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Critiques de Marie-Hélène Prouteau (24)
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12 poètes contemporaines de Bretagne

Elles sont 12 poètes comme les 12 syllabes d’un alexandrin, 12 femmes qui, à travers une poésie libre et passionnée nous offrent leurs joies, leur tendresse, leurs révoltes et leurs espoirs.

Attachée à sa terre natale, Marie-Hélène Prouteau a choisi des poètes contemporaines de Bretagne, des femmes qui « ouvrent grand les fenêtres. »

Engouffrons-nous dans ces ouvertures pour entendre leurs voix qui « disent le corps des femmes qui aiment, qui désirent ou qui souffrent. »



Dans « Affolement du sang », Marie-Josée Christien évoque la maladie avec lucidité et des images étonnantes :



« La moelle affolée

Essaime ses larmes coagulées

Dans la chaleur du sang épaissi. »



Dans son entretien avec Marie-Hélène Prouteau, Chantal Couliou parle de sa passion pour la forme brève du haikus qui est pour elle « un bol de légèreté, un zeste de fraicheur, une pincée d’impertinence… »



« Le goéland

Sur le parcmètre

A quel tarif ? »



C’est dans le désert d’Atacama que nous entraine la poète et romancière Guenane. D’une écriture saccadée elle raconte le désert, son aridité, et son histoire tissée de violences.



« Blanc pur ocre terre de sienne

Interminable dépression

Le Salar d’Atacama ne vous épargne

Aucun de ses tourments

Torturé perforé saturé

Son cœur vit et le vent cavaleur vous laisse muet. »



Dans l’œuvre de Ghislaine Lejard, la nature est très présente, la poète cueille la lumière et la sensualité des éléments. Mystère et mélancolie se mêlent étroitement dans ces petites choses du monde.



« L’oiseau passeur de lumière

Rejoint l’invisible

Dans le silence des étoiles. »



Le recueil se clôt sur la présentation de Jacqueline Saint-Jean. A travers ses poèmes, elle dit chercher à « ouvrir [sa]perception du dehors, accueillir l’imprévu, à sonder le cosmos intime, les forces obscures de la vie… »

L’écriture de Jacqueline Saint-Jean est intimiste, c’est une langue exigeante qui questionne la vie, la mort, mais c’est aussi une écriture de grand vent.



« On cherche un mot, comme une arche, où passerait

Le fleuve.

Un mot, un lit profond, syllabe de limon, langue

Pour relier la source à l’estuaire. »



Je ne peux citer les douze poètes de ce recueil, et je vous invite à partir à leur rencontre à travers les pages que leur consacre Marie-Hélène Prouteau. Après une courte biographie, on découvre leurs paysages intimes et universels, et des extraits de leurs textes.

Un essai poétique salutaire pour faire entendre ces voix féminines et nous donner envie de se plonger dans leurs œuvres.

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L'Enfant des vagues

La marée noire vue par les yeux d’un enfant.

L’enfant (on ne connaît pas son nom) est englué dans ses rêves et dans ses questions comme le sont les oiseaux dans le mazout.

C’est un enfant un peu à part. Suite à une chute il boite un peu, mais il boite aussi dans sa tête.

Ce matin-là, il n’entendit pas le bruit de la mer ni les cris des oiseaux, il ne vit pas le bleu de la mer…. Tout était noir.

Pour toute la population, pour lui, si sensible (il veut devenir artiste de la mer), c’est un véritable drame.

De plus, il y a l’absence de son père depuis de longues semaines, que personne ne lui explique.

C’est le portrait d’un enfant

C’est le tableau d’une Bretagne défigurée.

L’un et l’autre sont intimement liés.

Le portrait de l’enfant est sensible, délicat.

Le tableau est une ode à la mer, à la Bretagne.



Ce livre subtil, tout en nuance et en sensibilité est une belle découverte.

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La ville aux maisons qui penchent : Suites ..

Une suite de petits textes, savamment travaillés, quasiment des perles poétiques, qui sont une jolie balade dans la ville de Nantes.

Certains souvenirs de l'auteur lui sont si personnels, qu'ils ne parleront qu'à ceux qui connaissent cette ville. C'est le cas notamment d'expositions passées ou de passages d'artistes.

Mais, pour le reste, le jeu des aller-retours entre le présent et le riche passé local, conduit à générer des paysages littéraires, entre navires négriers, la Loire peinte par Turner et les films de Jacques Demy.

Les chapitres font aussi la part belle à l'humanité et au courage de certains; résistants sous l'occupation, écrivains sous une dictature ou simples musiciens des rues.

