[...] Il trouva vite un petit endroit où le fond de la rivière était dépourvu de cailloux, ce qui lui permit de poser ses pieds de manière stable malgré la vigueur du courant. Puis il se lava comme cela faisait une éternité qu'il aurait dû se laver. Au début le froid lui coupa le souffle, mais il s'habitua, respira moins vite. Se frotta avec les mains. Fit une nouvelle fois mousser le savon et se lava entièrement. L'aine, les bourses, entre les fesses. Sous les bras. Il frotta son cou et ses bras. Il s'accroupit et s'aspergea la tête. Il frotta le savon sur son crâne jusqu'à ce que la peau le brûle.
Barbro lui manquait énormément. […] Il appela la mère de Barbro puis ses frères et il finit par la joindre elle même. Tandis qu’il lui parlait il ressentit une sorte de difficulté à respirer, une crampe. Sa voix était tellement basse et intense. Elle avait une voix grave, depuis toujours. Sombre comme ses cheveux, ses yeux et la peau bleu-brun des paupières. Comme les creux qu’on distinguait haut sur l’aine quand elle écartait les jambes. Quand les crampes dans sa poitrine se relâchèrent, des sanglots commencèrent à le secouer. Elle appela dans le combiné parce qu’elle n’avait pas compris qu’il s’était mis à pleurer. Lui-même ne le comprenait pas. Il lui demanda de revenir. Plus tard, il n’arriva pas à comprendre qu’il ait pu lui demander ça, ni qu’il ait pleuré. Mais elle rentra.
Assieds-toi là-bas, dit Ake en indiquant un tronc de bouleau abattu. Le feuillage effleurant l’eau, commençait à verdir. Des feuilles étaient déjà grignotées par des chenilles et cela l’écoeura. L’eau ruisselait et le bruit était un mélange de nombreux bruits. Ça cliquetait, ça bruissait et ça tintait. Parfois, une voix monotone semblait monter de l’eau. […] Il écoutait couler l’eau transparente qui n’avait rien à dire. Elle ne faisait que parler. Le mélange de bruits éveillait des échos dans son cerveau et son cerveau en faisait des paraboles. L’espace d’un instant, il se dit qu’il était en train d’écouter ce qui s’était passé ici. Que ça avait été gravé dans la nuit claire et que les remous et les tourbillons de l’eau le restituaient. Mais que malgré tout, il ne pouvait distinguer qu’un caquetage et de petits cris. Parfois on aurait même dit un miaulement.
On n'essaie pas d'arrêter une avalanche.