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Citations de Louis Gill (35)


Le totalitarisme a étouffé la liberté de pensée à un point encore jamais vu [...] [Il] ne se contente pas de vous interdire d'exprimer - et même de concevoir - certaines pensées : il vous dicte ce que vous devez penser, il crée l'idéologie qui sera la vôtre, il s'efforce de régenter votre vie émotionnelle et d'établir pour vous un code de comportement. Il met tout en oeuvre pour vous isoler du monde extérieur, vous enfermer dans un monde artificiel où vous n'avez plus aucun point de comparaison. L'Etat totalitaire régit, ou en tout cas essaie de régir, les pensées et les sentiments de ses sujets au moins aussi complètement qu'il régit leurs actes.

George Orwell

Page 160
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Le supplice de Nin, écrit Hernandez, commença par le procédé "sec". Une persécution implacable pendant 10, 20, 30 heures durant lesquelles se relaient les bourreaux, posant toujours les mêmes questions : "Avouez", "reconnaissez" [...] "c'est mieux pour vous", et les conseils, les menaces les insultes [...]
C'est un procédé scientifique qui tend à détruire l'énergie mentale de l'individu, à le démoraliser. Peu à peu, la fatigue physique le terrasse, l'absence de sommeil émousse ses sens, sa volonté s'effrite. On le fait se tenir debout pendant des heures et de heures, sans lui permettre de s'asseoir jusqu'à ce qu'il chancelle, coupé en deux par des maux de reins insupportables. Lorsqu'il arrive à ce point de fatigue, le corps s'alourdit terriblement et les vertèbres cervicales se refusent à soutenir la tête [...]
Les pieds gonflent et un épuisement mortel s'empare de l'être exténué qui ne souhaite plus qu'une chose : fermer les yeux, oublier son existence et celle du monde entier. Quand il est matériellement impossible de continuer "l'interrogatoire", on traîne le prisonnier jusqu'à sa cellule. On le laisse tranquille pendant quelques minutes, juste ce qu'il faut pour lui permettre de retrouver un peu son équilibre mental et de commencer à prendre conscience de ce qu'il y a d'insoutenable dans la prolongation de son supplice [...]
Au bout de 20 à 30 minutes de repos, la séance reprend... chaque minute est une éternité de souffrance. Le prisonnier vacille, titube. Il ne discute plus, ne se défend plus, ne réfléchit plus ; il veut seulement qu'on le laisse dormir, reposer, s'asseoir. Et les jours et les nuits se succèdent. Il sait qu'il lui est impossible de sortir vivant des griffes de ses bourreaux, et tout son être se concentre sur un ultime désir : vivre en paix ses dernières heures, ou être achevé le plus tôt possible.

Andrés Nin, cependant, résistait d'une façon incroyable [...]
Aucun signe de cette déroute mentale amena quelques-uns des vieux collaborateurs de Lénine à l'abdication inouïe de toute volonté [...] à se couvrir d'infamie, sans oser proférer la moindre accusation contre celui qui étranglait la révolution [...]. Nin ne capitula pas... Ses bourreaux s'impatientaient. Ils décidèrent [...] de passer à l'épreuve de "fermeté" : la peau arrachée, les muscles déchirés, la souffrance physique poussée jusqu'à l'ultime limite de la résistance humaine. Nin supporta la torture et la douleur des tourments les plus raffinés. Au bout de quelques jours, son visage n'était plus qu'une masse informe de chairs tuméfiées. Orlov, frénétique, affolé par la peur du scandale qui pouvait signifier sa propre liquidation, bavait de rage devant cet homme malade qui agonisait sans "avouer" et sans dénoncer ses camarades de parti.