Marie-Hélène Prouteau aime sa ville et sait par la magie des mots en donner une image sensible et vibrante.



(Livre reçu dans le cadre d'une opération Masse critique de Babelio)
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La ville aux maisons qui penchent : Suites ..

Ce livre ne peut pas être classé: c'est plutôt un compliment! Des scènes qui s'enchaînent, entre passé et présent, entre scène vécue et scène imaginée, des souvenirs, des émotions et des clins d'oeil. Nature, patrimoine... "Entre eau douce et eau salée, Nantes (...) une ville où l'on est fait de pierres de fleuve et de galets marins."

Un voyage culturel touristique poétique, où les lieux et les sensations évoquent des personnes, des personnages, des mots, des films, des histoires...

C'est un livre qui se picore, chapitres inversés si on veut, un patchwork de rues, d'anecdotes, de lumières, de visages.

M'aurait-il plu si Nantes n'était pas ma ville? Grande question qui a son importance. Sans doute j'aurais gardé une admiration pour l'écriture, et pour la découverte d'une ambiance à travers ce regard littéraire. Mais Nantes est ma ville, j'ai été d'autant plus touchée.

Merci à Babelio et à la chambre d'échos (que j'avais découvert avec "Comment j'ai fumé tous mes livres"). Gardez ce concept, je suis prête à visiter de manière subjective, poétique et décalée d'autres villes si vous le proposez!!
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L'Enfant des vagues

Un garçon étonné et vaguement inquiet sent une menace diffuse sur la plage : la mer a changé, le remous habituel des vagues et du ressac a laissé place au silence, puis à de longues plaintes et de la colère. Un nouveau pétrolier a souillé son terrain de jeu favori et bouleversé ses habitudes. Lui, l'enfant rêveur, à l'âme artiste, qui vit en communion avec la nature qui l'entoure, est chaviré par le spectacle des cormorans englués et le désarroi des adultes. Ses parents sont absents et il promène sa solitude, perdu dans cet univers chamboulé, se réfugie dans ses rêves et son livre préféré "Morceaux choisis d'Ulysse", cadeau de son père. Heureusement qu'il y a Léa qui l'accompagne à la clinique des oiseaux pour faire le compte des oiseaux morts, son oncle qui s'occupe de lui, les rencontres sur la plage, mais personne à qui se confier. Il choisirait bien le vieux monsieur de l'Institut de recherches, si savant, humble, amoureux et respectueux de la mer et de la nature, comme lui, mais il le connaît à peine. Car la catastrophe de la marée noire en cache une autre, qu'il se refuse à admettre, mais qui sourd en lui, fait battre son coeur, attise sa colère et sur laquelle il ne sait pas mettre un nom. Alors il fait durer encore un peu l'histoire qu'il se conte.

C'est un très beau texte, poétique et émouvant, qui donne corps à la désolation d'un environnement souillé à plusieurs reprises, le désespoir et la colère, la révolte et les manifestations réprimées, mais aussi la solidarité, mis en relief par le regard et la sensibilité d'un enfant bouleversé par la séparation de ses parents.

Je remercie Masse critique et les éditions Apogée pour m'avoir permis de découvrir l'auteur.
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Madeleine Bernard - La Songeuse de l'invisi..

De Madeleine Bernard, sœur du peintre Emile Bernard, et de sa courte vie, il ne reste que peu de traces : un portrait réalisé par son frère, un autre par Gauguin, au revers d’un tableau plus célèbre et de ce fait longtemps resté invisible, et quelques autres par des artistes moins connus. Dans ces tableaux, sa présence au port altier est distante, insaisissable, énigmatique. Son regard pensif qui porte loin, comme irrépressiblement attiré par de nouveaux horizons, intrigue. Jusqu’à cet ouvrage, les historiens de l’art ont pu croiser furtivement le nom de Madeleine Bernard dans les biographies des artistes fréquentés par son frère. Marie-Hélène Prouteau retouche le portrait et parvient à percer le mystère qui l’entoure. Avec empathie et talent, elle restitue sa personnalité secrète et originale. Pour cette remarquable et passionnante biographie, qu’on pourrait qualifier d’essai poétique par la qualité de l’écriture, l’auteure a réalisé un travail de documentation et de recherches rigoureux et impressionnant, puisant à toutes les sources disponibles, dans les fonds photographiques des musées et des bibliothèques et dans les archives familiales, et surtout dans les diverses correspondances dont un extrait introduit chacun de ses chapitres. Marie-Hélène Prouteau découvre ainsi que Madeleine, « jeune, belle, d’une vive intelligence », a « enflammé le cœur de Gauguin dans la vigueur de ses quarante ans» pendant deux années. C’est par l’abondante correspondance de Madeleine que l’auteure perçoit sa personnalité attachante et affirmée. Soutien sans faille pour son frère rebelle, grande lectrice intéressée par la poésie et la spiritualité, cultivée et curieuse de tous les arts, elle a participé aux débats qui agitaient le milieu artistique de son époque, celle de la fin du 19ème. Dans le récit captivant de Marie-Hélène Prouteau, Madeleine, modèle occasionnel et témoin des bouleversements artistiques de son temps, se révèle une femme indépendante qui choisit de travailler, quitte le carcan familial et coupe irrémédiablement tous les ponts avant de s’exiler à Genève. A travers la destinée de Madeleine, emportée à 24 ans par la tuberculose au Caire auprès de son frère, l’auteure met en évidence le cruel sort des femmes, « muses et inspiratrices qui n’existent qu’à côté de l’artiste», vouées à demeurer invisibles et à s’effacer.

