Citations de Karyn Adler (97)
Et soudain, tout a changé. J’ai changé. Alors, lorsqu’une main se pose sur le zinc du comptoir, près du verre presque vide que j’ai laissé traîner, je feins d’être tout à fait à l’aise, sûre de moi. Et je souris à cet homme qui me salue, les yeux plongés dans mon décolleté.
Tout n’est que sensualité et douceur. D’une délicatesse infinie. Il embrasse mon visage, ma mâchoire, la commissure de mes lèvres, mon nez, ma bouche où il s’attarde un peu plus. De sa main libre, il caresse mes courbes et les miennes suivent le tracé de sa musculature, tendue par l’effort. Nos corps se meuvent sur un rythme fluide et cadencé. J’ai envie de lui. J’ai besoin de lui. Nos bouches, liées l’une à l’autre, se dévorent. Ma langue s’invite entre ses lèvres et il répond à mon baiser vorace, gémissant contre mes lèvres. Sa main se faufile jusqu’à mon intimité. Mon corps frissonne, mes joues s’échauffent et mon cœur s’affole. Je remonte l’une de mes jambes que j’enroule autour de sa taille en l’incitant à fusionner nos corps.
Je veux qu’il voie à quel point j’aime l’homme qu’il est, tout entier. Il est beau, à n’en pas douter. Ses cheveux bruns, ses yeux noisette d’une profondeur abyssale et son sourire enfantin malgré les années qui passent. Tout me plaît. Mais ce qui fait battre mon cœur, plus que tout, c’est l’harmonie de nos corps, nos cœurs, nos esprits.
Notre amour suffit à mon bonheur et c’est dans ces moments-là que je réalise à quel point j’ai de la chance de l’avoir. J’aimerais seulement être certaine de ne jamais voir s’éteindre la petite lueur qui fait briller ses yeux lorsqu’il me regarde.
— Je t’aime.
C’est simple. C’est réel. C’est tout ce qu’il y a à dire. Et cela suffit à ôter le voile qui assombrit son regard. Il approche, saisit ma taille et m’enlace, tandis que je proteste sans vraiment y donner de l’entrain.
Il faut du temps, de la patience et beaucoup d’énergie pour reproduire l’expression, l’émotion d’une photo, à travers la matière. En affiner la précision des détails, épurer les contours. J’aime prendre mon temps. Me laisser envahir par le sujet, le décor. Lancer ma playlist et oublier tout le reste. Le monde, la vie au-dehors, plus rien n’a d’importance. Et tandis que mes mains humides glissent sur la glaise, je ferme les yeux. J’inspire, capturant l’instant précis où ma vision prend vie.
Du plus loin que je m’en souvienne, j’ai toujours aimé créer. Réinventer le réel. Sublimer l’imaginaire. C’est tout naturellement que j’ai pris le chemin des arts. Dans les études. Dans la vie. Andrew dit qu’il aime l’artiste que je suis. Parce que j’ai la tête dans les nuages. L’esprit un peu embrumé, des rêves plein la tête. La découverte de la sculpture à l’argile a été pour moi une révélation. Sa force et sa douceur sont le support parfait de mon univers artistique.
J’incline le visage et lui offre un sourire, plongeant mon regard dans le sien, d’un ambre si sombre. Ce regard qui m’a toujours fait chavirer. J’espère seulement qu’il voit à quel point je l’aime. À quel point tout en lui me plaît. De ses mots à ses actes. À quel point nos corps ont toujours su s’aimer.
— Il faut que j’y aille, je vais être en retard, souffle-t-il.
— D’accord.
Il m’embrasse une dernière fois avant de s’éclipser. Mon regard se perd dans le vide alors que j’observe toujours l’endroit par lequel il a disparu. Je termine mon café et file à l’étage. J’enfile ma tenue, noue mes cheveux de feu en un chignon désordonné, puis je fixe longuement mon reflet dans la psyché de notre chambre.
J’aime cet homme, au-delà du possible. Et même s’il en doute, parfois, il est toujours là, à me couver d’amour et d’attention. À mesurer chaque parole et chaque geste.
