« Au moment de naître, j’ai dû seulement t’apercevoir.
Trop loin pour que je puisse imprimer ton visage.
Trop vite pour que je puisse le reconnaître.
Trop loin. Trop vite. Mes pupilles se dilatent.
Maman.
Tu es loin, trop loin de mes yeux.
Tu n’as pas de bras, pas de jambes.
Tu n’as pas de bouche, de cheveux.
Tu n’as pas de visage, de nom.
Maman, tu es ma mère pourtant.
Rien. Il n’y a rien qui nous relie.
Je ne sais rien de toi et de toi je n’ai rien.
Maman maman je n’ai de toi
Qu’une petite couverture de laine
Et les mots gelés d’un papier qui certifie :
– le jour où tu m’as mise au monde.
– le prénom que tu m’as laissé.
– l’heure où tu m’as délaissée… »
Un jour tu partiras
par pudeur dire partir
tu pourrais bien mourir
un jour viendra tu meurs
je pourrais partir avant toi
je peux mourir au prochain mot
je ne sais pas
ce qui m'arriverait
si tu mourais
tu es vivante quand j'écris
tu n'es pas dans la pièce
à l'instant où
j'écris
je ne te vois presque plus
il faut que je t'appelle
que je t'entende
pour m'assurer
que tu peux encore
me parler
les mots que tu me donnes
te font vivante
tu n'es pas seul.e
au fond
tu es relié.e
à ton cœur qui palpite
aux artères qui irriguent ton corps
relié.e
tu l'es
à ton histoire
à celles et ceux qui étaient là
avant toi et pour toi
tu es relié.e aussi
à celles et ceux
qui vont te suivre et seront là
pour dérouler ce fil
sans fin
tu es relié.e
à tous les mots que tu as prononcés
à toutes les caresses que tu as reçues
et toutes celles que tu as offertes
À présent
Je vais
D’un mot
Aller
Me balader
Au vert
Au vent
Dans l’eau
Et dans l’instant
J’entends le mot
Montagne
Et le sentier dévale
Il se lance
En lacets
Vers moi
J’entends le mot
Et je ferme les yeux
Ou je les laisse ouverts
Je porte mon regard
À l’intérieur
En moi
Ou loin devant
Là où je veux
Aller
Au vert
Au vent
Dans l’eau
Et dans l’instant