Jesus Hernandez, extrait de "La grande trahison", paru en 1953. Pages 103-107
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"Staline, qui, au cours des années 1930, avait sacrifié en Russie plus de dix millions de petits propriétaires pour appliquer une terrifiante collectivisation forcée, obligea les communistes espagnols [...] à la liquidation des collectivités et des coopératives agraires, au nom du maintien ou du rétablissement de la propriété privée. Et ces mêmes communistes, qui en 1931, avaient préconisé la création des soviets au moment de la proclamation de la République, lorsque s'ouvrait le processus de révolution démocratique, exigèrent la liquidation impitoyable des comités dans toute la zone républicaine, alors que nous assistions à une authentique révolution sociale." (Julian Gorkin, dans "les communistes contre la révolution espagnole", sorti en 1978, extrait de la page 79)

Page 74

Julian Gorkin (de son vrai nom Gomez) fut l'un des principaux dirigeants du POUM durant la guerre d'Espagne

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Avant leur départ de Barcelone, Orwell et sa femme avaient rendu visite à leur ami, le Belge Georges Kopp, alors détenu dans une prison de Barcelone. Kopp avait été le commandant d’Orwell sur le front d’Aragon. Détenu pendant 18 mois, du 20 juin 1937 au 7 décembre 1938, sans avoir jamais été inculpé, il pourra finalement en sortir vivant, grâce à une campagne internationale en faveur de sa libération, mais dans un terrible état de détérioration physique et morale après autant de mois de sévices corporels et de torture. Robuste et en pleine santé avant son emprisonnement, il avait été transformé en un vieillard courbé ne pouvant se déplacer qu’avec l’aide d’une canne, souffrant du scorbut et d’un empoisonnement du sang.
Au cours de sa détention, il fut interrogé 27 fois, pendant 135 heures en tout, par ses tortionnaires russes qui communiquaient avec lui par l’intermédiaire d’un interprète, utilisant tour à tour la flatterie, l’intimidation, la coercition et les menaces. On a tenté de lui faire signer des « aveux » par lesquels il aurait déclaré que le POUM regorgeait d’espions et de traîtres. Devant son refus, on l’avait enfermé pendant 12 jours dans l’isolement complet d’un cachot infesté de rats, supplice qui s’est terminé par le cri d’un garde de la prison venu lui dire : « Cette nuit nous te fusillons ! » Ces mois de supplice étaient la récompense offerte à ce militant révolutionnaire, qui, dès l’éclatement de la guerre civile, avait tout sacrifié, famille, emploi, nationalité, et quitté la Belgique pour venir en Espagne. Immédiatement mené sur le front d’Aragon, il y avait bravement dirigé sept batailles importantes pendant son séjour, avant d’être jeté en prison « en tant qu’espion et traître ». L’interminable torture de Kopp avec le recours aux rats et sa transformation en vieillard courbé et décharné ne sont pas sans évoquer l’image du personnage fictif de Winston Smith créé par Orwell dans 1984 et la cure de « guérison » que lui fait subir son tortionnaire O’Brien.
Pages 115-116
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Le monde dans lequel nous sommes destinés à dégringoler, le monde de la haine et des slogans. Les chemises de couleur. Les barbelés. Les matraques en caoutchouc. Les cellules secrètes où la lumière électrique brûle nuit et jour et le policier qui vous surveille pendant votre sommeil. Et les défilés d'affiches avec des visages gigantesques, et les foules de millions de personnes qui acclament le chef jusqu'à ce qu'elles soient persuader de l'adorer, tout en lui vouant une haine mortelle à en vomir. Tout cela va arriver. Ou est-ce évitable ? Certains jours je pense que c'est impossible, d'autres je sais que c'est inévitable.
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Après avoir rompu en 1940, non seulement avec le marxisme, mais avec la gauche en général, pour entreprendre une évolution qui le mènera jusqu'à la droite la plus extrême, Burnham publie en 1947 un ouvrage intitulé 'The Struglle for the World" (Pour la domination mondiale), recensé par Orwell dans un article publié la même année, dans lequel il révise entièrement la vision des choses qu'il a présentée dans ses deux ouvrages précédents. La découverte de la bombe atomique ayant bouleversé le rapport des forces à l'échelle mondiale, les Etats-Unis, à ses yeux, doivent prendre l'initiative d'établir un empire mondial. Pour la sauvegarde de la civilisation, il faut que les armes atomiques soient monopolisées par une seule puissance. Le nombre de super-Etats se réduisant désormais à deux, les Etats-Unis et l'URSS, tous les moyens doivent être pris pour assurer la domination sans équivoque des Etats-Unis, y compris l'interdiction du Parti communiste des Etats-Unis par l'usage de moyens identiques à ceux qui sont alors utilisés en URSS pour éliminer les opposants. Le "totalitarisme des organisateurs" n'est plus à ses yeux le prochain stade le prochain stade inévitable de l'évolution de l'humanité. Il faut plutôt tout mettre en oeuvre pour en empêcher la progression avant qu'il ne soit trop tard ; c'est la "démocratie traditionnelle" qu'il faut préserver, en l'imposant si nécessaire par la force au reste du monde. En somme, "si on aime la démocratie, on doit être prêt à écraser ses ennemis par n'importe quel moyen", comme le résume Orwell dans la préface de "La ferme des animaux". A la lumière des invasions successives de l'Irak et de l'Afghanistan par les Etats-Unis et des mises en demeure proférées à l'égard d'autres Etats désignés comme constituant des menaces pour le "monde libre" au cours de la dernière décennie du XXème siècle et de la première du XXIème, il est impossible de ne pas constater la vertu anticipatrice de cette théorie révisée de Burnham, d'une nouvelle forme de totalitarisme prétendant défendre la "démocratie" par des moyens totalitaires.

