Marie Larantec

Bref, c'était un policier façon vieille école et il avait bien l'intention de le rester.

Chacune voyait la vie à sa façon mais leur connivence était demeurée intacte, leurs façons opposées d’appréhender un sujet servant de fil conducteur dans des discussions qui pouvaient durer des heures. Pourtant, argument contre argument, elles parvenaient toujours à un consensus. Malgré les tentations, il n’y avait jamais eu de compétition entre elles pour séduire un garçon. Leurs différences s’exprimaient dans leurs élans amoureux et ni l’une ni l’autre ne marchait sur les platebandes de son amie. Leur amitié était indéfectible.

Elle avait senti que son amie avait marqué un temps d’hésitation quand elle avait fait preuve d’enthousiasme. Comme si Pauline ne croyait pas qu’un homme puisse avoir toutes les qualités qu’elle attribuait à Antoine, dont l’honnêteté.
Jade savait bien que Pauline n’avait qu’une préoccupation : la faire descendre s’il le fallait de son nuage pour lui éviter les drames du type de celui qu’elle avait vécu avec son précédent chéri. Le silence inattendu d’Antoine semblait lui donner raison d’être prudente...

Il y a certaines choses qu’on ne peut pas raconter par SMS, entre deux câlins, même à sa meilleure amie... Tu as compris, quand même, qu’Antoine avait sonné à ma porte le lendemain du vol, alors que j’étais en train de m’endormir,lessivée. Il n’avait pas prévenu et je ne te dis pas l’air stupide que j’ai dû avoir quand je l’ai vu derrière la porte ! Il a profité du fait que quelqu’un entre dans l’immeuble pour y entrer sans avoir à sonner à l’interphone. Il tenait à son effet de surprise ! Il n’a pas été déçu...

Elle avait décidé de laisser les événements venir à elle, suivre leur cours naturellement. Malgré sa peur de s’engager dans une nouvelle relation amoureuse, elle avait bien conscience que le blocage sur un passé négatif n’était pas la solution et que ce que sa raison lui dictait ne correspondait pas du tout à ce que son cœur et son corps lui disaient. Le temps avait coulé depuis qu’elle était sortie de son conte de fées devenu cauchemar au fil du temps. Les dégâts provoqués par cette relation toxique s’étaient estompés et, petit à petit, elle avait retrouvé le goût de la vie et lorsqu’un jour elle s’était entendue rire, elle avait su qu’elle était sur le chemin de la guérison.

— Tout cela est étrange, effectivement. Mais tu connais notre frère. Quand il a une idée en tête, rien ne l’arrête. Et je crois plusieurs choses : premièrement, il aime l’argent et en veut toujours plus, quelles que soient les conditions dans lesquelles il l’obtient ; secundo,cette fille est ravissante et il a certainement dans l’idée de la mettre dans son lit... Enfin, je suis désolée d’émettre cette hypothèse, mais j’y crois : il veut rayer toute trace commune du passé. Notre mère, toi et moi, on est des erreurs de sa vie !

Je dirais même le contraire : c’était un traumatisme ! Coupe les ponts si cela te fait du mal. Mais pour te dire les choses franchement, j’avais imaginé que ce Guillaume pourrait éventuellement te distraire. Tu as absolument besoin de reprendre confiance en toi et de te frotter de nouveau à la vie. Mais, surtout, j’ai pensé qu’il pouvait représenter un filon pour que tu trouves de nouveaux biens à vendre. Ou étendre ton réseau pour tes projets d’architecture. Si j’ai bien compris, ça marche beaucoup comme ça.

Il repensa au comportement chaleureux de cette femme lorsqu’il avait vacillé en la découvrant sous la tonnelle et au silence qu’ils avaient partagé, assis sur le banc dans le jardin. Elle avait respecté son émotion. Il avait eu, alors, tout loisir d’observer l’intruse en douce. À la réflexion, il l’avait trouvée bien jolie ! Et plutôt agréable à regarder. Mais lorsqu’il avait compris qu’elle avait été invitée par Guillaume,il avait chassé les sentiments de sympathie qu’il avait éprouvés et se retrouvait à la case départ, plongé dans le conflit qui s’était annoncé avec son frère.
Le péage s’annonça enfin. La circulation était plus dense et Antoine dut se concentrer sur sa conduite, faisant le vide dans sa tête.