Marie-Josée Christien, chronique "Nuits d'encre" du n°28 de la revue annuelle "Spered Gouez / l'esprit sauvage" (2022)
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L'Enfant des vagues

(masse critique)

L'écriture est très poétique, à l'image de cette mer tant aimée et honorée au fil des pages de cet ouvrage qui prend la juste mesure des conséquences d'une marée noire, marée noire en dehors, qui tue les oiseaux un à un, marée noire en dedans, dans le coeur de cet enfant qui ne reverra plus son père...

Il y a pourtant un je ne sais quoi qui ne colle pas, qui m'a empêchée d'adhérer au style, un écart entre ce qui se passe dans la tête de ce gosse (l'angle de vue) et la façon dont c'est retranscrit. Je n'ai pas accroché, je suis allée au bout pour la beauté de certaines formulations, mais il y a des longueurs et des redites, et puis on a des difficultés à situer ce gosse : âge???? par exemple, il est à l'école mais le manque de finesse dans l'analyse psy fait qu'on ne sait pas si c'est un ado ou un gamin de primaire (des indices sont donnés par rapport à l'école mais aussitôt contredits par certains comportements) et puis les faits semblent se dérouler de nos jours, mais de nos jours, pourquoi cet enfant ne verrait-il plus son père????? bref, les incohérences m'ont laissée sur place :-( dommage. Ce roman, n'empêche, aurait fait un excellent poème ;-)
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La ville aux maisons qui penchent : Suites ..

Nantes, la Loire, la Manufacture des tabacs, les Folies Siffait, les films de Jacques Demy...



Cet ouvrage n'est pas un guide touristique.

Mais un patchwork d'impressions sur Nantes, son passé, d'évocations de lieux à l'entour, de personnalités qui y ont vécu ou y sont passées.



Je suis nantaise, je m'y suis retrouvée.

La forme m'a déroutée, mais je revisiterai ces lieux avec le regard et les références de l'auteur avec plaisir.



- Merci à Babelio et aux éditions La Chambre d'Echos'.
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L'Enfant des vagues

Père et mer.

Second livre de cette romancière que je lis après " Les blessures fossiles". Nous avions parlé de ce livre lors de notre rencontre l'année dernière au salon de Guidel. Dans les courriers que nous avons échangés, elle me dit qu'elle a choisi le regard d'un enfant pour tenter d’atténuer le traumatisme subi par la population après une marée noire.

Un bord de mer en Bretagne, un jour qui devrait être comme les autres pour "l'enfant" et les autres habitants de ce port. L'enfant est surpris par le silence soudain. Puis vient l'odeur qui a changé, la mer devient noire, les vagues épaisses et gluantes. C'est le drame, à peu de distance au large un pétrolier s 'est échoué.

Pour l'enfant et le bourg la vie va soudainement changer!

Pour l'enfant, la mort d'un jeune goéland mazouté, puis son enterrement aidé de quelques camarades va profondément le marquer. Pourtant la mort des animaux à la ferme est une pratique normale. Là la mort est gratuite et inutile, à la ferme elle est hélas nécessaire.

Il va acheter un carnet bleu et tenir le macabre compte des oiseaux morts à cause du pétrole. La tâche des sauveteurs est immense. Des milliers de cadavres seront brûlés!

Il a aussi en tête sa solitude, son père goémonier est-il vraiment parti en mer ? Il lui manque et ne sait pas bien de quoi il en retourne! Sa mère est en stage, en ville et ne reviendra que pour le week-end, son absence lui pèse également. Son oncle Gaby, jeune frère de son père, s'occupe tant bien que mal de lui.

