L'image que me renvoyait le miroir était à peine supportable. J'avais le visage de quelqu'un qui avait pleuré, mais plus encore, le visage de quelqu'un qui connaissait les pires tourments et dont la souffrance transparaissait partout. Mes joues avaient maigrie, mes lèvres accusaient un léger repli. Ma peau prenait une teinte inhabituelle, proche de la blancheur du marbre. Chose curieuse: une longue marque rouge faisait le tour de mon cou. Je l'examinai de près, affolée.
J'ôtai mes vêtements et me découvris des allures de squelette désarticulé. Les os saillaient aux encoignures, la peau se creusait sous les flancs. Une précarité irréversible s'était répandue dans tout mon corps. Le manque de sommeil, les vomissements à répétition m'avaient considérablement affaiblie. Que m'arrive-t-il ? Que m'arrive-t-il ? gémis-je en secouant la tête. Le reflet devant lequel je me tenais ne semblait plus m'appartenir.
J'avais chaud et froid à la fois. La veille, près du lac, j'avais attrapé un coup de soleil et je sentais sa cuisson sur mon dos. Je n'arrivais pas à dormir. Je me tournais et me retournais sans cesse dans le lit. La fournaise rongeait ma peau. Mon coeur battait fort. Des mots avaient été prononcés, avec une pression égale et ferme, mais je ne savais pas s'ils étaient mêlés à mon sommeil où s'ils venaient d'ailleurs. Je percevais leur présence. Là. A côté de moi. Leur présence qui me maintenait éveillée.