Marie Lerouge

Max est un habitué du Lotus. Pourtant, il n'y est jamais venu avec Cassie. Non seulement elle n'appréciait pas la cuisine indienne, mais le restaurant n'était pas assez chic pour elle. Coiffé du traditionnel turban des hommes du Rajasthan, le patron les conduit à une table légèrement à l'écart que Max lui a indiquée. Là, ils seront tranquilles pour parler. Car il sait que l'heure des explications est venue.

— Tu préférerais que le loulou soit une fille ou un garçon ?
Ma question le trouble, comme la plupart de mes questions.
— Ça m’est égal, pourvu qu’il soit en bonne santé.
— Menteur ! Je suis certaine que tu préférerais un garçon juste pour le plaisir de regarder les matchs de foot à la télé avec lui en dégustant une bonne bière bio. Pas vrai ?
— Je te trouve sexiste, mon ange. Les filles aussi apprécient le foot.
— Peut-être, mais c’est seulement pour le plaisir de mater des beaux gosses en sueur. Et de toute façon, elles préfèrent le rugby, c’est plus viril.
— Tu es mieux placée que moi pour en juger. Et toi, mon poussin, si tu avais le choix, tu cocherais quelle case ?
— La case boy naturellement. Pas envie qu’une petite nana mette le foutoir dans mon dressing dès qu’elle sera capable d’en ouvrir la porte, et puis les filles sont tellement compliquées à l’adolescence.
Il sourit, avec une légère faille au fond de l’œil.
— Tu aurais peur qu’elle te ressemble, c’est ça ?

L'avion touche la piste, sursaute, patine. Agrippée aux accoudoirs du siège, je me dis qu'on fonce droit dans un mur et que ma dernière heure est arrivée. [...]
Assise à côté de moi, Oriane me tapote la main.
- Tout va bien, bichette ? Je te sens crispée.
Non, tout ne va pas bien. L'avion me terrorise, le noir m'angoisse, le froid me paralyse...
- Ca se voit tant que ça que je suis au bord de la crise de nerfs.
Ma meilleure amie éclate de rire.
- Détends-toi, tout va très bien se passer. Je te promets le Noël le plus extraordinaire de ta vie.
... et je suis allergique à Noël.
En résumé : nuit polaire + Noël = le combo parfait pour un désastre inévitable.

La lande s'étend à présent sous leurs yeux, teintée de mauve de la bruyère et du jaune des ajoncs. De sa coupe rase émergent par endroits des touffes de fougères. Ils cheminent côte à côte le long du sentier de randonnée qui borde la falaise. Spontanément, il lui a offert son bras, sans doute parce qu'il la sent fragile ce matin-là. Pour une fois, elle n'a pas refusé son appui.

_ Hé Violette ! Je t'offre un café ? l'interpelle au passage la gérante de l'Hôtel de la baie, un établissement sans prétention dont la terrasse est le point de ralliement des habitués de la station.
_ Non, merci, Marie-Paule. Pas le temps ce matin !
_ Tes Parisiens sont arrivés ?
_Hier.
_ Bon courage ! crie son amie.

Ce chien a dû être victime d’un choc émotionnel. Tout comme moi. Ce serait cruel de l’abandonner. Peut-être pourrait-on s’aider mutuellement à reprendre du poil de la bête ?
Ses besoins satisfaits, Snoopy entreprend de batifoler sur un carré de pelouse, traînant sa laisse derrière lui. Comme si, le temps d’une sortie, il mettait son chagrin entre parenthèses.

Même si je ne m’attendais pas à traverser un aquarium peuplé de poissons exotiques, j’aurais aimé ressentir quelques frissons. Hélas, mon chagrin d’amour a anesthésié mes émotions. Je me sens aussi froide qu’un poisson mort.

Quel plaisir puéril, à vingt-trois ans, d’interpréter le rôle de l’héroïne inconsolable et indolente, en restant affalée dans un transat au soleil sous le pommier du jardin, le chat des voisins à portée de caresses, un livre sur les genoux, dont je n’ai pas la force de tourner les pages.

Si elle avait une laisse sous la main, elle serait capable de me l’attacher au cou. Malgré mon envie d’aboyer, voire de mordre, pas question de m’imaginer en toutou à sa mémère. Surtout si la mémère arbore crânement une crête de punkette orangée et une collection de piercings dans les narines et les oreilles !

Devoir faire un choix me plonge systématiquement dans les affres de l’angoisse. Je suis la reine de l’indécision, jusqu’à laisser le hasard ou quelqu’un d’autre décider à ma place.

Les grands chiens me terrorisent. Avec ses yeux rouges et son allure de peluche innocente, Snoopy n’a rien du bouledogue ni du berger allemand, mais je me méfie tout autant des petits chiens.

La passion rend aveugle !

Ma sœur n’est pas du genre à lâcher facilement sa proie. L’ombre du soupçon recouvre ses traits. J’ai toujours pensé qu’elle ferait une excellente tragédienne.

Le travail de deuil, ça vaut aussi pour les cas de rupture, non ? ai-je envie de rugir. Mes lèvres – les traîtresses – esquissent un sourire. Une brèche dans laquelle elle s’engouffre pour porter la dernière estocade.

Je suis dotée d’une bonne mémoire et mes pensées sont souvent imagées. Par la grâce des vers de Rimbaud – mon poète préféré –, me voilà métamorphosée en grand lys. En fait d’ « onde calme et noire », je flotte sur un matelas défoncé auquel je m’accroche avec la rage du désespoir tandis que ma frangine Je suis dotée d’une bonne mémoire et mes pensées sont souvent imagées. Par la grâce des vers de Rimbaud – mon poète préféré –, me voilà métamorphosée en grand lys. En fait d’ « onde calme et noire », je flotte sur un matelas défoncé auquel je m’accroche avec la rage du désespoir...