Mais les adultes ont d'autres soucis, la pollution, l’écœurement devant ces navires poubelles qui s'échouent trop souvent sur les côtes. On prépare des manifestations, les mots d'assassins, de voyous des mers marquent la colère. Mais masquent le désarroi des marins déjà endettés, la détresse des riverains, presque tout ici dépend de la mer....

Pas de situation géographique précise, ni d'époque bien définie, (La Bretagne a subi plusieurs marées noires, donc il y a hélas le choix!), mais pour le personnage principal du livre l'auteur reste vague, pas de prénom, il est et reste "L'enfant".

L'enfant, amoureux de la mer, au point de répondre à l'école à la rituelle question de son futur métier :

- Je veux être artiste de la mer!

Sa vie durant ces quelques jours entre ses rêves ou cauchemars nocturnes et son traumatisme d'avoir assisté à la mort d'un jeune goéland, puis l'avoir enterré avec d'autres enfants! Son univers est souillé, il ne comprend pas les adultes, son oncle par exemple. Il veut, comme témoignage, noter sur son carnet le nombre d'oiseaux morts! Une fin d'innocence non programmée mais subite, et pourquoi si ce n'est pour la fortune de quelques-uns!

Son entourage proche, plutôt absent durant cette période, seul son oncle Gaby, vieux garçon s'occupe de son quotidien. Il a comme tous les enfants de son âge quelques camarades d'école, mais sans plus semble-t’il!

Sa famille, sa mère avec qui il faudra un jour ou l'autre ouvrir le dialogue, savoir la vérité sur l'absence envahissante du père, il lui faut aussi comprendre ce qui se dit entre adultes. Gaby, avec qui les rapports sont pour le moins étranges, il le hait parfois et ne le comprend pas toujours pour ne pas dire jamais. Les grands, c'est un autre monde.

Le seul avec qui il se sent bien, c'est le vieux professeur à qui il donne sa petite cuillère, celle dont il se servait pour nettoyer la mer. Cadeau précieux s'il en est!

Une très belle écriture pour un sujet grave particulièrement pour nous Bretons. A travers les yeux de cet enfant, j'ai pris conscience, moi qui suis pourtant un natif du bord de mer mais qui n'en ai jamais vécu, du désarroi des gens pour qui l'océan est un gagne pain. On a beaucoup parlé du tourisme, mais peu des pêcheurs et autres professions dépendant d'une bonne ou d'une mauvaise marée. Alors quand il n'y a plus de bateaux rentrant au port ni de poissons!

Malgré tout un voyage onirique quand l'enfant rêve d'Ulysse, ce grand voyageur parcourant les mers.

La mer....il la retrouve plus tard, enfin propre, enfin elle-même!!
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Madeleine Bernard - La Songeuse de l'invisi..

“Se souvenir des belles choses” : en découvrant la vie de Madeleine Bernard, le titre de ce film (Zabou Breitman - 2002) s’est imposé. Probablement parce que le livre de MH Prouteau attire puissamment le regard vers le beau, cette quête infinie.

Théâtre où se joue l’essentiel de la vie de Madeleine, la peinture est dans lequel il est difficile de séjourner. Franchis les tableaux archi connus des grands maîtres, il n’est pas évident d’accéder à l’émotion à laquelle devrait ouvrir l’art, en général. Quand on n’a pas les codes, on passe vite son chemin. Si le livre n’avait pas été proposé par quelqu’un dont j’ai déjà apprécié la patte littéraire (ou la pâte, c’est selon…), il n’aurait jamais croisé ma route.

Madeleine Bernard est la sœur d'Émile Bernard, peintre et poète, compagnon de route de Van Gogh et de Gauguin, dans la flamboyance du post-impressionnisme. Le peintre en a fait quelques portraits, comme Gauguin également ; à Pont-Aven, elle les inspire à travers sa présence songeuse. À l’époque, on écrit beaucoup. Madeleine se raconte donc à son frère, à son amie Charlotte. À travers ses lettres, MH Prouteau reconstruit le parcours intérieur de la jeune fille, digne d’une héroïne romantique. L’enfermement familial où elle grandit, corsetée sous la coupe d’une mère dépressive, ne parvient pas à dissuader Emile de se donner tout entier à la peinture. De même, Madeleine va s’échapper, par le travail d’abord puis en fuyant à l’étranger (l’Angleterre, puis la Suisse, avant l’Egypte), sans cesser de soutenir son frère dont elle sait qu’il est dans le vrai à chercher sans cesse sa voie dans la beauté de la peinture.