Page 203
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A la mort de John Reed, l'auteur de Ten Days that Shook the World (Dix jours qui ébranlèrent le monde) - témoignage de première main sur tout débuts de la révolution russe - le copyright de son livre devient la propriété du Parti communiste anglais [...]
Quelques années plus tard, après avoir détruit tous les exemplaires de la première édition sur lesquels ils avaient pu mettre la main, les communistes anglais publièrent une version falsifiée d'où avait disparu toute mention de Trotsky, ainsi d'ailleurs que l'introduction rédigée par Lénine.

George Orwell

Page 170
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Je me rappelle avoir dit un jour à Arthur Koestler : "L'histoire s'est arrêtée en 1936", ce à quoi il a immédiatement acquiescé d'un hochement de la tête. Nous pensions tous les deux au totalitarisme en général, mais plus particulièrement à la guerre civile espagnole. Tôt dans ma vie, j'ai remarqué qu'aucun évènement n'est jamais relaté avec exactitude dans les journaux, mais en Espagne, pour la première fois, j'ai vu des articles de journaux qui n'avaient aucun rapport avec les faits, ni même l'allure d'un mensonge ordinaire. J'ai lu des articles faisant état de grandes batailles alors qu'il n'y avait eu aucun combat, et des silences complets lorsque des centaines d'hommes avaient été tués. J'ai vu des soldats qui avaient bravement combattu être dénoncés comme des lâches et des traîtres, et d'autres, qui n'avaient jamais tiré un coup de fusil, proclamés comme les héros de victoires imaginaires [...]
J'ai vu, en fait, l'histoire rédigée non pas conformément à ce qui s'était réellement passé, mais à ce qui était censé s'être passé selon les diverses "lignes de parti" [...]
Ce genre de choses me terrifie, parce qu'il me donne l'impression que la notion même de vérité objective est en train de disparaître de ce monde [...]
A toutes fins utiles, le mensonge sera devenu vérité [...]
L'aboutissement implicite de ce mode de pensée est un monde cauchemardesque dans lequel le Chef, ou quelque clique dirigeante, contrôle non seulement l'avenir, mais le passé. Si le Chef dit de tel évènement qu'il ne s'est jamais produit, alors il ne s'est jamais produit. S'il dit que deux et deux font cinq, alors deux et deux font cinq. Cette perspective m'effraie beaucoup plus que les bombes - et après nos expériences des quelques dernières années, il ne s'agit pas d'une conjecture frivole.



