Honnêtement ? vraiment pas mal du tout !
L'histoire est celle d'une jeune femme qui raconte l'enfance pourrie avec des parents peu aimants, une grande soeur qui est sa meilleure amie, une vie faite de petits boulots qui ne rapportent que de quoi payer le loyer et un jour, le grand amour.
J'ai apprécié le style de l'auteur : brut, plein de rage, un phrasé simple, souple, qui rebondit. On lit parfois des suites de phrases comme de la poésie. Il y a une justesse dans le ton : les personnages sont en lutte permanente contre le monde et ça se ressent dans l'intensité des phrases. Le seul reproche que je pourrais faire est qu'on ne discerne pas les voix des quatre personnages qui parlent. Au début, on suit la jeune femme, personnage principal, puis s'intercale un chapitre racontée par sa grande soeur. Plus tard, un ami et à un autre moment, un amoureux. Mais le ton, la façon de parler est tellement similaire qu'on n'a pas l'impression d'avoir affaire à des personnages différents, si ce n'est le contexte et ce qu'ils racontent, qui les différencient.
J'ai bien aimé cette histoire, que j'ai trouvé à certains moments très bouleversante. Et ce chapitre, terrible, qui déferle sur le lecteur au milieu du livre. Repris plus loin d'un autre point de vue, encore pire, encore plus impactant. J'ai eu peur de ne pas pouvoir en venir à bout tant le sujet est inconcevable et d'une dramaturgie implacable.
Je suis aussi étonnée de lire un homme écrire si bien le féminin. Peut-être qu'on surfe sur cette vague de la détestation des hommes (par les femmes, aussi bien que par des hommes eux-mêmes à l'égard de leurs congénères). Est-ce que c'est une véritable prise de conscience que certains hommes sont mauvais, dû à leur conditionnement ? est-ce que c'est parce que c'est tendance à une époque post #metoo de dénoncer les comportements virilistes et misogynes ? Je ne me permettrais pas de répondre à cette question à la place de l'auteur. Tout ce que j'ai lu, c'est qu'un homme a su écrire et retranscrire les craintes et les pensées d'une femme et se mettre à sa place.
L'auteur a créé deux personnages masculins simples, doux, prévenants. Pour l'un, il est question d'être au coeur d'une relation amoureuse, dans un échange et un partage d'amour, une relation qui semble équitable et qui place les deux personnages amoureux au même niveau. Pour l'autre, c'est une confrontation au réel : ne pas être celui que la fille aime, être celui qui la déçoit, celui qui est rejeté. Et dans cette soumission au regard de la femme, il y a de la crainte, de la timidité, un amour trop grand qui paralyse et confine au domaine du fantasme. Et puis cette déception d'être celui dont on ne veut pas, l'insistance puis le retrait et la colère qui éclabousse. Tous ces sentiments sont parfaitement traduits pas l'auteur.
Le roman traite de l'amour et du chagrin. De l'immense peine que cause la perte de l'être aimé. La perte physique, implacable, celle que personne ne peut soulager.
... Mais je ne suis pas complètement rentrée dans cette histoire. Je ne saurais pas dire vraiment à quoi ça tient : peut-être parce que les personnages sont profondément ancrés à Paris ? peut-être parce que je n'ai pas su bien les différencier dans leur colère, contre qui ? contre quoi ? un déterminisme social ? des parents mal-aimants ? un monde du travail qui les rejette ? à cause de ce côté un peu hautain "il ne faut pas rentrer dans le moule" ? Ou peut-être est-ce dû à la noirceur et l'amertume de ce texte ?
Néanmoins, il est dommage que ce roman soit passé hors des radars. Il ne touchera peut-être pas tout le monde par sa langue et son ton, mais l'universalité du sentiment amoureux et de la perte décrits ici, peut parler à de nombreuses personnes.
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