Depuis 20 ans, ses chroniques judiciaires dans les colonnes du Monde sont lues avec beaucoup d'intérêt. Pascale Robert-Diard a elle aussi suivi le procès des attentats du 13 novembre 2015, mais c'est pour son premier roman "La petite menteuse" aux éditions de l'Iconoclaste, qu'elle est présente aujourd'hui. Ce livre fait à la fois réfléchir sur la vérité judiciaire, le mensonge adolescent et le conflit de génération face aux accusations de violences sexuelles.
Alice Keridreux défend Lisa, une adolescente de 15 ans qui accuse un homme d'un viol qui sera condamné à 10 ans de prison. Lors du procès en appel, la jeune fille dit vouloir "rétablir la vérité".
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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Les meilleures plaidoiries sont toujours celles que l’on refait après.
La qualité d’un procès dépend d’abord de celui ou celle qui le préside. Les autres peuvent avoir tout le talent du monde, ils ne sont jamais que des seconds rôles.
L’éloquence ne consiste pas à dire ce que l’on croit mais à croire ce que l’on dit.
(Jacques Charpentier, Remarques sur la parole)
J'ai arrêté de manger. On a même dû m'envoyer à l'hôpital. On me nourrissait avec une sonde que j'essayais d'arracher. Je ne pensais plus qu'à cette confrontation. Elle me hantait. Je rêvais qu'on venait me chercher dans ma chambre, qu'on m'emmenait de force face à lui et je me mettais à hurler. Les cauchemars ont continué quand je suis rentrée chez moi, je réveillais mes parents toutes les nuits. Je ne sais pas si vous pouvez comprendre. Cette confrontation, je la redoutais et je crois qu'en même temps je l'espérais. Elle faisait comme un mur à l'horizon. Un gros mur qui allait tout arrêter. Je me disais qu'après, je m'enfuirais. Ou que je me suiciderais. Je pensais à ça, dans le bureau de la juge, quand elle a parlé de la confrontation avec mon avocat. Ils m'ont demandé mon avis, j'ai dit que je préférais mourir.
Qui aime ses années collège ?... Ce lieu d’humiliation et de ricanements quand la tête apprend mal ou que le corps est trop gros, ou trop maigre, ou trop petit. Ce cimetière d’espoirs pour les parents et ce lieu de déboires pour leurs enfants. Même pour les bons élèves, c’est un temps que l’on préfèrerait oublier.
(pages 197-198)
Les jurés, c’est pareil. Gavés de séries télé. Ils ne t’écoutent plus. Ils te regardent avec l’air de tout savoir mieux que toi, parce qu’ils ont vu l’intégrale de Faites entrer l’accusé. Plus moyen de les faire douter !
(pages 30-31)
Plus je mentais, plus je souffrais, plus je souffrais, plus on me croyait.
Certains le disaient mort avant son procès. Peu importe : il est des âmes si noires qu’elles ne méritent pas que la justice les laisse en paix.
Pourquoi devrait-on douter davantage d’une jeune fille qui se rétracte que d’une jeune fille qui accuse, Monsieur l’avocat général ?
(page 170)
Reviens au mot de « victime », se dit-elle.
Le mot qui a stoppé net les railleries des garçons. Qui a fait effacer à Ryan la vidéo qu’il conservait dans son téléphone. A bouleversé sa mère. A adouci sa sœur. A ramené son père à la maison. Comment ne pas l’aimer, ce mot, et le statut qu’il confère ? Alors oui, Lisa Charvet l’a aimé. Elle l’a tellement aimé que chaque fois qu’il menaçait de lui échapper, elle l’a conforté.
(page 206)