“La songeuse de l’invisible” est une biographie savante, fruit d’un impressionnant travail de documentation qui sous-entend du temps de collecte d’abord, d’interprétation ensuite, puis de construction de l’œuvre. Mais pas seulement. Encore faut-il réussir à rendre l’intériorité d’une personne, le climat d’une époque et l’effervescence d’un milieu (celui de la peinture des années 1880-1890) en train d’affirmer son identité. Eh bien, le pari est réussi. Il faut dire que la personnalité de Madeleine, son attention fiévreuse aux belles choses invisibles, s’exprime de manière vibrante, à travers les mots de MH Prouteau, dont la voix se glisse subtilement dans les mots de Madeleine.

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La ville aux maisons qui penchent : Suites ..

Le sous-titre : Suites nantaises de La ville aux maisons qui penchent dit bien l’aspect délié, syncopé, musical de ces balades tantôt folâtres, tantôt graves, dans cette ville quiète à l’histoire violente. Le jeu des verticales, des traverses, des obliques charpente un paysage à pans multiples où l’on se promène parfois avec le tournis comme sur le pont d’un navire. Mais Marie-Hélène Prouteau accroche d’abord l’oeil aux pierres d’une belle clarté marine, juste un peu marquée de sang...




Lien : https://lespromenadeslittera..
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Le cœur est une place forte

C'est à la fois beau , poignant, oppressant. Tous ces morts, ces civiles, victimes impuissantes des combats et des bombardements. Des soldats inexpérimentés envoyés à la boucherie. Et cette répétions infernale la guerre toujours, partout. Brest, Maissin, Sarajevo....Je fini ce livre en me demandant comment on survit a l'horreur de la guerre.
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Les blessures fossiles

Revue AR Men. Tout commence par une image suspecte sur un scanner. Et à partir de cette image, Yselle, l’héroïne de l’histoire va remonter jusqu’à un autre point aveugle, comme guidée par le faisceau des phares du Ponant qui « tracent des routes au-delà des eaux noires de la tristesse et de la mélancolie ». Un point aveugle qui aura pourtant laissé des traces, des « blessures fossiles ». Sur le thème de la remontée vers la mémoire et les secrets de famille, Marie-Hélène Prouteau a écrit un beau livre au style sobre et tendu, autour d’une mère « faiseuse d’anges », du souvenir d’une tache de sang qui va hanter les rêves d’une petite fille. « A six ans j’avais déjà ce cancer qu’on m’a découvert à cinquante. Non pas cet amas de cellules malignes, mais ce noir fardeau qui s’est enkysté dans mon corps, en filigrane ». La brestoise Marie-Hélène Prouteau qui enseigne en classes préparatoires au lycée Clemenceau de Nantes donne ici sa « promenade au phare ». D.M.




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La petite plage

Philippe Leuckx. En une longue topographie presque amoureuse, disons solidaire, Marie-Hélène Prouteau élève une toute petite plage bretonne au rang des sites d’une vie. Tout y a été vécu, senti, donné, repris, comme un legs d’une résidence d’autrefois, comme celui de patientes générations de mer, comme celui, aussi généreux, d’une mémoire vive, féconde et soucieuse.



En une vingtaine de stations devant cette plage concrète ou symbolique, l’auteure ramène à elle des pans de passé, colorés, aigus, pleins d’algues, de goémons, des pas des aimés (ah ! la grand-mère et le souvenir blessé d’un oncle Paul perdu à cause de la guerre !). Elle rameute le doux des promenades, le « promenoir » des anciens qui lui ont appris un regard futé sur le monde des vagues, des chemins et des vents. Il y a du Sansot (Chemins aux vents) chez cette Bretonne, cette volonté d’asseoir dans sa prose légère et vivifiante des moments, des récits (on ne peut passer sous silence l’épisode de l’Allemand et du chien), des blasons d’un passé resté unique. Car il y a, c’est l’évidence, des leçons à prendre dans ces morceaux de plage, dans cette rumeur naturelle, dans cette enfance retrouvée (et combien d’épisodes du livre font mention des années soixante, de ce que l’enfant a pu conserver des usages et des modes et de l’histoire concrète). La plage, certes, est un personnage de premier plan, que l’on peut découvrir à la nage, dont on peut graver sur les laminaires les variations et l’intemporalité, que l’on peut garder au cœur « qui fait sécession ».



