La prescription littéraire en réseaux

Ce bouquin est très intéressant, mais c'est avant tout un ouvrage universitaire, un texte scientifique et analytique, avec ce que cela comporte de vocabulaires savants, de tableaux tarabiscotés et de schémas complexes (et en plus, 21 pages de bibliographie !). Il s'adresse d'abord à des professionnels ; éditeurs, diffuseurs, bibliothécaires ... Ce n'est donc pas une lecture légère mais plutôt un pavé, une somme, que dis-je ... une péninsule un peu lourde. Ceci dit, le sujet ne pouvait que piquer la curiosité du babéliote que je suis, c'est pourquoi je l'avais coché lors de la dernière Masse Critique ; merci aux éditions Les Presses de l'ENSSIB (référence en matière de biblio-économie) & merci à Babélio (référence en matière de réseaux sociaux littéraires (si si)). Résumer une telle étude n'est pas simple, alors... je ne vais pas le faire ( !). Disons, pour rester entre nous, que parmi les nombreux réseaux sociaux dédiés aux livres et à la lecture (ici on ne parle pas des réseaux sociaux où tout le monde, c'est-à-dire n'importe qui, échangent sur tout, c'est-à-dire n'importe quoi !), notre Babélio chéri(e) se porte plutôt bien, et que c'est un beau sujet d'étude (Les 3 Ours doivent être contents). Bien sûr il ne s'agit pas d'être naïf, il y a des modèles économiques, et Babélio n'échappe pas à la règle, et n'est pas que la terre promise des lecteurs francophones (même si personnellement j'y trouve mon compte), mais serait plutôt un « Pure Player » ( !). Nous, babéliotes, ne serions qu'une « écume numérique », « une foule hétérogène ». Et c'est tant mieux, car malgré les zalgorithmes, nous restons des individus, sinon des individualistes forcenés, pas facile à mettre dans un tableau statistiques. Tout ça pour dire qu'étant donné la relative jeunesse et le peu d'historique des dits réseaux socio-numériques (LibraryThing, le pionnier, est né en 2005 à Portland), il y a surtout des incertitudes quant à l'évolution de ces réseaux numériques ; ça tombe bien, parce que, moi je préfère souvent l'incertitude, qui permet de rester vigilant et curieux. Allez, salut et longue vie à Babélio !

Utilisateurs de Babelio, bienvenue dans notre monde !
Parce que c'est bien de nous qu'il s'agit, babelionautes et autres utilisateurs de réseaux socionumériques sur le livre. Et puis aussi de ceux qui font de nous ces usagers : les créateurs et administrateurs de ses réseaux.

Cet essai, issu de la recherche universitaire, s'intéresse à la pratique de la prescription littéraire dans les réseaux sociaux et à la place que ces réseaux occupent dans le monde du livre. Il s'agit d'une vulgarisation d'une thèse en sciences de l'information et de la communication soutenue par Louis Wiart en 2015.

Le monde du livre est un objet social qui explique sa mise en réseau : au terme de communauté, on préfèrera le terme de réseau socionumérique qui fait moins référence à un ancrage géographique et émotionnel.
L'auteur montre comment la technique proposée par les réseaux socionumériques contribue à renouveler les formes de prescription et de circulation de l'information sur les livres.

La prescription littéraire est une prescription de jugement et l'auteur montre que les réseaux socionumériques apportent une valeur ajoutée à la prescription si bien qu'il veut définir la place qu'ils occupent dans ce marché économique.
Qui sont les prescripteurs, quelle place ils occupent (consciemment/inconsciemment) entre l'offreur et l'acheteur.
Dans cet ouvrage on comprend mieux comment sont constitués les réseaux : les acteurs (producteurs de contenus), les intermédiaires logistiques, les consommateurs (où la babelionaute que je suis se reconnaît) ; on identifie ce que les réseaux proposent aux internautes et dans quelles logique économique, ou pas, ils se placent. L'ouvrage donne lieu à une étude comparative des réseaux dans leur structure : pure players (professionnels) ou amateurs. Ce qui les distingue des médias traditionnels (comme l'absence de ligne éditoriale pour un responsable de babelio, mais plutôt un « métier d'agrégation »)

Il est amusant à travers cet ouvrage de se retrouver, nous utilisateurs de Babelio, à travers les prescriptions sociale, éditoriale ou algorithmique...
Il est instructif de mieux connaître ce marché, un marché encore mouvant, en cours de structuration.

