Citations de Lionel Ray (229)
Viatique
Extrait 3
Je demeure dit enfin le poème
Au plus fort du silence.
Chaque fois que le vide est franchi,
Quand le soleil en moi se lève
Ou que la terre s'assombrit,
Dans le souffle et la mesure,
Dans le sacre et l'accident….
p.9
Viatique
Extrait 2
En moi, dit encore le poème,
Il n'y a nulle différence entre l'amour et la mort,
Entre une clé et un geste d'adieu,
Entre le don et l'apparence,
Entre la menace et l'acacia,
Entre un quartier de lune et le chuchotis des racines,
Entre une chaise de jardin et notre petite épiphanie
quotidienne.
Et la rivière passe avec les mots, toujours autre
et toujours la même….
p.9
Viatique
Extrait 1
Le monde est mon lieu, dit le poème.
J'apprends devant l'étonnante architecture des montagnes
L'extrême opacité des choses.
Même l'émotion est devenue chose parmi les choses.
Quant à la hauteur ou la profondeur, elle est dans les mots
Plus profonde et plus haute que toute réalité….
p.9
LA LUMIÈRE DU NOIR
Une aiguille de silence
L'eau vit
là-bas
comme une blessure.
Tu es le lieu du vent
très haut
toujours plus loin.
ci on entend
réconcilié
battre le cœur
du pur oubli.
Tel un chiffre
sans ombre
dans le silence
et la lumière…
p.49-50
LA LUMIÈRE DU NOIR
Une aiguille de silence
Tout est soleil
la nuit comme comme la source
l'herbe les mots le chemin.
Tu existes dans l'arbre et l'abeille
dans une clé
dans la pluie heureuse.
Tout est proche
quand seulement vibre
la note de l'oiseau…
p.49
LA LUMIÈRE DU NOIR
Une aiguille de silence
Chaque mot
qui te ressemble
fait écho
à ta vie,
miroir qui appelle
patient vigile
et retient l'image.
Aucune ombre
ne fait écran
tu es proche de toi
cherchant où
placer la voix…
p.48
LA LUMIÈRE DU NOIR
Langage est horizon
Parfois il arrive que les jours
sont comme les branches mortes
d’un arbre éternel
alors que ton visage ancien
s’anime dans la défaite.
Ce qui vient
après
par la voie du souffle
est l’oiseau d’une seule note
et la nuit coule dans tes veines
heureuse
paisiblement…
p.65-66
REGARDS ANTÉRIEURS
Aube
J'ouvre les yeux
soleil large heureux
suspendu aux branches
Dans l'instant l'eau
me soutient :
beaucoup d'oiseaux sont nés
ce matin
Les arbres ont réussi
la pensée ouvre ses feuilles
le feu s'éteint.
p.39
REGARDS ANTÉRIEURS
Le cœur
Le cœur est habité
de rêves et de ronces
le feu est sa hache
Dans la forêt sans rive
nous marchons
à pas d'aveugle
égarés en nous-mêmes
Tandis qu'au loin
la nuit s'empare des collines
des chambres et des fleurs
et tend vers nous
des miroirs sans issue.
p.38
REGARDS ANTÉRIEURS
Pour mémoire…
Pour mémoire je voudrais
un épi un basson
La nuit au cœur de lilas
une autre dimension
Pour mémoire je voudrais
un sapin mal enchaîné
un dé frivole deux lévriers
passacaille et passion
Et l'usure mélodieuse
l'écume du soir
des draps silencieux
une simple colline
Les yeux posés sur un rêve
l'impatience du voyageur
et l'impénétrable rumeur
du sang des grilles et des pierres
L'éclipse qui s'enflamme
comme écriture tendue
ses souffles ses nombres ses plaies
— pour mémoire.
p.26
Sous l'orchestre des astres
NUIT
Extrait 1/2
Tu fouilles la nuit avec une lanterne pâle
La terre se fissure le gravier craque
Un rat trottine entre les tombes
Ici repose ma poussière future
Ici on marche au ralenti
J'y suis j'y suis déjà
Mon autre monde s'appelle " dormir "
Pauvre vie enclose en pur espace
Qui habite donc là Ici repose une voix
Qui se fige offerte aux mouches…
p.14
AVEC TES FORÊTS…
Avec tes forêts, tes
gémissements, tes orages,
à l’autre bout du chemin
tu t’inclines.