George Orwell
Dans un article intutilé "Looking Back on the Spanish War" (Réflexions sur la guerre d'Espagne), rédigé en 1942 mais dont la version intégrale n'a été publiée qu'en 1953,
Pages 128-129 du livre George Orwell, de la guerre civile espagnole à 1984
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Refus global
Rejetons de modestes familles canadiennes françaises, ouvrières ou petit bourgeoises, de l’arrivée du pays à nos jours restées françaises et catholiques par résistance au vainqueur, par attachement arbitraire au passé, par plaisir et orgueil sentimental et autres nécessités.
Colonie précipitée dès 1760 dans les murs lisses de la peur, refuge habituel des vaincus ; là, une première fois abandonnée. L’élite reprend la mer ou se vend au plus fort. Elle ne manquera plus de le faire chaque fois qu’une occasion sera belle.
Un petit peuple serré de près aux soutanes restées les seules dépositaires de la foi, du savoir, de la vérité et de la richesse nationale. Tenu à l’écart de l’évolution universelle de la pensée pleine de risques et de dangers, éduqué sans mauvaise volonté, mais sans contrôle, dans le faux jugement des grands faits de l’histoire quand l’ignorance complète est impraticable.
Petit peuple issu d’une colonie janséniste, isolé, vaincu, sans défense contre l’invasion, de toutes les congrégations de France et de Navarre, en mal de perpétuer en ces lieux bénis de la peur (c’est-le-commencement-de-la-sagesse !) le prestige et les bénéfices du catholicisme malmené en Europe. Héritières de l’autorité papale, mécanique, sans réplique, grands maîtres des méthodes obscurantistes nos maisons d’enseignement ont dès lors les moyens d’organiser en monopole le règne de la mémoire exploiteuse, de la raison immobile, de l’intention néfaste.
Petit peuple qui malgré tout se multiplie dans la générosité de la chair sinon dans celle de l’esprit, au nord de l’immense Amérique au corps sémillant de la jeunesse au cœur d’or, mais à la morale simiesque, envoûtée par le prestige annihilant du souvenir des chefs-d’œuvre d’Europe, dédaigneuse des authentiques créations de ses classes opprimées.
Notre destin sembla durement fixé.
Des révolutions, des guerres extérieures brisent cependant l’étanchéité du charme, l’efficacité du blocus spirituel.
Des perles incontrôlables suintent hors des murs.
Les luttes politiques deviennent âprement partisanes. Le clergé contre tout espoir commet des imprudences.
Des révoltes suivent, quelques exécutions capitales succèdent. Passionnément les premières ruptures s’opèrent entre le clergé et quelques fidèles.
Lentement la brèche s’élargit, se rétrécit, s’élargit encore.
Les voyages à l’étranger se multiplient. Paris exerce toute l’attraction. Trop étendu dans le temps et dans l’espace, trop mobile pour nos âmes timorées, il n’est souvent que l’occasion d’une vacance employée à parfaire une éducation sexuelle retardataire et à acquérir, du fait d’un séjour en France, l’autorité facile en vue de l’exploitation améliorée de la foule au retour. À bien peu d’exceptions près, nos médecins, par exemple, (qu’ils aient ou non voyagé) adoptent une conduite scandaleuse (il-faut-bien-n’est-ce-pas-payer-ces-longues-années-d’études!)
Des œuvres révolutionnaires, quand par hasard elles tombent sous la main, paraissent les fruits amers d’un groupe d’excentriques. L’activité académique a un autre prestige à notre manque de jugement.
Ces voyages sont aussi dans le nombre l’exceptionnelle occasion d’un réveil. L’inviable s’infiltre partout. Les lectures défendues se répandent. Elles apportent un peu de baume et d’espoir.
Des consciences s’éclairent au contact vivifiant des poètes maudits: ces hommes qui, sans être des monstres, osent exprimer haut et net ce que les plus malheureux d’entre nous étouffent tout bas dans la honte de soi et la terreur d’être engloutis vivants. Un peu de lumière se fait à l’exemple de ces hommes qui acceptent les premiers les inquiétudes présentes, si douloureuses, si filles perdues. Les réponses qu’ils apportent ont une autre valeur de trouble, de précision, de fraîcheur que les sempiternelles rengaines proposées au pays du Québec et dans tous les séminaires du globe.
Les frontières de nos rêves ne sont plus les mêmes.
Des vertiges nous prennent à la tombée des oripeaux d’horizons naguère surchargés. La honte du servage sans espoir fait place à la fierté d’une liberté possible à conquérir de haute lutte.
