Lisa Rey

Je ne sais vraiment pas quoi en penser. Mon inconnu n’est autre qu’Easton Alpert ! Le fameux écrivain ! J’ai même lu un ou deux de ses livres…
Enfin, il me semble !
Je n’en reviens pas !
– Et tu ne l’as pas reconnu ? me questionne Sheryl en trempant ses lèvres dans sa tasse de thé.
– Absolument pas… Je n’y crois pas moi-même, réponds-je.
Mais comment ne l’ai-je pas reconnu ?
Sheryl me lance un regard amusé et prend une voix mielleuse.
– Alors comme ça, mademoiselle joue à collé-serré dans les salles d’attentes avec une célébrité…
Arrête un peu, il n’y a strictement rien eu, dis-je en rougissant.

– J’ai rencontré l’homme de ma vie dans la salle d’attente, lui lancé-je comme une bombe.
– Quoi ? Pourquoi est-ce que tu n’as pas commencé par me raconter ça ?
Sheryl vide son cocktail d’un trait et me fixe. Je me sens virer au rouge.
– Comment est-il ?
– Sublime ! Un regard à tomber, des lèvres absolument parfaites et sa voix…
Je m’arrête et porte une main à ma bouche. Sheryl boit mes paroles.
– Non ? Et que s’est-il passé ?
– Ben, rien, justement. L’heure de mon rendez-vous est arrivée, j’ai dû me lever et puis c’est tout.
Tu parles d’une histoire, soupire Sheryl.

Mon jugement n’est pas toujours très fiable mais j’ai la sensation qu’il me dévore des yeux lui aussi. Je me rends également compte que dans cette robe trop étroite mes seins débordent et j’ai soudainement peur de passer pour la fille vulgaire que je ne suis pas. Easton écarte les jambes et approche mon fauteuil du sien. Mon cœur est au bord de l’implosion. Sa main s’approche de mon visage, caresse ma joue et remonte une mèche qui s’échappe de mon chignon négligé.

Je reçois toutes sortes de lettres, c’est assez incroyable de voir à quel point les gens se livrent lorsqu’ils s’adressent à une inconnue. Trop, même, à vrai dire ! J’ai parfois l’impression d’être une sorte de confidente anonyme ou de psychologue virtuelle, c’est assez troublant. J’essaie de faire de mon mieux pour leur répondre le plus honnêtement possible, je ne triche pas.

Je suis quelqu’un de pragmatique, sage, posée… C’est ce que tout le monde me répète depuis ma plus tendre enfance. Je sors rarement de mes gonds, je ne suis pas ce que l’on peut appeler quelqu’un d’instinctif et il me faut toujours préparer un plan structuré avant de prendre une décision importante. J’aime penser que je suis maître de mes actes et de mon avenir.

Sheryl est ma meilleure amie, ma colocataire, ma confidente, mon binôme, et plus encore. Paradoxalement, elle est tout ce que je n’ai jamais aimé chez les autres filles. Elle est belle, super bien foutue, mannequin, célèbre et elle parle fort. Ce n’était donc pas gagné au départ.

Au milieu de celles-ci, une curieuse enveloppe semble avoir été déposée et ne comporte aucun timbre ni adresse. Elle retient toute mon attention. Je l’ouvre et découvre le message suivant :
Un conseil : mêle-toi de tes affaires. Alison Claudine Stevens.

J’ai envie de vous faire confiance, vous avez l’air d’être une excellente rédactrice, vous avez de la repartie et le fait d’être totalement ouverte à un tel changement de cap professionnel prouve votre ouverture d’esprit et une grande capacité d’adaptation…

J’ai toujours trouvé mon visage trop rond, trop enfantin. J’hésite, je ne sais plus si je vais y aller, en fait. Je jette un œil dans le miroir et me découvre apprêtée comme si j’étais témoin à un mariage.

Sheryl est belle à se damner mais elle ne pourra jamais espérer faire carrière dans le cinéma plus tard, elle ne sait absolument rien dissimuler !