Comment cela a-t-il pu
être ? terre à secrets,
accidents, effrois,
ces obscurs silences,
ces visages déchirés ?
Et l’eau qui tout emporte,
vive et mortelle.
Les morts qu’on a aimés
ne boivent à nulle source,
inapaisés.
Reste seulement
le cri bleu des hirondelles
entre toits et clochers.
LA MÈCHE
La mémoire est l'instrument initial
En proie à quelque inusable passion
Aux travaux des lieux pleins de fraîcheur
Habités par un rêve inabouti.
Maison basse il y manque quelques tuiles
Il y reste des vêtements pâles et toutes sortes d'albums
Des portraits décomposés des miroirs
Que mange la rouille des eaux fuyantes.
J'y suis, j'y suis toujours Comme dans une île déserte
Après un naufrage On y entend quelquefois
De murmurantes sirènes dans l'impatience de l'aube
Des appels étouffés à demi un cœur qui bat.
Brusquement il arrive qu'on allume une lampe
On avait cru voir passer une ombre une ombre bleue
Et chère et peut-être pourrait-on reconstruire
Un monde avec la petite musique
D’une mèche de cheveux
Hors du temps
toutes les nuits
les images les yeux
le brasier des ombres
toi l’étrangère
ici venue
et l’inimaginable
absence
ce parler machinal
jadis rêvé
en jardin symbolique
statue furtive
ce qu’il en reste
à jamais
ce désordre froid
cet effondrement
une porte
qui claque
comme une question
toujours vivante.
Il n'y a pas d'hiver
dans les choses,
ni grilles
ni paroles stagnantes.
II n'y a pas d'énigme
dans le lait, il n'y a
pas de brume dans la pierre,
ni rire dans les nœuds d'angoisse.
Mais il y a des terres enfouies
et qui renaissent,
des récits qui circulent entre
La chair et le souffle,
des cités lyriques entre soleil et pluie
et dans tes yeux le temps fertile.
p.240
Une sorte de ciel
APPARITION
Parfois le temps séchait sur les morts
Immobile.
Avec la densité de l'œil aveugle, un effet
De plomb.
On ne savait comment revenir selon l'herbe
Tendre la blancheur. Quel fil, quel accès
Où s'inclure dans l'atroce ellipse
Du corps le noircissement des abysses l'ombre
Obscène.
Quelquefois un cri brisé
Ingénu : la langue durcit, les mots
Se retirent.
Comme un éclat de rire
Dans le désordre des ténèbres,
L'autre qui est là
entre le vide et le réseau des songes.
p.72
Une sorte de ciel
VŒU
Que ton nom ne soit pas
Seulement dans mon cœur une joie ou une blessure
Mais une réponse et ma demeure, mon destin
Annoncé. Ailleurs tout est vent et poudre et ruine.
Ici commence l'être, mon corps et ses larmes.
Lieu sans issue. Sera le lieu sans frontière du chant.
Lié ajointé porté en gorge en écriture
Mentale et incessante réapparition d'être,
Dans la pure oscillation de l'instant à
L'éternité avec disposition d'accueil,
Les bras charges de roses.
p.70
extrait de Un besoin d'azur
C'est ainsi qu'ils s'éloignent
les fleuves
toujours plus loin
et jamais ne reviennent
si proches pourtant
avec la vie
qui lentement
ne s'attarde pas.
Terre au-devant de nous.
l’accent mobile des toits.
les villages de plein vent. l’écart des routes.
où sommes-nous ?
l’air étal sans retombée
vague après vague les heures les années
le manque et la douleur
lieu imaginaire lieu vrai
il fait un vent de rossignol et de forêt
vers la ville.
Les objets se sont endormis, tu parles
dans leur sommeil, ils tombent
sans retour dans la parole.
Tu écoutes en eux d’obscures clameurs,
des confidences, des énigmes, des colères.
Avec les mots commence le monde
tu es dans le vertige immobile des choses
fixant l’horizon indécis du Temps.