Au diable le goupillon et la tuque! Mille fois ils extorquèrent ce qu’ils donnèrent jadis.
Par delà le christianisme nous touchons la brûlante fraternité humaine dont il est devenu la porte fermée.
Le règne de la peur multiforme est terminé.
Dans le fol espoir d’en effacer le souvenir je les énumère:
peur des préjugés — peur de l’opinion publique — des persécutions — de la réprobation générale
peur d’être seul sans Dieu et la société qui isole très infailliblement
peur de soi — de son frère — de la pauvreté
peur de l’ordre établi — de la ridicule justice
peur des relations neuves
peur du surrationnel
peur des nécessités
peur des écluses grandes ouvertes sur la foi en l’homme — en la société future
peur de toutes les formes susceptibles de déclencher un amour transformant
peur bleue — peur rouge — peur blanche : maillon de notre chaine.
Du règne de la peur soustrayante nous passons à celui de l’angoisse.
Il aurait fallu être d’airain pour rester indifférents à la douleur des partis-pris de gaieté feinte, des réflexes psychologiques des plus cruelles extravagances : maillot de cellophane du poignant désespoir présent (comment ne pas crier à la lecture de la nouvelle de cette horrible collection d’abat-jour faits de tatouages prélevés sur de malheureux captifs à la demande d’une femme élégante; ne pas gémir à l’énoncé interminable des supplices des camps de concentration; ne pas avoir froid aux os à la description des cachots espagnols, des représailles injustifiables, des vengeances à froid). Comment ne pas frémir devant la cruelle lucidité de la science.
À ce règne de l’angoisse toute puissante succède celui de la nausée.
Nous avons été écœurés devant l’apparente inaptitude de l’homme à corriger les maux. Devant l’inutilité de nos efforts, devant la vanité de nos espoirs passés.
Depuis des siècles les généreux objets de l’activité poétique sont vouée à l’échec fatal sur le plan social, rejetés violemment des cadres de la société avec tentative ensuite d’utilisation dans le gauchissement irrévocable de l’intégration, de la fausse assimilation.
Depuis des siècles les splendides révolutions aux seins regorgeant de sève sont écrasées à mort après un court moment d’espoir délirant, dans le glissement à peine interrompu de l’irrémédiable descente :
les révolutions françaises
la révolution russe
la révolution espagnole
dans une mêlée internationale malgré les vœux impuissants de tant d’âmes simples du monde.
encore, la fatalité fut plus forte que la générosité.
pas avoir la nausée devant les récompenses accordées aux grossières cruautés, aux menteurs, aux faussaires, aux fabricants d’objets mort-nés, aux affineurs, aux intéressés à plat, aux calculateurs, aux faux guides de l’humanité, aux empoisonneurs des sources vives.
pas avoir la nausée devant notre propre lâcheté, notre impuissance, notre fragilité, notre incompréhension. Devant les désastres de notre amour… En face de la constante préférence accordée aux chères illusions contre les mystères objectifs.
est le secret de cette efficacité de malheur imposée à l’homme et par l’homme seul, sinon dans notre acharnement à défendre la civilisation qui préside aux destinées des nations dominantes.
États-Unis, la Russie, l’Angleterre, la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne: héritières à la dent pointue d’un seul décalogue, d’un même évangile.
religion du Christ a dominé l’univers. Vous voyez ce qu’on en a fait: des fois sœurs sont passées à des exploitations sœurettes.
les forces précises de la concurrence des matières premières, du prestige, de l’autorité et elles seront parfaitement d’accord. Donnez la suprématie à qui il vous plaira, et vous aurez les mêmes résultats fonciers, sinon avec les mêmes arrangements des détails.
Toutes sont au terme de la civilisation chrétienne.
La prochaine guerre mondiale en verra l’effondrement dans la suppression des possibilités de concurrence internationale.
Son état cadavérique frappera les yeux encore fermés.
La décomposition commencée au XIVe siècle donnera la nausée aux moins sensibles.
Son exécrable exploitation, maintenue tant de siècles dans l’efficacité au prix des qualités les plus précieuses de la vie, se révélera enfin à la multitude de ses victimes: dociles esclaves d’autant plus acharnés à la défendre qu’ils étaient plus misérables.
L’écartèlement aura une fin.
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Pour un art révolutionnaire indépendant (14)

