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Citations de Marie-Hélène Prouteau (26)


Ruines en fleurs
exhumées
tête entre les mains
gratter
l'humus de la mémoire.

La Ville n'a plus de cœur
mais les fleurs en ont toujours
La Ville a gardé
sa robe mortuaire trouvée.
Qui refera les coutures?

Guenane
"La ville secrète"
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Je caresse la matière de ces pages…


Je caresse la matière de ces pages. Les feuilleter
avec précaution,  ne pas les tourner trop vite.
Elles risqueraient  de tomber en  poussière.
Les années ont passé. On n’a plus beaucoup
de temps tous les deux.  Maintenant que les
circonstances familiales m’amènent à me sé-
parer du vieux livret, vient l’idée de retrouver
ce qui a été perdu.  Le chemin qui fut le sien,
qui sait, les présences qui l’habitent. Avancer
pour cela dans la fréquentation  des livres et
des archives.
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Il faut savoir parfois retourner du côté du très humble pour apprendre l'alphabet de la vie.
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Lui, il était sur son île. Dans l'archipel blanc où vivent les mots de la page. Là, il apprivoisait l'absence du père. La maison n'était plus orpheline. A nouveau, son père était présent, ils étaient ensemble autour de la table. Tous les trois. Ses pensées prirent du volume, il crut sentir les souffles de la mer, le bruit des vagues, à mesure que les mots faisaient leur coulée heureuse. Ulysse revenait au pays des champs d'algues et de menhirs.
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Canal sans nom
sans embouchure ni source
emporté par l'itinéraire
Nantes-Brest
long comme l'absence

Glomel
partage les eaux
enfante le mouvement.

Marie-Josée Christien
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Pas un arbre. Rien que l'herbe courte. Il y a le blanc du sable. Il y a ce bleu de l'eau qui lève des désirs et, souvent, les brise en virant au gris. Le gris agité de l'océan. Le gris du granit, lui, porte au silence, à l'île intérieure en chacun de nous.
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FLora a eu un mari autrefois. Ce n'est plus son histoire. Qui dira l'inentamable plaisir d'être seule ? Deux grands enfants indépendants, de retour parfois aux week-ends, qui se rencognent dans sa tendresse qui n'en finit pas. Elle a un compagnon pour qui elle a des émois de fiancée de village d'antan. Mais ils n'habitent pas ensemble. Elle, elle a sa maison au bout du chemin creux, parmi les hortensias bleus, les géraniums et les lupins. Ce que redoute cette contemplative des jardins n'est pas de partager le lit d'un homme, c'est de ne plus être souveraine en son fief, car il n'est pas question pour elle de se chamailler pour savoir où planter un bulbe, une bouture donnés par quelque voisine.
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Un ciel avec juste assez de bleu
pour apprivoiser quelques nuages blancs