Il est beau. D’une beauté rude et virile. Son corps sculpté, ses cheveux bruns légèrement décoiffés, ses lèvres pleines qui s’étirent lorsqu’il relève le visage vers moi. J’approche de lui, le laisse m’enlacer, m’entourer de ses bras puissants. Lovée contre son torse ferme, je savoure ce sentiment de sécurité. Il glisse un doigt sous mon menton, le relève, et je souris contre ses lèvres, tandis qu’il m’embrasse comme s’il avait besoin de ça pour se rassurer. Comme chaque matin, nos mensonges se dissimulent derrière un sourire de façade et quelques banalités.
J’affiche un sourire bien heureux sur mes lèvres, à mesure que mes pas me guident jusqu’à la cuisine où m’attend Andrew, mon mari. Mon amour. Mon tout.
J’observe son regard assombri, son sourire lascif et sa main, figée autour de mon sein, attendant qu’il accède à ma demande. Et il comprend. Il répond à la part sombre de mon âme qui appelle la sienne. Dans un mouvement savamment orchestré, il se déplace, enfile un préservatif et entre en moi sans autre préambule, son sexe envahissant tout l’espace. Je suffoque, halète, les mains agrippées au bord du bureau. Chaque coup de reins, chaque caresse, chaque regard m’emporte un peu plus loin. Me pousse à libérer l’orgasme qui menace de s’échapper. Je le retiens. Je ne veux pas lui offrir ça. Pas maintenant. Pas alors que mon esprit déraille et que mon cœur vacille. Mais c’est plus fort que moi. Ses doigts qui titillent mon intimité, son sexe gonflant en moi et son souffle cadencé qui s’accorde au mien. Le corps envahi de spasmes, je peine à garder les yeux ouverts.
Ses mains sont partout sur ma peau brûlante. Il écarte délicatement mes chairs, insère deux doigts en moi sans me quitter des yeux, le visage marqué d’un sourire victorieux, et je gémis sans aucune pudeur. Son autre main sinue sur ma poitrine, malmène mes seins. J’esquisse un mouvement subtil, ondulant autour de ses doigts pour l’inviter à intensifier nos ébats.
Sa main se pose sur mon cou qu’il enserre, me poussant à rejeter la tête en arrière. Nos regards s’accrochent, nos corps se touchent. Et je déglutis péniblement face à ses yeux affamés. Sans relâcher sa prise, il glisse son autre main derrière ma cuisse, m’incite à l’enrouler autour de lui. Je m’exécute, l’esprit envoûté. Je suis une autre, esclave de ses bras. De ses désirs. Et je me laisse aller au plaisir charnel tant convoité.
On dit que l’amour est le plus beau, le plus puissant des sentiments. À bien des égards, il est aussi, et souvent, le plus destructeur. Ne dit-on pas que l’on tombe amoureux ? Tomber, chuter, se faire mal. Toutes ces manières de dépeindre l’amour sous toutes ces nuances : être fou d’amour. Brûler de désir. Avoir le cœur brisé, le souffle coupé. S’écrouler de chagrin. Comme si l’amour rimait toujours avec souffrance. Quelque part, c’est sûrement le cas. Et pourtant, si tout était à refaire, à revivre, je n’hésiterais pas une seule seconde. Au fond, je crois que c’est dans la douleur qu’on se sent réellement vivant.
Tomber, ça arrive. Dans la rue, dans la vie. Tout le temps.
Une simple sortie, ce n'est rien pour les gens normaux. Pour moi, c'est être invité à un bal masqué dans un déguisement imposé. Dans la vie de tous les jours, je suis Lennie, cette fille un peu complexée, un peu garçon manqué, habillée de vêtements bien trop grands.
J'aurai voulu trouver la clé de ses secrets bien plus vite, lui éviter le doute et tout ce qui a suivi. J'aurai voulu être celle qui lui ouvre la porte plutôt que de le voir l'emprunter pour ne jamais revenir.
Qu'est-ce qu'on est quand on n'est pas vraiment la personne à laquelle on s'adresse quand on nous parle ? Qui est-on quand son propre reflet ment ?
Ma réponse, je l'ai eu des années plus tard, dans sa bouche à elle : rien.
J'entame une course folle sont je ne connais pas l'arrivée. C'est ça ou la mort.
Au fond, la vie, c’est quoi ? C’est faire de son mieux et croire en soi. Poursuivre ses rêves, coûte que coûte. La vie ne s’apprend pas, elle s’apprivoise. On y va à l’aveugle, on se casse la gueule. Mais, au bout du compte, on se relève et, un pas après l’autre, on avance.