MARION BERGERON ONPC 20/11/10
Même lorsque l'on décroche un CDD, on reste chômeur. Pour les précaires, le chômage est l'élément stable, celui qui finit toujours par revenir. Les périodes de travail ne sont plus que des exceptions.
Ou : en CDD chez Pôle Emploi ... le décor est planté entre les néons blancs et le carrelage orange...
Le témoignage d'un naufrage personnel et d'un système....
Le style est efficace, rythmé et surtout direct.
Ce n'est pas l'histoire de Marion chez les Bisounours : les situations sont décrites sans concession, d'où un récit très dur aux confins de l'absurde et de la précarité. Plus le récit se déroule, plus la narratrice s'enfonce et le lecteur avec elle, dans un couloir sans porte de sortie : quand on croit avoir atteint les limites de l'entendement se profile encore pire.
Dans les dernières pages, la boucle sera bouclée sans espoir d'un jour meilleur.
La pauvreté, ce n'est pas seulement lorsque vos parents ne peuvent pas financer vos études, c'est aussi lorsque, durant toute votre adolescence, on vous a fait comprendre que vous ne pouviez pas avoir de rêves, que vous ne pouviez pas avoir d'envies, que vous ne pouviez pas avoir d'ambition, qu'il n'y avait pour vous que la survie et la médiocrité. Vous ne vous battez pas, vous ne savez même pas que vous pouvez vous battre.
Ce travail me dévore un peu plus chaque jour. Il instille dans mes veines son poison de violence et d'angoisse. Je ne parviens pas à m'en détacher. Je ne parviens pas à étouffer ma fatigue et ma colère. Je les emporte chez moi. Chaque soir. Et elles se glissent sur le sol de la cuisine, derrière le meuble de la salle de bains, à l'intérieur de mon lit, sous mes draps , entre mon homme et moi.
Impossible de lancer un chaleureux " à bientôt" au demandeur qui vous salue. Il risquerait de croire que vous lui voulez du mal.
A ma gauche, un vieux monsieur noir fait ses photocopies. Il en a tout un paquet. Derrière lui, une femme maghrébine, à mi-chemin entre la prostituée et la SDF, trépigne. Elle se retient un instant. Puis pose ses papiers. Ajuste son collant. Agrippe le monsieur. Et lui hurle à le figure un chapelet d'injures racistes."Sale noir! Tu pues!"
Pôle Emploi devrait recruter des comédiens, ce serait plus simple.
Comment lui expliquer que le bain en question n'est pas rempli de pétales de roses et de mousse parfumée à la fraise, mais d'acide nitrique?