Il y avait quinze fantômes
Qui marchandaient la toile de leur état
Ils disputaient ferme au tisseur
La marge de son bénéfice
Quinze spectres et un marchand
Ou quinze marchands et un spectre ?
Ils ne parlèrent point de la neige si belle
Ne regrettèrent pas les ultimes Peaux-rouges
Et ne songèrent aux oiseaux les oiseaux pittoresques
Ou bien à la Compagnie de la Baie d’Hudson par-delà
les déserts
Une dispute au très bon coin frappée
Des chaînes dansant de colère
Quinze marchands près d’un marchand
Sacraient en comptant des médailles
Hier aujourd’hui
N’y a point d’barrière
Quand on est mort ce n’est jamais depuis longtemps
(1939)
Couteau rapide voilà mon nom
Peau fragile est le sien
Jour de massacre est ma journée
Jour de terreur la sienne
Les cailloux de mes poings
Le sang de ses blessures
Quand ses os s’entrechoquent
Je suis le vent je souffle
Il ouvrira la bouche
On entendra mon rire
Son visage sera le mien
Et j’userai de sa couleur
Dans sa maison
J’aurai mon feu
(1935)
Madagascar au milieu des platanes
Une maison au bord de la grand-route
Des cailloux ronds dont la couleur est brune
Des cailloux rouges
Madagascar souvenir du mystère
Comme un caillou que l’on saurait
Pour ne l’avoir jamais vu qu’en rêvant
Aux pierres rouges
Madagascar Pâques est ta momie
L’île aux dieux noirs sur les bords de la mer
Tes habitants ne trouent point le sol
De cailloux rouges
Madagascar tout au bord de la mer
Tes habitants ont connu les deux lunes
Et les rois-femmes griffés sur les tablettes
De pierre rouge
Madagascar tu n’es pourtant pas rouge
Mais d’un beau rose à lointain violet
Du couleur de matin et du couleur de soir
Sans rien de rouge
Madagascar au milieu des platanes
Ces arbres d’eau c’est les flots de la mer
Avec du vert et des écorces blanches
Et pas de rouge
Madagascar la première levée
Vous saviez tout quand on s’est éveillé
Cœur de Vénus tombé vers l’océan
Dans un feu rouge
Madagascar toi que j’ai faite
D’un lézard ocellé de doigts en diamant
De vapeurs de nuées du caillou des sentiers
Et de l’oubli présent du rouge.
Mon grand ami Monsieur Rigot ne parle pas.
Cet après-midi, je me promenais avec lui depuis une heure en silence, quand il me fit :
- Vous ne dites rien, Scut.
- Non, répondis-je, je vous écoute.
Je ne cherchais qu'une poignée de myrtilles mais en levant les yeux j'ai découvert toute la forêt : que l'on comprenne mon embarras. Qui ne dura guère, je reportai mes regards à leur besogne, emplis mon panier et Toinon fit six pots de confiture propice au ventre.
Les soldats s'enfuyaient sous cette belle personne
lourde et noire
Ignorants de ce qui allait en tomber
La fièvre oublie à tout moment
Le bruit
Le vieux bruit
De tous les oublis
Je suis au bout du rouleau
Songeait le polisseur des routes
Qui connaissait bien son affaire
Ce chemin que je lisse
Demain je verrai ses racines
J'ai rêvé mes amours
Je vais vivre ma mort