- Le temps qu’il m’a fallu pour faire cette galette ! Et, avec toi, la voilà engloutie avant qu’on ait dit ouf.
–Je la mange vite, reconnut-il, mais je me la rappellerai longtemps.
[à propos de l’ours]
– Pa, je ne t’ai pas dit. J’ai eu peur quand les chiens se jetaient sur lui. J’avais trop peur même pour courir.
– Je n’étais pas très fier non plus quand je me suis aperçu que je n’avais pas de fusil.
– Mais quand tu racontais ça aux Forrester, on aurait dit que nous étions très brave.
- C’est comme ça, petit, qu’on raconte les histoires.
Ce n'est pas voler, pour un animal. Un animal doit gagner sa vie, et il le fait à sa manière. Comme nous. C'est la nature de la panthère, et du loup, et de l'ours de tuer leur viande. Les bornes des provinces ne comptent pas pour eux, ni les barrières des hommes. Comment veux-tu qu'un animal sache que ce terrain est à moi et que et que je l'ai payé ? Comment veux-tu qu'un ours sache que j'ai besoin de mes cochons pour me nourrir ? Tout ce qu'il sait, lui, c'est qu'il a faim.
- Je voudrais que grand-mère soit ma grand-mère pour de vrai. Je voudrais qu'Oliver soit de notre famille.
- Bah, du moment que les gens se conduisent comme des parents, cela revient au même.
En déchiquetant la génisse, ils obéissent à la nature. Ils avaient faim. Les empoisonner, ça a quelque chose de pas naturel. Ce n'est pas combattre loyalement.
Ezra Baxter, si on te sortait le coeur, on verrait qu'il n'est pas en viande. C'set du beurre pur? Tu es abruti par l'épidémie, voilà ce que tu es. Laisse les bêtes sauvages tuer froidement ton bétail, et nous, mourir de faim. Non, non, tu es trop sensible pour leur faire mal au ventre.
Il se dit que le monde était un drôle d'endroit où vivre. Des choses s'y passaient qui n'avaient aucun sens et qui faisaient du mal, comme les ours et les panthères, mais sans l'excuse de la faim. Il n'approuvait pas cela.
[p289]
Ils rirent jusqu'à tomber par terre. Cela faisait du bien de se laisser aller à l'insouciance quand le monde avait été si longtemps gris et lourd.