J’avais lu quelque part qu’on peut mesurer scientifiquement la beauté, qu’on peut la calculer en fonction du degré de symétrie d’un visage, de la proportion des traits ou des angles de la charpente osseuse. Ma mère était assurément belle, mais sa beauté ne suffisait pas à expliquer l’effet qu’elle produisait sur notre petite ville. Il y avait en elle quelque chose de profondément ancré, d’intangible, que les photos ne parvenaient pas tout à fait à saisir.
Selon les gens d’ici, une femme sans parents ne peut qu’être une proscrite, et il doit y avoir une raison à son ostracisme. La rumeur s’est répandue que ma mère était une sorcière. On a raconté qu’elle avait changé Joe Bill Sump en serpent. Qu’elle répandait autour d’elle une odeur qui envoûtait ceux qui s’en approchaient trop. Qu’elle avait des pupilles rectangulaires comme les boucs. Certains ont même prétendu qu’en rouvrant sa tombe on n’y avait découvert qu’un oiseau. Rien de tout ça n’est vrai.
J’avais lu quelque part qu’on peut mesurer scientifiquement la beauté, qu’on peut la calculer en fonction du degré de symétrie d’un visage, de la proportion des traits ou des angles de la charpente osseuse. Ma mère était assurément belle, mais sa beauté ne suffisait pas à expliquer l’effet qu’elle produisait sur notre petite ville. Il y avait en elle quelque chose de profondément ancré, d’intangible, que les photos ne parvenaient pas tout à fait à saisir.
Comme mon père se fiait plus aux armes à feu qu’aux verrous, il gardait des fusils chargés sur un râtelier, dans l’entrée. Un soir, je l’avais entendu discuter avec Birdie, dehors. Elle non plus ne croyait pas aux verrous. Birdie lui avait adressé la même mise en garde que quand j’étais petite et qu’elle me lisait Les Trois Petits Cochons : « Si le loup veut vraiment entrer, il trouvera bien un moyen. »
Le Grand Bouc, c’est bien sûr un surnom du diable. Je ne suis pas entrée ; d’étroits tunnels et des restes de coulées de calcite mènent à une rivière souterraine à l’abri du jour. Ce qui se perd dans la grotte s’y perd à jamais, et si des courants aveugles ont emporté les ossements de ma mère au fond de la terre, je n’ai plus aucune chance de les retrouver.
la morsure d’un homme, ce n’est pas celle d’un coyote. On pourrait la croire plus saine et pourtant non, une morsure d’homme, c’est du venin. Du poison. Peut-être parce qu’un homme doit réfléchir avant de mordre, le vouloir. Le poison réside dans l’intention.
Il m’imposait déjà une longue liste de règles quand je restais seule à la maison. Ce ne serait sans doute pas si terrible d’en suivre quelques-unes de plus. Et, une fois parti, il ne se rendrait pas compte si j’enfreignais les plus stupides.
. Dès qu’elle avait des cigarettes en rab, elle m’en offrait. Je ne savais pas trop comment les fumer, et sans doute qu’elle non plus, mais tous les matins, on se retrouvait là, coude à coude, à bavarder et à rigoler dans un nuage de fumée.
Je mourais d’envie de savoir s’il y avait vraiment de l’alchimie entre nous, ou si j’avais gaspillé mon énergie à fantasmer sur lui, alors que pour grimper aux rideaux, il suffit de picoler un peu.
Un anniversaire de mariage, ça ne se fête pas seul. Toute ma vie, j’avais cru au conte de fées qu’on m’avait servi : le coup de foudre, le tourbillon de la passion, la vie commune, et puis moi.