Nous n’avons nullement l’intention d’imposer chacune des idées contenues dans cet appel, que nous ne considérons nous-mêmes que comme un premier pas dans la nouvelle voie. A toutes les représentations de l’art, à tous ses amis et défenseurs qui ne peuvent manquer de comprendre la nécessité du présent appel, nous demandons d’élever la voix immédiatement. Nous adressons la même injonction à toutes les publications indépendantes de gauche qui sont prêtes à prendre part à la création de la Fédération internationale et à l’examen de ses tâches et méthodes d’action.
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Pour un art révolutionnaire indépendant (13)

Des milliers et des milliers de penseurs et d’artistes isolés, dont la voix est couverte par le tumulte odieux des falsificateurs enrégimentés, sont actuellement dispersés dans le monde. De nombreuses petites revues locales tentent de grouper autour d’elles des forces jeunes, qui cherchent des voies nouvelles, et non des subventions. Toute tendance progressive en art est flétrie par le fascisme comme une dégénérescence. Toute création libre est déclarée fasciste par les stalinistes. L’art révolutionnaire indépendant doit se rassembler pour la lutte contre les persécutions réactionnaires et proclamer hautement son droit à l’existence. Un tel rassemblement est le but de la Fédération internationale de l’art révolutionnaire indépendant (F.I.A.R.I.) que nous jugeons nécessaire de créer.
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Pour un art révolutionnaire indépendant (12)

Le but du présent appel est de trouver un terrain pour réunir les tenants révolutionnaires de l’art, pour servir la révolution par les méthodes de l’art et défendre la liberté de l’art elle-même contre les usurpateurs de la révolution. Nous sommes profondément convaincus que la rencontre sur ce terrain est possible pour les représentants de tendances esthétiques, philosophiques et politiques passablement divergentes. Les marxistes peuvent marcher ici la main dans la main avec les anarchistes, à condition que les uns et les autres rompent implacablement avec l’esprit policier réactionnaire, qu’il soit représenté par Joseph Staline ou par son vassal Garcia Oliver .
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Pour un art révolutionnaire indépendant (11)

