LE PETIT GARCON ET LE VIEILLARD
Parfois je laisse tomber ma cuillère,
dit le petit garçon.
Moi aussi, dit le vieux monsieur.
Je fais pipi dans ma culotte,
chuchota le petit garçon,
Moi aussi, rit le vieux monsieur.
Je pleur souvent,
dit le petit garçon.
Moi aussi, fit le vieux monsieur.
Mais le pire, c'est qu'on dirait que les adultes ne font pas attention à moi.
Et le petit garçon sentit la chaleur d'une vieille main ridée sur la sienne.
Je sais ce que tu veux dire, murmura le vieux monsieur.
My father, a writer of fiction, is a dreamer who barely can tie his own shoelaces in the real world, let alone warn his daughter she might stumble and fall.
Il fait si bon dans la maison
La maison est si calme
Dehors la tempête fait rage
Et les chiens sont roulés en boule, le museau sous la queue
Mon petit garçon dort sur la banquette
Couché sur le dos il respire la bouche ouverte
Son petit ventre est tout rond
Est-ce étrange si je me mets à pleurer de joie?
(poème inuit d'une mère anonyme)
Être heureux, c'est dur parce que personne ne te montre l'exemple, tu dois y arriver tout seul, même si certains te donnent leur avis. Car le bonheur ne sort pas tout fait d'un tiroir, prêt-à-porter taille unique, c'est quelque chose que chacun doit se confectionner pour lui-même.
J'ai commencé par réexaminer un par un tous les « commandements » de la famille Salinger. Tu ne toucheras pas aux arts à moins d'être un génie, tu ne te mêleras pas de religion, sauf à te prosterner devant un gourou oriental. Tu ne te saliras pas les pieds en fréquentant les meilleures universités. Et pour l'amour du ciel et de ton père, ne prends jamais de cours de lettres. Tu ne feras jamais rien qui ne soit parfait, tu n'auras pas le moindre défaut, tu ne seras jamais une femme, tu ne grandiras pas.
C'était un rêve de berceuses et de feux de bois où je me pelotonnais dans la chaleur de l'amour paternel, où je redevenais la prunelle de ses yeux. C'était un pauvre rêve, usé comme une vieille couverture lavée une fois de trop, mais je n'en avais pas d'autre. L'image était fanée mais précieuse, et quelque chose en moi espérait la retrouver un jour. Je ne voulais pas renoncer entièrement à mon papa parfait.
Et mon directeur de thèse avait l'habitude de me demander : « Peggy, comment mange-t-on un éléphant? » La bonne réponse est : on le découpe en petits morceaux. La réponse salingérienne serait : on l'attire dans une caverne bien sombre et on l'avale tout rond ou bien on meurt en essayant de le régurgiter. Ou encore, on affirme que manger un éléphant est un acte méprisable et on tourne dignement les talons.
Heureusement, les gosses n'ont pas besoin d'explications quand vous leur demandez de ne pas dire certaines choses devant vos parents.
Elle n'a qu'une saison cette expérience où les fragiles contours de l'adolescence, à peine esquissés, s'estompent pour se fondre avec la musique et la nuit et l'instant. Quelques années plus tard, l'accès à ce monde magique semble se refermer, comme la fontanelle des bébés. Et l'on découvre les plaisirs d'une autre saison.
C'est ainsi que j'ai appris que n'importe qui pouvait être un nazi en puissance - le voisin, la baby-sitter, l'homme au guichet de la poste - absolument n'importe qui. Et qu'inversement, n'importe qui pouvait être un héros : on ne le savait qu'au pied du mur.