Mathieu Slama, essayiste, enseignant au Celsa, auteur du livre "Adieu la liberté" aux éditions Presses de la Cité, était l'invité d'André Bercoff.
La vitalité d’un régime démocratique se mesure bien davantage à
la manière dont les libertés s’expriment, à la manière dont les citoyens
exercent ces libertés, y compris face à des décisions politiques qu’ils jugent
illégitimes ou antidémocratiques. Autrement dit, la démocratie suppose la
possibilité de la désobéissance.
Résilience. Vulnérabilité. Responsabilité. Ces mots ont construit l’épidémie et la politique sanitaire. Ils ont été performatifs. Ils ont moralisé le débat public. Ils l’ont dépolitisé. Ils ont culpabilisé les citoyens. Et ils les ont enfermés. À la manière d’un endoctrinement religieux ou sectaire, nous avons été soumis à une propagande omniprésente et agressive, parfois insidieuse, qui a affaibli notre esprit critique et notre vigilance, et qui a accompagné notre conversion aux nouvelles règles du régime sanitaire.
L'oubli de la liberté va de pair avec l'habitude, qui nourrit cet oubli au point de nous faire avaler le venin de la servitude sans le trouver amer, comme l'écrit joliment La Boétie.
La crise sanitaire fut, d’une certaine manière, un moment capitalisto-communiste qui a réuni le pire des deux mondes : l’autoritarisme, la surveillance et la servitude.
La montée du conformisme, le déclin des libertés, l’émergence d’un contrôle social orchestré par la peur : ce que Deleuze appelle « organisation concertée des petites peurs » n’est pas seulement orchestré par le haut, par les États, mais par les citoyens eux-mêmes.
Un peuple qui se soumet à ce point conserve des séquelles dont il est, aujourd’hui, difficile de mesurer les pleines conséquences.
Les libertés par temps calme sont faciles à défendre. C’est en temps de crise, quand celles-ci sont mises à l’épreuve, que l’on mesure le véritable attachement d’un pays à ses valeurs.
réduire la démocratie au seul vote reviendrait à affirmer, pour
reprendre un mot de Rousseau, que le peuple n’est véritablement souverain
qu’un jour, celui de l’élection.