La « mangeuse de vent » relate, s’approprie, et transmet. L’œil, le corps et l’âme de la promeneuse de l’océan sait, ô combien, faire partager l’humeur d’un ciel, le hors saison, la leçon des rochers, celle aussi d’une nature sans cesse à conquérir dans le silence. Comme le compagnon, qui a tout largué, pour renouer avec la nature, rencontré sur les routes, l’écrivaine sait (et c’est peut-être un épisode à lire comme un apologue) qu’il y a là matière de vie, à saisir, à comprendre, à offrir (comme ce « don des morts » sallenavien) à l’autre, lecteur ou contemporain, puisque la nature sans cesse nous convainc de vivre, en dépit des doutes, des blessures et du temps qui ronge, même une petite plage.

Un beau livre, fervent et tout à la fois mesuré, à l’aune d’un style précis, économe, « au bord du chemin », aiguisé, qui nous entraîne à rouvrir les yeux sur un monde que la réalité embue et trouble. Et voir le monde du « divers », à l’image de Segalen, cité : en visant l’essentiel. L’auteure a réussi, de ce côté-là aussi.




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Le cœur est une place forte

Jacqueline Saint-Jean. « C'est une histoire de livret perdu, une histoire de revenance ». Au coeur du livre, le livret militaire du grand-père, perdu dans la bataille de Maissin, en 1914, retrouvé 50 ans plus tard dans un grenier en Belgique. Un livret jamais oublié par l'enfant : « elle y a logé son rêve ». Il aimante ici la mémoire et les mots. Relique d'une hécatombe, veilleur d'Histoire, il instaure un « pacte » entre l'auteure et son grand-père, devient chambre d'échos, résonance des voix qui traversent le temps et les ténèbres. « N'est-il pas de ces choses singulières qui portent plusieurs mondes ? ».



Peu à peu, sous les doigts, le vieux livret s'anime, frémit, soupire. L'auteure se met à l'écoute, avec lucidité, empathie et courage. Elle se met en quête de vérité, elle veut traverser « les couches de silence », questionner L Histoire. Il lui faut plonger dans les archives, témoignages, historiens, photos sépias, lettres, cartes postales mais aussi se laisser pénétrer par la parole des poètes, les oeuvres des musiciens, peintres, cinéastes, qui tentent de sublimer l'horreur.

En phrases denses et brèves, comme écrites parfois souffle coupé face à l'enfer, dans un temps haché par la violence, Marie-Hélène Prouteau ranime des présences vives, des récits bouleversants, telle Sara la douce qui apaise les moribonds. Elle veut leur « donner chair et visage », les nommer, traverser leurs épreuves. Respiration vitale, l'écriture ouvre des trouées fugaces, clairières lumineuses sur des fragments de monde habitable, moissons, rires d'enfants, odeurs, pulsations, poussées vitales, « un peu de la vie qui fait son petit bruit d'avant ».

"Sous les pierres, la mémoire", avec la même force d'évocation, lève la mémoire de Brest bombardée, arasée, amputée de son avant. A travers la Barbara de Prévert, le vécu de l'enfance après la guerre, ses images gravées, les traces, les témoins, l'explosion terrible de l'abri de Sadi Carnot, l'incroyable traversée du calvaire breton offert à Maissin, « douleur sublimée dans le "don magnifique ". Peintres, musiciens, poètes viennent donner vie et souffle aux archives. Inoubliable vision fantastique de l'ancienne Brest enfouie en sous-sol, enracinant la ville neuve. Comme dans le livre sur Nantes, l'écriture tend ses fils à travers les siècles et les frontières, relie des cités dévastées, Sarajevo, Dresde, Beyrouth, Alep, l'antique Ur.... au chant sumérien mis en musique par un créateur tchèque.

Loin de nous désespérer, cette intense quête de mémoire, à la fois fragmentaire et portée dans une unité puissante, nous ramène à ce beau titre de Paul Celan qui a le dernier mot. Ne pas abdiquer, garder « le courage qu'il faut pour se relever », traverser les décombres, persévérer. le coeur doit résister, réinventer la vie. Dans un final irradiant d'énergie, l'auteure accueille en elle le souffle des disparus, relie le poète et la grand-mère magnifique, « celle qui veille à la proue du monde », incarnant tous deux, malgré leurs épreuves, cet esprit d'amour et de résistance.

Lire un tel livre est à la fois bouleversant et vivifiant, car il cherche « une force pour devenir humain ». Il a ce pouvoir qu'elle prête à la poésie, « cette incroyable faculté de faire revivre ce qui est perdu, de faire vibrer à nouveau la corde de la vie et du temps ».









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Madeleine Bernard - La Songeuse de l'invisi..