On retiendra enfin les effets «vedettariat » et « longue traine » que l'auteur met en évidence dans une étude de cas sur notre réseau social préféré : ils ont pour incidences la mise en avant de lecture de masse d'un côté, et de lectures de niche de l'autre. Les livres fragilisés se situeraient dans l'entre-deux (les romans « middlestars »)

Voilà ce que j'ai compris de cet essai qui s'adresse plutôt à des professionnels du livre (comme attendu de la part de l'Enssib).

Un grand merci aux presses de l'ENSSIB et à Babelio pour son opération masse critique ! J'en redemande !

La prescription littéraire en réseaux : Enquête dans l'univers numérique est un ouvrage issu de la thèse de doctorat soutenue en 2015 par Louis Wiart à l'Université de Paris 13. Il s'agit d'une étude méthodique des plateformes en ligne de critiques et d'échanges littéraires, que l'auteur regroupe sous le nom de « réseaux socionumériques de lecteurs ».

Structuré en trois parties (méthodologie, description des plateformes, et enfin analyse de leurs utilisateurs), l'ouvrage est relativement accessible pour un travail universitaire, même si le texte est truffé de termes savants pour décrire les nouvelles pratiques de lecture (« catalogage collaboratif », « prescription sociale » etc.). Parmi les éléments que j'ai retenus :

Les sites communautaires comme Babelio, Goodreads et SensCritique sont principalement utilisés pour trouver des idées de lectures. Les notes et les commentaires des internautes jouent un rôle prépondérant dans le choix d'un livre. le côté subjectif et « amateur » des critiques est vu comme un avantage, une source d'authenticité, notamment par rapport aux contenus fournis par les éditeurs ou les médias traditionnels.

Les utilisateurs de ces sites sont souvent de gros lecteurs avec une prédilection pour la littérature de genre (science-fiction, fantasy, policier, etc.).

Après l'apparition de nombreuses plateformes souvent « expérimentales » à la fin des années 1990 et au début des années 2000, les sites communautaires de lecteurs se sont largement professionnalisés. Ceux qui survivent aujourd'hui sont généralement adossés à des acteurs majeurs du secteur du livre. le site Goodreads, par exemple, a été racheté par Amazon en 2013.

Le développement des sites communautaires de lecteurs a un double effet paradoxal. D'un côté, la majeure partie des critiques publiées concernent des best-sellers. D'un autre côté, ces sites offrent des opportunités à des ouvrages de niche et à de petits éditeurs. Les « barrières d'entrée » sont en effet moindres que dans les médias traditionnels, ce qui favorise dans une certaine mesure la diversité de l'offre de livres.

J'ai aimé…
- l'inventaire exhaustif des plateformes existantes, du moins en ce qui concerne le marché du livre français ;
- les visuels, notamment captures d'écran et les tableaux comparatifs (par exemple le tableau comparant les sources de revenus des différentes plateformes).

J'aurais aimé…
- une mise à jour des données, car beaucoup de choses ont changé depuis 2015, notamment en ce qui concernent les statistiques liées aux médias sociaux ;
- plus d'importance accordée au phénomène de fan fiction, dont l'essor a été grandement facilité par les sites communautaires de lecteurs ;
- la possibilité de lire l'ouvrage au format EPUB (seules des versions papier et PDF sont disponibles).

Merci à Babelio Masse critique de m'avoir permis de chroniquer cet ouvrage !