Maryse Jaspard

Maryse Jaspard est sociodémographe et a dirigé la première enquête d'envergure sur les violences conjugales en France (l'enquête Enveff), en 2000. Oui, il a fallu attendre l'an 2000 pour que le sujet des violences faites aux femmes commence à intéresser les sciences humaines...et que le politique cherche à mesurer l'ampleur du phénomène. En comparaison avec les pays anglo-saxons (USA, Canada) cela représente un décalage de presque 20 ans.



Le présent ouvrage est une sorte de condensé des données recueillies par l'enquête Enveff et de celles (nombreuses) qui ont suivi entre 2000 et 2008 (EVS, CVS, CSVF, CSF), dans une sorte de "course au rattrapage". C'est donc un livre qui est assez technique (mais pas compliqué pour autant) et qui pourra apparaître rébarbatif à certains, mais qui s'avère, à mon avis, indispensable aux étudiants et aux professionnels qui travaillent sur ces questions.



L'approche y est, on l'aura compris, statistique et ce livre est un outil excellent pour donner à voir le phénomène mais, en toute humilité, ne fait qu'esquisser des modèles explicatifs et mettre en lumière les enjeux. En particulier il met en avant des facteurs discriminants :



-l'âge : plus on est jeune, plus on a de chances d'être victime de violences.



-la mobilité conjugale : plus on change régulièrement de partenaire, plus on a de chance d'être victime de violences.



-l'écart important, en défaveur de son conjoint, de capital social, culturel, professionnel et symbolique est un facteur aggravant.



-plus les femmes sont éloignées de l'emploi, plus elles encourent de risques d'être victime.



-l'histoire personnelle : le fait d'avoir subi des violences (ou d'en avoir été témoin) dans l'enfance est un facteur aggravant.



-les femmes des catégories sociales très défavorisées et très favorisées sont plus victimes que les femmes des classes moyennes.



-l'orientation sexuelle : les lesbiennes sont beaucoup plus victimes que les hétérosexuelles (en ce qui concerne les violences sexuelles).



L'auteur évoque également les violences sexuelles et le harcèlement au travail et met en lumière des effets cumulatifs. Souvent, les femmes victimes de violences conjugales souffrent également de ces autres formes de violences.

Enfin, Maryse Jaspard évoque aussi la conception française, au niveau pénale, des violences sexuelles, qui entretient une forte distinction entre viol (crime) et agressions sexuelles (délit), alors que les anglo-saxons ne font pas une telle distinction, les peines encourues, en cas d'agression ou de viol, étant les mêmes.



En résumé, cet ouvrage me semble être incontournable, pour qui s'intéresse sérieusement à la question. Maryse Jaspard n'est pas une militante féministe "radicale", elle pense sincèrement que, bien que lente, l'évolution entre une organisation sociale marquée par la domination des hommes sur les femmes vers une société égalitaire est en marche. Néanmoins, si l'époque du MLF semble bien lointaine à présent, elle regrette que les perceptions du grand public (et de certains chercheurs) aillent trop dans le sens d'une "psychologisation" de l'approche du phénomène des violences conjugales, au détriment d'une approche sociologique (et donc politique), entraînant un glissement dichotomique du rapport dominant / dominé vers celui d'auteur de violence / victime de violence.

Très intéressant, même si l'ouvrage n'offre qu'une vision générale des comportements sexuels contemporains et plutôt quantitative.

On peut se demander, en effet, si la démarche statistique est la plus adaptée pour décrire l'intimité (l'indicible ?) des comportements sexuels. Mais il est difficile de reprocher à Maryse Jaspard d'être socio-démographe, n'est-ce pas ?