des masses indécises jouent leur lente dérive

la lumière crue de mer ajoute de la transparence
au gris tremblé de la saline

un héron cendré posé sur ce miroir
idéogramme contemplatif
qui rature le vide.
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L'enfant retenait son souffle. Il voyait des jardins sous la mer. Plus beaux que ceux qu'il apercevait quand il nageait sous l'eau, près des rochers, avec son masque et son tuba. Dans sa tête, ça se mettait à osciller parmi les feuillages et les plis de longues algues à la dérive. Une vie mystérieuse tremblait dans des vallées sous-marines où passaient des nautiles et des coelacanthes. "Des espèces qui remontaient aux temps lointains de la Préhistoire", avait dit le vieux monsieur. Ce monde sous la mer, pensa l'enfant, c'est merveilleux comme un conte.
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UNIDIVERS, Jean-Louis COATRIEUX
Il y a des livres qui nous font voyager. Ici et ailleurs, des lieux à deux pas ou après l’horizon, des lieux où nous nous aventurons sans trop savoir pour qui et pourquoi. Ceux que chacun peut partager sans forcément le dire, où tout compte, les images, les promenades, les rencontres. Où tout stimule l’écriture, sans effets, trait pour trait, pour de vrai. Où le siècle importe peu, le dernier, le prochain, qui sait. Là où l’histoire se fait géographie et les cartes, mémoire peut-être aussi. Comment ne pas me dire cela en lisant Madeleine Bernard, la songeuse de l’invisible ?
Marie-Hélène Prouteau joue des touches de peinture comme celles en couleur d’un piano où les doigts sont légers, les notes à portée de mains. Toujours plus libres. Madeleine Bernard et à côté, Émile, son frère, l’ainé. Ils sont deux, ils sont un, ils le seront toujours. Leurs vies s’ajoutent. Il dessine, ils se parlent, il peint, ils ne cesseront jamais de se parler, de s’écrire. De se protéger, de s’aimer. Lui impétueux et tourmenté, de cette impatience qui ne lâche ni le corps ni l’esprit. Elle, mélancolique, admirative, complice.
La famille ? Plutôt petite bourgeoisie. Genre haut-de-forme, redingote, montre de gousset. Nous sommes dans le pays flamand. Émile a trois ans en 1871 quand il regarde pour la première fois sa sœur. Lille puis Paris et Courbevoie. Ces péniches sur la Seine, Marie- Hélène les voit avec les yeux de Madeleine. Le chemin des vignes a disparu depuis longtemps certes mais il se devine sous les pierres au loin. Ces portraits, ces photographies de famille, elle est là, toute jeune, la table mise au jardin. Des rires, des éclats de voix. Tout au fond l’atelier d’Émile. Il la dessine sur son carnet, elle rêve.
Nous vivons avec Madeleine Bernard le passage des saisons, les regards à la fenêtre, les attentes. Les ciels bleus, les ciels blancs, caressants. Les jeux ensemble. Nous avons tous en tête des chansons, de ces ritournelles de l’enfance. Ils grandissent. Il veut peindre, elle veut son indépendance. Elle lit, tourne les pages, silencieuse, présente et tellement absente. Le temps est là, il n’est plus, a-t-il jamais été ?
Les voyages à Saint Briac de son frère se multiplient. Leurs lettres ? de simples nouvelles sur la maison, les études, les lectures. Viennent ses séjours à Pont-Aven. La pension Gloanec. Les tablées du midi et du soir. Provocations, chahuts, discussions emportées, fâcheries. Madeleine le rejoint. La lumière sous les arbres, les berges de l’Aven miroitant tout au fond, c’est elle allongée au Bois d’amour. Émile peint encore et encore. Des marchés, des fermes, la moisson, des pardons. Les couleurs en aplats, vives, contrastées, des formes contourées, un style, son style.
Le temps passe et les ombres de Vincent Van Gogh, Paul Gauguin, Henri de Toulouse-Lautrec, Louis Anquetin, Charles Laval, cette nouvelle peinture par les peintres du petit boulevard, l’amitié. L’occasion de redécouvrir le père Tanguy, ce fameux marchand de couleurs né en Bretagne qui tient boutique rue Clauzel à Paris. Divisionnisme, cloisonnisme, symbolisme que de mots pour s’affirmer et s’afficher. Puis le drame entre Van Gogh et Gauguin. La déchirure entre eux. L’amitié, l’amour, une double rupture du frère et de la sœur avec Paul. À l’hôtel Drouot, elle l’accuse de trahir son frère, de lui avoir volé l’art qu’il a créé. Ce sera ensuite la fuite vers Genève…
Pour peindre Madeleine, il fallait la délicatesse de Marie-Hélène Prouteau. Ses mots, ses phrases sont une petite musique que nous trouvons aussi dans ses autres ouvrages. Il fallait ici en plus une détermination sans faille pour explorer correspondances, articles d’époque, archives familiales et en extraire une réalité, celle d’une Madeleine enfant, jeune fille et femme. Il fallait enfin cette tendresse, cette complicité qu’elle tisse entre elles deux, au point de faire de sa vie un paysage d’aquarelles et de pastels. Magie de l’écriture et de la mémoire, mystère de la peinture et de la lumière. Comment fermer ce livre et abandonner Madeleine Bernard à son destin sans qu’elle nous laisse à rêver à notre tour ? C’est toute la force de ce livre de Marie-Hélène Prouteau.
Jean-Louis COATRIEUX
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Deux paysannes peinent dans l’eau jusqu’aux genoux.
Je suis immergée dans le tableau de Paul Gauguin « Pêcheuses de goémon ». Deux vagues d’émeraude explosent sur la toile. Ce vert bordé d’écume blanche me saute au visage. Grondements, mugissements, ruissellements jaillissent et toute la maison dans la campagne nantaise retentit soudain. Je reçois ces vagues en plein cœur. C’est mon finistère des sables qui surgit d’un coup.
Datée de 1889, cette gouache me parle de 1960. Des images venues de saisons déjà lointaines quand je voyais les goémoniers récolter le goémon à la main sur la grève. Le ballet de lignes de la mémoire s’anime[...]
Dans ma tête, les vagues de la Côte des sables font autant de turbulences que celles de Gauguin. Le peintre a fait de ces deux vagues un volcan. Un volcan actif qui va engloutir les deux jeunes paysannes. La vieille lutte avec la nature. Ici, on besogne la mer mais elle vous le rend bien. Telle des griffes blanches sur le tableau, la crête des deux vagues surligne l’espace marin. Celle en arrière-plan est plus haute que l’autre. C’est un énorme soulèvement d’eau qui écrase la toile. Elle a quelque chose de « La grande vague de Kanagawa » peinte par Hokusai. Le peintre japonais est passé dans la tête de Gauguin.
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Pour que ça résonne dans le coeur humain, les archives n'ont-elles pas besoin de l'art ?
C'est le cas avec "1946-Automne allemand", le film du peintre vidéographe Michaël Gaumnitz qui met en images le livre de Stig Dagerman du même nom. On est frappé par l’infinie compassion. Quelque chose s’ouvre à nos yeux. Un soupirail sur le désordre insensé des ruines allemandes. Michaël Gaumnitz utilise des images d’actualités en noir et blanc. En fond on entend les paroles de Stig Dagerman. Puissantes. Vibrantes. Le scandale des souffrances infligées par les Alliés éclate. Mêlant victimes et bourreaux. Au plus obscur des caves allemandes.
Le peintre Michaël Gaumnitz leur donne un visage, de cendres et de terre. Il les peint au pinceau électronique. Insérés dans le mouvement des images d’archives, ces visages s’animent sous le geste du peintre.
Le résultat bouleverse. Le souffle coupé, on est happé par cet album des décombres. Le flux de ces ombres inventées par lui troue le réel d’archives. Le dessin se fait en direct sous nos yeux. Saisissant surcroît d’humanité que trace la main du peintre. Comme si ces ruines vivaient en lui.
Des visages à la Giacometti nous fixent. Nous interpellent. La même impression d’irréalité que dans la chronique "L'Assaut de Brest" nous saisit.
Comment traverser les décombres ? Comment vivre après ? Dire « non » à cette part de nous-mêmes qui, trop souvent, abdique. Le regard de Stig Dagerman est là. Celui de Michaël Gaumnitz aussi qui interroge. Ne vivons-nous pas dans un monde où s’activent trop de moteurs de la mort ?
On tourne la tête vers notre présent qui trame son inhumanité croissante. Où des mots se grippent. Comme « abeille », « semence », « espèce ». Et le mot « humain » qui bleuit de froid au soleil. Embarcations, corps rejetés par la mer, on regarde derrière, par-dessus l’épaule, vers le naufrage.
Que serait se tenir à la hauteur de toutes ces ombres emportées dans la guerre ? Entre hier et demain. Peut-être trouver l’élan qui sauve. Le sursaut de bienveillance pour ce monde qui est le nôtre.
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J’entendais la basse continue de la pluie sur les hautes verrières du Musée.
En entrant dans la salle consacrée à Georges de La Tour, je crus d’abord qu’il n’y avait personne. Le silence était seulement troublé par le bruit de mes pas sur le parquet ciré. Soudain, je remarquai une silhouette d’adolescent recroquevillé dans son sommeil sur la banquette de velours rouge. Mes yeux allaient de la forme endormie au tableau "Le Songe de Joseph". Je contemplai le profil de l’ange souligné d’un mince ourlet de lumière, la main ciselée délicatement. Ils semblaient dispenser une présence d’un autre monde. C’est alors que la haute verrière s’éclaira d’un rayon de soleil timide, presque inespéré entre deux grains de pluie. Comme une caresse sur le visage endormi. Drôle de coïncidence : le rayon de soleil semblait se fondre avec la lueur de la chandelle tenu par l’ange. Un moment de pure grâce comme dans le tableau, pensai-je.

