Faut-il vraiment chercher à attribuer des origines aux Etrusques ? Un savant italien, Massimo Pallotino, a mis en garde contre la façon dont la question a été posée. Dans un livre publié en 1946, L'Origine degli Etruschi, il a souligné la place démesurée qu'a occupée le problème des origines dans l'étude ce ce peuple et, pour montrer les proportions exagérées prises par cette question, il a pris l'exemple des Français. Il est impossible de donner aux Français une origine : ce ne sont ni des Gaulois, ni des Germains, ni des Romains. Que le français soit une langue latine ne fait pas d'eux un peuple d'origine romaine et si le royaume de France se met en place à partir du royaume des Francs, cela ne veut pas dire que les Français sont d'origine franque, donc germanique. Ils sont le produit d'une histoire, de vagues de migrations, de courants culturels et de rapports sociaux. La question des origines n'est jamais posée non plus pour les Grecs ou pour les Romains. On sait bien que les Grecs n'ont pas une seule origine, mais qu'ils sont le résultat de multiples influences culturelles et de multiples apports humains et qu'il n'existe pas d'essence de la "grécité". Un Grec du VIe siècle av. J.-C. n'est pas un Grec du 1er siècle apr. J.-C. et un Athénien n'est pas un Spartiate. Chercher une origine à un peuple entraîne forcément un échec. Le problème des origines étrusques se présente dans les mêmes termes que pour les Français, les Grecs ou les Romains. Les Etrusques ne sont ni des Lydiens, ni des Pélasges, mais un mélange de populations indigènes et de migrations d'époques et de régions différentes à comprendre dans le cadre de l'Italie du 1er millénaire av. J.-C., plus précisément entre l'âge du bronze et l'âge du fer. Ce que nous appelons "étrusque" est une combinaison, à un moment donné, d'éléments indigènes et hétérogènes. La recherche d'une origine est vaine.
Le mystère des origines, p. 213-214
Autant les tombes de Cerveteri séduisent par leur simplicité, autant celles de Tarquinia émerveillent par leur sensualité. A Cerveteri, seuls l'architecture et le mobilier peuvent nous donner une image de la vie des Etrusques ; à Tarquinia, le visiteur a face à lui les Etrusques banquetant, jouant, dansant, dans une impression d'harmonie.
Ludi, le personnage de Duras, manifeste pourtant peu d'empressement à aller les voir : "Je n'ai pas trop envie de voyager en ce moment, dit-il, c'est dommage pour ces petits chevaux là, j'aurais bien aimé de vous les montrer. Quelquefois, les guides ils ne les montrent pas parce que la tombe elle est loin de la ville." Il insiste un peu plus loin : "Parce que les guides, ils sont paresseux, et ils ne vous montreront pas les petits chevaux. Si vous ne devez pas les voir, alors ce n'est pas la peine d'y aller."
Même s'ils se trouvent un peu à l'écart de la ville, il faut aller voir ces petits chevaux. Marguerite Duras ne les décrit pas ; elle clôt le livre par l'idée de cette autre vie, allègre et sensuelle, symbolisée par les petits chevaux. Ce sont ceux de la Tombe du Baron, qui fait partie avec près de six mille autres, de la Nécropole des Monterozzi, inscrite depuis 2004 sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité établie par l'Unesco.
Chapitre 9 - Les petits chevaux de Tarquinia, p. 281-282