L'auteur pointe d'ailleurs cet écueil et explique bien qu'il est nécessaire de compléter les études quantitatives, avec des études plus qualitatives (plus sociologiques, en somme). Dommage qu'elle n'y fasse pas davantage référence, les études les plus mises en avant étant l'étude CSF (Contexte de la Sexualité en France, 2005), ACSF (Analyse des Comportements Sexuels en Frances, 1993) et ACSJ (Analyse des Comportements Sexuels des Jeunes, 1993). On retrouvera néanmoins toutes les références dans la riches bibliographie, en fin d'ouvrage.



L'autre écueil de ces méthodes, soulevé par M. Jaspard, est leur rôle normatif. On est jamais vraiment très sûr, finalement, que les sondés répondent uniquement en fonction de leur vécu ou bien relativement à une norme, dont ils ont une idée (et dieux sait qu'en la matière, la norme ça compte), mais qu'ils contribueraient à fabriquer en répondant aux questionnaires. C'est un peu une sorte de chat de Schrodinger méthodologique ^_^



Pour autant, l'ensemble de ce "Sociologie des comportements sexuels" est passionnant à plus d'un titre et, pour qui cherche à étudier le sujet, indispensable je pense (certaines idée reçues ne résistent pas à l'épreuve des faits). La partie historique très développée (du Moyen-Age à nos jours) en fait un livre d'histoire, tout autant qu'un ouvrage de sociologie et donne à voir les progrès importants accomplis en matière d'émancipation féminine et d'égalité femmes-hommes, depuis dix siècles, et particulièrement depuis la fin du XIXème siècle. C'est déjà pas si mal, en ces temps où les médias en plutôt tendance à mettre l'accent sur ce qui reste à faire plutôt que sur ce qui a été fait (sans vouloir nier ce qu'il reste à faire, bien entendu. Disons que voir le verre à moitié plein, ça fait pas de mal, de temps en temps).



PS : On manque encore de données fiables sur l'impact du numérique sur la sexualité, le sujet est peu abordé, dans cette troisième édition (2017). Peut-être dans la quatrième ?

Ce livre remarquablement court a un titre explicite. Il traite d'abord d'un sujet que j'ai trouvé particulièrement intéressant: l'influence de la religion sur la conception et les pratiques sexuelles en Occident. Bien entendu, le catholicisme a essayé avec persévérance de "mettre de l'ordre" dans les moeurs des Européens. Les injonctions de l'Eglise ont été plus ou moins contraignantes au fil des siècles, mais elles ont toujours pesé. Par exemple, seule la position du missionnaire était jugée "chrétienne" et la recherche trop passionnée de la jouissance sexuelle était condamnée. Bien sûr, d'autres interdits ont été prononcés. Notamment: la sexualité hors du mariage n'était pas permise.

Il est impossible de savoir si les nombreuses exigences de l'Eglise ont réellement été suivies d'effet, dans l'intimité des couples mariés; on peut même en douter. Probablement, le fait massif a été la soumission absolue des épouses aux maris. Qui plus est, il apparait que le concubinage et l'adultère ont été courants au Moyen-Age, chez les seigneurs, les bourgeois et même… les clercs ! Quant à la prostitution, elle a été tolérée et jamais éradiquée.

La suite est beaucoup mieux connue. A l'époque moderne, il y a beaucoup d'amours ancillaires et de "grisettes" très peu farouches. Les relations sexuelles avant mariage se développent. Toutefois, après la première guerre mondiale, une loi interdit la contraception et l'avortement. Un mouvement marque les débuts de la liberté sexuelle assumée et même du féminisme, avec L. Blum, V. Margueritte, et plus tard S. de Beauvoir. La psychanalyse (Freud), les recherches anthropologiques (Malinowski, Mead), des idéologues (W. Reich) modifient le regard sur la sexualité. La sexologie apparait. Des enquêtes détaillées sur les comportements sexuels (Kinsey 1948, Masters et Johnson 1954) sont publiées. La suite, qui relève de l'histoire contemporaine, est encore mieux connue....

Je suis tombé sur ce livre par hasard, et je l'ai trouvé très intéressant. Il a le mérite de la concision et de la précision.