Apercevant son sac de voyage sur la banquette, je me dis qu’un jeune homme qui passe la nuit incognito au musée, c’est bien singulier. Il n’avait pu échapper à l’œil vigilant de Monsieur Mirbon, le gardien, que parce que le haut dosseret de la banquette avait caché son existence. Le souvenir de cette scène est gravé en moi : le jeune homme s’éveille, secoue son corps longiligne, découvrant une tête enfouie encore dans le sommeil, aussi peu sexué que celui de l’ange du tableau. Sa silhouette, son visage ne m’étaient pas inconnus. Je le revois alors, il est âgé de dix huit ans, vingt ans ; des cheveux couleur jais encadrent une tête fine à la Modigliani aux yeux noirs bordés de longs cils. C’est souvent une référence à la peinture qui me vient spontanément car, si je n’avais pas été mime, j’aurais été peintre à cause de ce goût pour l’image que j’ai depuis l’enfance et qui a nourri mon autre passion. Et puis cela fait écho à quelque chose de très profond en moi, car il m’est très difficile d’exprimer mes émotions par des mots.
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Du plus loin que je me souvienne, j’ai l’horloge des marées dans le corps et dans la tête. Et la mer dans les oreilles, tantôt le ressac léger, tantôt le fracas d’enfer des vagues contre les rochers. Comme un rythme natif.
J’écris l’histoire de la petite plage de sable blanc. Une histoire qui dure. Une histoire d’enfance, mais qui se prolonge, comme l’écume ne cesse de sourdre de la mer. Une plage où j’ai couru dans les vagues, joué sur le sable, ramassé des coquillages. Pareille au verger, au coin de rivière, au jardin public qui, pour d’autres, est le paysage premier.
C’est un espace presque clos. Un anneau de granit est posé sur les sables. Les hauts rochers font abri dans l’échancrure de la petite crique. Un lieu fermé et ouvert à la fois, ouvert aux souffleries du vent et aux allées et venues de la vie. J’y reviens souvent, j’aime marcher des heures durant sur les sables et les dunes. Où se promener en rêves, sinon là, entre les tamaris tordus comme les oliviers de Van Gogh et les oiseaux de mer qu’on dirait photographiés par Martine Franck à Thoraigh Island ?
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Ce visage fin et grave peint par Monsieur Gauguin, cela a bien l’air d’être le sien. Mais avec la chevelure qu’il lui a fait relever, ces yeux fendus en amande, paupière mi-close, cette peau si blanche, elle se trouve l’air d’une dame de haute lignée.
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VOIR PONT-AVEN



