnu, mais à qui on n’a clairement pas envie d’avouer qu’on a dû acheter une crème contre les hémorroïdes.

Je jauge l’inconnu qui se dresse devant moi, passablement aviné, me présentant différentes bouteilles d’alcool bien entamées. Et je fais le point. Vingt-six ans de vie ne m’ont finalement pas vraiment armée pour faire face à ce genre de situations, à affronter les hommes de manière générale.
Et alors que je baisse les yeux, incapable de soutenir son regard plus longtemps, mon éclatante vulnérabilité floute tout le reste. Je suis toujours emmaillottée dans mes attentes, mes complexes, mes espoirs, mes désillusions et, à force, j’ai l’impression de perdre l’équilibre et de tomber à chaque occasion. Je tombe amoureuse, je tombe sur un con, je tombe de haut.
J’en ai un peu ras le bol de perdre l’équilibre et m’écorcher les genoux comme une gamine même pas capable de jouer correctement à la marelle.
À quel moment devient-on femme ? À quel moment les choses se simplifient-elles ? Plus le temps passe et moins j’ai l’impression d’y arriver. Cette soirée n’en est qu’un symptôme supplémentaire.
Je relève la tête. L’inconnu me fixe toujours, encouragé par la lumière tamisée du salon, complice. Son regard s’est un peu affûté. Il semble dessaouler légèrement et prend le temps de me considérer.
Je n’arrive pas à décider si je le trouve beau ou non. Il a du charme, c’est certain, et il dégage quelque chose de tout à fait atypique. De l’intelligence, de la malice aussi, et une aura trouble, brute, presque dangereuse. Ce mec, il a un truc.
Wurst met une éternité à démouler un Mont-Saint-Michel au pied d’un arbre. Dieu qu’il est lent ce chien ! Tiens, ça c’est pareil ! Je suis bien le seul à la promener ! Personne n’en a rien à faire de ma tronche, dans cette famille. Je ne suis là que pour payer les factures et me taper les corvées ! J’ai systématiquement le rôle du méchant. Je suis celui qui est sérieux, qui reproche, qui en demande trop et qui pourtant n’a jamais le temps d’être là. Mais ils croient quoi ? Que ça m’amuse de bosser pendant des heures avec des gens qui ne m’aiment pas et me respectent à peine ? Que ça m’épanouit de ne pas voir mes enfants grandir et de quand même me faire un sang d’encre pour eux ? Que c’est l’éclate de rentrer du boulot et d’avoir encore à régler leurs disputes futiles ?
Chapitre 10
Finalement Charles avait raison : tuer quelqu’un, c'est simple.
Qu'allait-on faire maintenant? Continuer à nous éliminer les uns les autres ? S'allier ...ou bien ...
Non, à partir du moment où on avait été capable d'en tuer un, pour les survivants ça serait encore plus facile. Maintenant c'était chacun pour soi et dieu pour tous.
Il fallait que j'aie un plan.
Louise, Anna et Nils ont presque fini de se décomposer. Il leur reste encore un peu de peau putréfiée sur le scalp et autour des tibias, c'est assez crade mais les vers de terre se font bien plaisir. :)
Amaryllis a survécu, mais comme ce n'était qu'une stagiaire et que tout le monde s'en fout, la RH avait déjà oublié qui c'était. Dans le doute, elle a préféré annoncer le décès à Simon. Amaryllis n'aura jamais eu sa lettre de recommandation, mais elle ne comptait pas vraiment en demander une de toute façon. On ne sait pas ce qu'elle est devenue. Tout le monde s'en fiche. À nouveau, une stagiaire reste une stagiaire, dans l'imaginaire collectif.
Je sais que je ne devrais pas prendre ça personnellement. Ce n’est pas tant du racisme qu’une violence de classe. Ils doivent s’imaginer que ma culture, si elle résiste, c’est qu’elle n’existe que pour leur apporter un peu d’exotisme. Le manque d’étiquette, en revanche, ça c’est la peste qu’ils combattent. Je crois que ça m’écœure encore plus. Les convenances, ce ne sont que des normes sociales qu’ils ont érigées pour nous mettre à l’écart. Ce n’est même pas le sort de la génétique qui nous sépare, mais leur volonté éclairée et active.
Je plongeai soudainement dans un profond sommeil. Je me rappelle confusément d’une sensation dure et froide sur mon visage, comme si je gisais sur le sol. Pourtant, j’étais conscient d’être assis sur une chaise, retenu par les poignets.
Et c’est là qu’il y a eu la première décharge ; la première d’une longue série.
Wurst ne bouge toujours pas. Sans m'en rendre compte, je lève mon bras et lui fracasse le crâne dans un craquement rude et creux. Il couine. J'ai déjà jeté la pierre dans un buisson sur le côté. Il glougloute et gémit. Je lui mords le ventre jusqu'à ce que la peau cède. Je tire sur l'orifice, recrache du poil, dévore le solide, engloutis le mou et mâche l'élastique. Je ronge ses pattes pour découvrir l'extase de cette fine couche souple de peau et de chair qui enrobe un tibia robuste et pourtant si fragile. Je racle ses côtes. J'aspire ses viscères. je bois son jus.
Je commence à être rassasié. Je suçote mollement ses entrailles puis lèche langoureusement sa gueule tiède.
J'aimerais pouvoir me rappeler que je n'ai pas pris mon pied dans cette activité, mais ça serait mentir.
le pour ne pas faire de bruit. Il n’y a pas de lumière. Si Cathy est réveillée, elle m’attend dans le noir. Non. Ce n’est pas son genre. J’attrape mon téléphone au fond de ma poche. J’ai les doigts noirs d’hémoglobine, mais tant pis. Pas d’appel en absence. Ma femme et mon fils dorment, et j’ai un cadavre sur les bras. La ville entière roupille pendant que je vais devoir me débarrasser du corps. La totalité du pays pionce, et je l’ai planqué dans un buisson en attendant de creuser une tombe. C'est dingue. Et je vais même pas pouvoir le raconter à mes collègues demain.
Je ne suis pas fainéant, je ne suis pas pervers, pas déviant, pas si faible non plus. Je suis moyen et je n’ai juste pas eu de chance. Quelque part, je les aurais voulus un peu plus débiles ; ça aurait été plus facile de les haïr ou de leur pardonner, mais eux sont simplement moyens.