Elle détestait ce genre d’individu qui prenait la parole pour ne plus la lâcher, captant l’attention de son interlocuteur, se détournant de lui dès qu’il avait compris que celui-ci ne pouvait rien lui apporter.
Mais Pauline avait un sixième sens pour détecter un éventuel relais pour son amie. Elle avait donc décidé d’organiser un dîner pour que Jade et Guillaume se connaissent. Après avoir établi la liste de ses invités avec grand soin, elle avait apporté un soin encore plus grand au plan de table.

Au contact de la main de Jade frôlant légèrement la sienne, Antoine ressentit une onde de chaleur agréable remonter le long de son bras, jusque dans son cou. Bien que ferme, la main était douce et légère, la peau soyeuse. Il sentit le duvet de son avant-bras se dresser et le frisson se prolonger dans ses reins. Il secoua la tête pour se défaire de cette sensation inopportune. Les circonstances ne s’y prêtaient pas. De plus, cette femme semblait très proche de son frère et il n’avait pas aimé ses propos.

Catherine baissa le nez. Elle avait déjà eu assez d'émotions pour la matinée. Elle ne souhaitait pas ouvrir un nouveau chapitre pour l'instant. Mais le "garnement" ne perdait rien pour attendre.

François toussota pour dissiper l'embarras émotif qui les submergeait l'un et l'autre. Et aussi parce que les enfants sont toujours gênés de découvrir que leurs parents ont eu une vie sentimentale et sexuelle...

Raphaël reprit son souffle, l'émotion transperçait ses phrases. Il fanfaronnait de façon idiote pour calmer son angoisse.

Amélie faisait la brave, mais Morin savait qu'elle était complètement au bord des larmes.

François coupa la parole à son père, emporté par son enthousiasme et se mordant tout de suite la lèvre, craignant la foudre.

Elle voulait surtout être certaine que Jade ne s’embarquait pas pour une aventure sans lendemain et qu’elle ne souffre pas avec un collectionneur de chair fraîche. Son instinct lui disait qu’Antoine n’était pas ce type d’homme, mais elle était prudente. Jade, l’innocente, pouvait facilement se faire piéger, le passé l’avait prouvé.

J’adore te faire languir. Antoine est le nègre d’un romancier célèbre dont il ne m’a pas dit le nom. Pas pour l’instant, en tout cas... Il a un engagement moral avec ce type, ou est-ce une femme peut-être. Il arrive enfin au terme de ce qu’il s’était engagé à écrire pour lui ou elle. En dehors de ça, il écrit pour son compte et finalise un roman policier pour lequel il a déjà un éditeur.

Antoine continua son exploration, promenant ses lèvres sans hâte sur tout son corps. Elle était au supplice tant la sensualité d’Antoine la submergeait. Sans qu’elle le réalise vraiment, il avait ôté tous ses vêtements et ils étaient corps contre corps, peau contre peau. Ses mains, ses lèvres, sa langue, son corps qui glissait le long du sien dans une caresse sans fin, tout semblait d’une volupté infinie à Jade qui le laissa la prendre totalement, souhaitant que cela ne s’arrête jamais.

Plus facile à dire qu’à faire. L’homme est retors ; il se croit supérieur et ne pense pas un instant que rien ne peut lui résister ! Bon, écoute, pour ce qui est d’Antoine, je ne veux pas émettre d’hypothèses basées sur mes impressions, mais je crois que, comme moi, il est un peu écorché de la vie et ne veut pas se brûler les ailes en fonçant tête baissée dans une nouvelle histoire...

Chaque vêtement était prétexte à évocation : les travaux dans le jardin, la préparation des dîners de famille, les Noëls tous ensemble autour d’une magnifique table différente chaque année, préparée dans le plus grand secret...
À ce rythme, le tri allait durer des semaines... Heureusement, Antoine appela Blanche pour la visite du jardin. Viviane allait pouvoir se remettre à sa tâche sans prendre plus de retard.