Dans la période présente, caractérisée par l’agonie du capitalisme, tant démocratique que fasciste, l’artiste, sans même qu’il ait besoin de donner à sa dissidence sociale une forme manifeste, se voit menacé de la privation du droit de vivre et de continuer son œuvre par le retrait devant celle‑ci de tous les moyens de diffusion. Il est naturel qu’il se tourne alors vers les organisations stalinistes qui lui offrent la possibilité d’échapper à son isolement. Mais la renonciation de sa part à tout ce qui peut constituer son message propre et les complaisances terriblement dégradantes que ces organisations exigent de lui en échange de certains avantages matériels lui interdisent de s’y maintenir, pour peu que la démoralisation soit impuissante à avoir raison de son caractère. Il faut, dès cet instant, qu’il comprenne que sa place est ailleurs, non pas parmi ceux qui trahissent la cause de la révolution en même temps, nécessairement, que la cause de l’homme, mais parmi ceux qui témoignent de leur fidélité inébranlable aux principes de cette révolution, parmi ceux qui, de ce fait, restent seuls qualifiés pour l’aider à s’accomplir et pour assurer par elle la libre expression ultérieure de tous les modes du génie humain.
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Pour un art révolutionnaire indépendant (10)

Nous reconnaissons, bien entendu, à l’Etat révolutionnaire le droit de se défendre contre la réaction bourgeoise agressive, même lorsqu’elle se couvre du drapeau de la science ou de l’art. Mais entre ces mesures imposées et temporaires d’auto‑défense révolutionnaire et la prétention d’exercer un commandement sur la création intellectuelle de la société, il y a un abîme. Si, pour le développement des forces productives matérielles, la révolution est tenue d’ériger un régime socialiste de plan centralisé, pour la création intellectuelle elle doit dès le début même établir et assurer un régimeanarchiste de liberté individuelle. Aucune autorité, aucune contrainte, pas la moindre trace de com­mandement ! Les diverses associations de savants et les groupes collectifs d’artistes qui travailleront à résoudre des tâches qui n’auront jamais été si grandioses peuvent surgir et déployer un travail fécond uniquement sur la base d’une libre amitié créatrice, sans la moindre contrainte de l’extérieur.
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Pour un art révolutionnaire indépendant (9)

L’idée que le jeune Marx s’était fait du rôle de l’écrivain exige, de nos jours, un rappel vigoureux. Il est clair que cette idée doit être étendue, sur le plan artistique et scientifique, aux diverses catégories de producteurs et de chercheurs. « L’écrivain, dit‑il, doit naturellement gagner de l’argent pour pouvoir vivre et écrire, mais il ne doit en aucun cas vivre et écrire pour gagner de l’argent… L’écrivain ne considère aucunement ses travaux comme unmoyen. Ils sont des buts en soi, ils sont si peu un moyen pour lui-même et pour les autres qu’il sacrifie au besoin son existence à leur existence… La première condition de la liberté de la presse consiste à ne pas être un métier. Il est plus que jamais de circonstance de brandir cette déclaration contre ceux qui prétendent assujettir l’activité intellectuelle à des fins extérieures à elle-même et, au mépris de toutes les déterminations historiques qui lui sont propres, régenter, en fonction de prétendues raisons d’Etat, les thèmes de l’art. Le libre choix de ces thèmes et la non restriction absolue en ce qui concerne le champ de son exploration constituent pour l’artiste un bien qu’il est en droit de revendiquer comme inaliénable. En matière de création artistique, il importe essentiellement que l’imagination échappe à toute contrainte, ne se laisse sous aucun prétexte imposer de filière. A ceux qui nous presseraient, que ce soit pour aujourd’hui ou pour demain, de consentir à ce que l’art soit soumis à une discipline que nous tenons pour radicalement incompatible avec ses moyens, nous opposons un refus sans appel et notre volonté délibérée de nous en tenir à la for mule : toute licence en art.
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Pour un art révolutionnaire indépendant (8)

Il s’ensuit que l’art ne peut consentir sans déchéance à se plier à aucune directive étrangère et à venir docilement remplir les cadres que certains croient pouvoir lui assigner, à des fins pragmatiques, extrêmement courtes. Mieux vaut se fier au don de préfiguration qui est l’apanage de tout artiste authentique, qui implique un commencement de résolution (virtuel) des contradictions les plus graves de son époque et oriente la pensée de ses contemporains vers l’urgence de l’établissement d’un ordre nouveau.
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Pour un art révolutionnaire indépendant (7)

