Tôt le matin
Ou tard dans la nuit
Me réveillent
Les camions qui repartent
A l'assaut des cols
Des frontières
Des autoroutes
Des kilomètres.
J'égrène les destinations
Qui sont peut-être les leurs
Italie Pologne Slovaquie
Turquie et regrette
L'audace d'autostoppeuse
De mes vingt ans.
Un dernier petit tour
Avant d'aller me coucher
Leurs bouches ouvertes
Le désordre de leurs lits
Un pied qui dépasse
Des mèches sur l'oreiller
Une loupe dans sa main
Et une girafe à son chevet
Je ne touche à rien
Et chaque chose me touche.
Je me suis fait maltraiter
Toute la journée
Par mon chef
Mes collègues
La voisine
La voiture
Mon dos
Mon père
La caissière
Et ce soir
Je vous crie dessus
Parce qu'il y a du dentifrice
Sur le lavabo
A l'heure d'étendre
Une dernière machine
Je maudis celui
Qui a inventé les Kleenex
Et la capacité des mouchoirs en papier
A se déchiqueter
Dans la machine à laver.
J'ai prévu trois alarmes
Une à 5h30
Si j'ai le courage
D'écrire un peu avant le jour
Une à 6h30
Si j'ai le courage
De me lever déneiger la voiture
Une à 7h30
Si j'ai le courage de tout faire
En moins d'une demi-heure.