Colin Lemoine, « L’œil, Journal des arts »



Pour peindre ainsi, il faut aimer. Et Paul Gauguin aima Madeleine Bernard (1871-1895) : sur le splendide portrait du Musée de Grenoble (1888), la jeune sœur de son ami Emile Bernard l’observe de biais avec un œil auréolée de vert et de mystère, avec une bouche charnue dont on devise qu’elle va bientôt s’offrir, avec un buste droit qui est celui des intrépides et des opiniâtres. Marie-Hélène Prouteau excède le genre biographique pour écrire un tombeau : la « songeuse de l’invisible » est rendue à la vie, puis à la mort, à la justice et à la tristesse, à la postérité. L’écrivain fouille vingt-quatre années de cette « âme mystique » qui subjugua les artistes, fréquenta Genève et Saint-Briac, Vincent Van Gogh et Isabelle Eberhardt, des hommes et des femmes, toute une bohême, consentit à fuir -une mère, un travail, un destin- pour disparaître, pour réapparaître afin de mieux mourir, emportée au Caire par la tuberculose. Magistral.



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Les Balcons de la Loire

Alain Girard-Daudon Encres de Loire.



Paul, un homme assis devant la Loire. Non loin du Palais de Justice où se joue le destin d’un enfant. Paul attend le verdict. Yordi, l’enfant de Grosny, obtiendra-t-il l’autorisation de rester en France ?Le roman est l’histoire de cette attente et d’une belle rencontre avec Paul, artiste mime, en mal de paternité et cet adolescent vif, doué, sauvage qui a le tort de n’être pas d’ici. Face à la Loire tourmentée car c’est un jour de « coefficient exceptionnel de la marée », Paul revit cette rencontre depuis le jour où leurs destins se sont croisés devant une toile de Georges deLa Tour.

Car l’occasion est belle de parler d’art qui devrait sauver le monde, du mime, qui ignore les frontières puisqu’il est un langage universel : « Inspirez… Expirez… N’oubliez pas, c’est une autre façon de dire : recevoir, donner, chérir ». Il est beaucoup question d’art dans ce récit (peut-être même n’est-il question que de cela ?), mais aussi de Nantes, ville de grands vents « aux doigts de pluie », irriguée par l’incessant mouvement du fleuve. « Comment ne pas penser que nous n’échappons pas, nous les habitants, à ce grand rythme duel où l’océan part aux extrêmes, là-bas vers le large, et trouve encore la force de faire frémir les berges de la Loire au cœur de Nantes ? ».

On ne dévoilera pas le dénouement de ce beau roman, le second de Marie-Hélène Prouteau nantaise, mais on ne peut que saluer la maîtrise de la construction, l’élégance de l’écriture et, plus encore, la générosité du propos. Il fait bon le lire, parce qu’il donne des raisons d’espérer et des envies d’aimer.




Lien : http://www.paysdelaloire.fr/..
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Madeleine Bernard - La Songeuse de l'invisi..

Marie-Hélène Prouteau nous propose cette fois une passionnante biographie de Madeleine Bernard, la sœur du peintre Émile Bernard.



Tout au long de l’histoire de Madeleine nous sommes plongés dans cet univers sensible et innovant de la peinture de cette fin du XIXème siècle. Nous rencontrons ainsi, grâce à Madeleine et l’affection si profonde, quasi gémellaire qu’elle porte à son frère, des peintres célèbres maintenant tels que Gauguin, Pissaro, Seurat, Van Gogh, Toulouse-Lautrec, Signac, Cézanne …, qu’Émile aura fréquenté ou admiré.



Madeleine est cultivée, grande lectrice, musicienne aussi, elle joue du piano avec virtuosité. Elle voue à son frère si sensible une admiration immense, consciente très tôt de son talent, lui qui dessine tout le temps et n’en fait qu’à sa tête. Elle sera son premier modèle et l’accompagnera dans sa quête d’une manière de peindre qui lui corresponde, lui qui rêve de bousculer les codes pour se réaliser vraiment.



Nous allons suivre alors la vie si brève de Madeleine, au sein de cette famille chavirée par les disputes parentales, la dépression chronique de la mère, les déménagements fréquents qui bouleverseront les repères. Chaque chapitre de ce récit très documenté est introduit par un extrait de correspondance, notamment celle abondante de la jeune fille, révélant une langue d’une réelle beauté, traduisant ses inquiétudes pour son frère, ses interrogations, son désir profond de s’affranchir de la tutelle familiale. Non seulement elle aspire à la liberté, mais elle est très sensible à une vie spirituelle intense, s’intéressant à la théosophie, se préoccupant de l’invisible.



Cette biographie passionnante, au style lumineux et alerte, emporte le lecteur dans le tourbillon de ce XIXème siècle finissant, où la création peut se trouver engluée de contraintes sociales, empêchée de soucis financiers tout en foisonnant d’innovation, d’échanges passionnés sur la peinture auxquels la jeune Madeleine prend une part vivante, jusqu’à ce qu’un événement déterminant l’amène à s’enfuir loin des siens.