chapitre X

Extrait 1

      Gauguin s’arrête de peindre. On fait la pause. Elle est autorisée à regarder. C’est pour elle, tout ça ? semble dire la bouche entrouverte de Madeleine. Ce visage, ce corps sur la toile, tout ce qui vient de surgir là, quelle émotion ! Incrédulité, doute, éblouissement ? Ce visage fin et grave peint par cela a bien l’air d’être le sien. Mais avec la chevelure qu’il lui a fait relever, ces yeux fendus en amande, paupière mi-close, cette peau si blanche, elle se trouve l’air d’une dame de haute lignée. Elle a la sensation d’une caresse. Sûrement, l’arrondi des formes, celles du visage et du vêtement et quelques lignes droites seulement, la chaise, la plinthe, le cadre.
...
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Monde des limbes pris dans les houles…



extrait 2

               Le voilà le grand éblouissement, magique luminescence

               de particules glissant au ralenti vers les grands fonds

               à la rencontre d’antiques cœlacanthes.

                                                            Un vieux sage à voix basse raconte
                                                            Un vieux sage à voix basse raconte
                                                            Un vieux sage à voix basse raconte
                                                            Un vieux sage à voix basse raconte
                                                            ici dans le pays sous la mer
                                                            demeurent mille et mille ondes de
                                                                                                                   douleur
                                                            des vies esclaves outragées.

So blues, Africa.
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Monde des limbes pris dans les houles…



extrait 1

Monde des limbes pris dans les houles.
Juste s’abandonner à la douceur sensuelle de la nage.
Toute la vie pélagique !

                       Innombrables trémulations, filaments, flagelles,
                       arabesques constellées d’étincelles, poudroiement
                                                                                                      de plancton.

                                  Le bleu frôle, telle une caresse,
                                  mystérieuse beauté ondulante de ce qui environne.
                                  La matière vibratile parle d’un monde non pareil.
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Le SDF à la tignasse ébouriffée, assis dans un fauteuil au rayon Poésie de la médiathèque Jacques Demy, qui s'est endormi tranquillement sur un recueil de Rimbaud. Ébahie, l'employée qui venait le déloger est repartie sur la pointe des pieds.
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Sur le banc prés du pont Anne de Bretagne, la vision de cauchemar persiste encore. De ces quais de Nantes, mille sept cent dix expéditions sont parties, emportant quatre cent mille personnes.
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