La révolution communiste n’a pas la crainte de l’art. Elle sait qu’au terme des recherches qu’on peut faire porter sur la formation de la vocation artistique dans la société capitaliste qui s’écroule, la détermination de cette vocation ne peut passer que pour le résultat d’une collision entre l’homme et un certain nombre de formes sociales qui lui sont adverses. Cette seule conjoncture, au degré près de conscience qui reste à acquérir, fait de l’artiste son allié prédisposé. Le mécanisme de sublimation, qui intervient en pareil cas, et que la psychanalyse a mis en évidence, a pour objet de rétablir l’équilibre rompu entre le « moi » cohérent et les éléments refoulés. Ce rétablissement s’opère au profit de l’ « idéal du moi » qui dresse contre la réalité présente, insupportable, les puissances du monde intérieur, du «soi », communes à tous les hommes et constamment en voie d’épanouissement dans le devenir. Le besoin d’émancipation de l’esprit n’a qu’à suivre son cours naturel pour être amené à se fondre et à se retremper dans cette nécessité primordiale : le besoin d’émancipation de l’homme.
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Pour un art révolutionnaire indépendant (6)

La sourde réprobation que suscite dans le monde artistique cette négation éhontée des principes auxquels l’art a toujours obéi et que des Etats même fondés sur l’esclavage ne se sont pas avisés de contester si totalement doit faire place à une condamnation implacable. L’opposition artistique est aujourd’hui une des forces qui peuvent utilement contribuer au discrédit et à la ruine des régimes sous lesquels s’abîme, en même temps que le droit pour la classe exploitée d’aspirer à un monde meilleur, tout sentiment de la grandeur et même de la dignité humaine.
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Pour un art révolutionnaire indépendant (5)

Sous l’influence du régime totalitaire de l’U.R.S.S. et par l’intermédiaire des organismes dits «culturels» qu’elle contrôle dans les autres pays, s’est étendu sur le monde entier un profond crépuscule hostile à l’émergence de toute espèce de valeur spirituelle. Crépuscule de boue et de sang dans lequel, déguisés en intellectuels et en artistes, trempent des hommes qui se sont fait de la servilité un ressort, du reniement de leurs propres principes un jeu pervers, du faux témoignage vénal une habitude et de l’apologie du crime une jouissance. L’art officiel de l’époque stalinienne reflète avec une cruauté sans exemple dans l’histoire leurs efforts dérisoires pour donner le change et masquer leur véritable rôle mercenaire.
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Pour un art révolutionnaire indépendant (4)

Il va sans dire que nous ne nous solidarisons pas un instant, quelle que soit sa fortune actuelle, avec le mot d’ordre : « Ni fascisme ni communisme », qui répond à la nature du philistin conservateur et effrayé, s’accrochant auxvestiges du passé « démocratique ». L’art véritable, c’est-à‑dire celui qui ne se contente pas de variations sur des modèles tout faits mais s”efforce de donner une expression aux besoins intérieurs de l’homme et de l’humanité d’aujourd’hui, ne peut pas ne pas être révolutionnaire, c’est‑à‑dire ne pas aspirer à une reconstruction complète et radicale de la société, ne serait‑ce que pour affranchir la création intellectuelle des chaînes qui l’entravent et permettre à toute l’humanité de s’élever à des hauteurs que seuls des génies isolés ont atteintes dans le passé. En même temps, nous reconnaissons que seule la révolution sociale peut frayer la voie à une nouvelle culture. Si, cependant, nous rejetons toute solidarité avec la caste actuellement dirigeante en U.R.S.S., c’est précisément parce qu’à nos yeux elle ne représente pas le communisme mais en est l’ennemi le plus perfide et le plus dangereux.
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