Du Nord de la France jusqu’à Genève, en passant par la Bretagne puis l’Angleterre, en si peu d’années, Madeleine a connu bien des milieux et ambiances qu’elle évoque dans ses lettres et que Marie-Hélène Prouteau rend ô combien vivantes, grâce à une écriture romanesque et élégante.
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Madeleine Bernard - La Songeuse de l'invisi..

a Songeuse de l'invisible.

En refermant ce très bel ouvrage sur une si triste fin, cette restitution des circonstances, ces tissus familiaux malmenés, leurs ombres troublantes, les rives quittées  pour d’autres  incertitudes,  les heures de fièvres  , les dernières respirations, le dernier soupir, le lecteur sera entré de maisons en maisons , de portes en portes, d’Ateliers  en Galeries d'Art  et cimaises des Musées. Il en aura appris beaucoup sur ce moment de l’Art nouveau.

J'aime penser que Marie Hélène Prouteau a voulu sortir Madeleine de son cadre ! 

Son frère , Emile Bernard, l'y avait figée , en 1888 , devenue à jamais jeune fille en robe mordorée  étendue sous les hêtres du Bois d'Amour , écoutant le chant tranquille de l'Aven en été. 

Recherches  patientes , sur plusieurs années, le défi est relevé ! Dans  ce livre où il me semble que se soit établi une sorte d'amitié entre Marie Hélène, chercheuse et Madeleine l'enfant sage puis l'adolescente tourmentée dont la vie s'est révélée au fil des relations nouées entre l'écrivaine et les descendants , des lettres, photos  et documents d'un passé composé, tourmenté et si bref.

 De plus, ces éclairages, sur la jeune fille  allongée sur les feuilles et fleurs des chemins de mon enfance pontavéniste,  réveillent pour moi des souvenirs , mes regards posés sur ce tableau , alors exposé à L'Hôtel de Ville, et la mémoire de mon père, Emile, me racontant Emile Bernard, les querelles et inimitiés entre artistes, l’atelier de Lézaven, qui m’était familier ...

Alors me vient en guise de compliments à l’écrivaine de dire merci Marie Hélène Prouteau , La Songeuse de l’invisible peut dormir, tranquille sous les feuillages , quand on n'a pas les réponses on a au moins les questions.

Marie Renée Bisquay-Le Mestric.

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L'Enfant des vagues

"Ce silence qui n’en finissait pas ! Il entendait seulement un léger bruit métallique qui venait des vagues. C’est pas habituel, ces glouglous bizarres de bête rampante. Son visage, son corps se crispèrent. Il eut envie de se boucher les oreilles. Oui, l’eau gémissait. C’étaient ses cris étouffés qu’il entendait."

Erika, Amoco sont les quelques noms du « poison noir » qui souille les côtes bretonnes et se reconnaît donc à l’oreille: propriété commune à tous les objets de la « pensée magique » de l’enfant, celui dont le roman adopte le point de vue. Il parle aux joncs marins et aux tamaris, et s’entretient avec un « menhir musicien », ainsi nommé en raison des oiseaux qui se posent à son sommet. Pensée animiste, par laquelle la mer devient l’œil sombre du Cyclope et l’enfant, le fils d'Ulysse, dont l’univers balisé de mégalithes est remis en cause par une catastrophe qui affecte chacun, au village, du marin pêcheur endetté jusqu’à la marchande de couleurs.

La lecture des "Morceaux choisis de l'Odyssée", cadeau du père mystérieusement absent, remplit l'univers endeuillé de l'enfant de présences, "d'êtres étranges, de métamorphoses, de voyages au pays des morts". C'est ainsi que le roman développe ses harmoniques, autour d'une marée noire qui raconte d'autres catastrophes, d'autres tempêtes, et le retour espéré d'Ulysse dans la maison familiale, dans cette contrée maritime où, selon un vieux sage, il "existe trois règnes, le vert, le brun, le rouge."

La surprise que nous réserve Marie-Hélène Prouteau est de faire de l'absence du père non pas le contexte de l'histoire racontée, mais un thème obsédant qui passe progressivement au premier plan, quittant ainsi sa dimension privée pour absorber les couleurs sinistres d'une catastrophe écologique. Dès lors, on comprend pourquoi la force réparatrice des mots apparaît comme une ligne mélodique qui se conjuguerait en sourdine avec l'espoir, jusqu'à devenir le véritable sujet de cette oeuvre de pure sensibilité.






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