Maureen Callahan

L’Alaska est une terre qui dispense de véritables leçons d’humilité, c’est même là son principal attrait.

L'efficacité dont fait preuve Keyes dans sa gestion du temps est sidérante. Qu'il prenne la peine d'éteindre son téléphone et d'en retirer la batterie afin qu'il n'émette aucun signal est également quelque chose de nouveau pour l'équipe. Pour Kat Nelson, ces trous dans l'historique cellulaire de Keyes sont des pistes sérieuses: ils prouvent qu'à ce moment-là leur suspect était en train de passer à l'action.

En été, l'Alaska, et Anchorage en particulier, devient l'endroit le plus lumineux de la planète, un véritable parc à thème pour les familles de vacanciers qui souhaitent profiter d'activités de plein air pendant ses vingt-deux heures d'ensoleillement par jour. Ce n'est qu'à l'hiver, une fois les touristes repartis, que le masque tombe. La véritable nature d'Anchorage se révèle...son côté barbare. Les ténèbres et les dépravations s'acharnent à dévorer le moindre miette de lumière et de vie. À cette période, ce territoire semble perché au bord de la planète, et pas seulement en raison de son emplacement sur la carte. Non, au cours des six mois où il plonge dans un noir presque total, cet endroit oscille entre le monde réel et un abîme de phénomènes mystérieux.
Dans un tel isolement, tout est permis.

"L'ensemble de la psychologie criminelle et judiciaire demeure hanté par une question fondamentale: est-ce qu'on naît psychopathe ou est-ce qu'on le devient ? C'est un débat qui remonte à très longtemps, puisque Socrate lui-même était convaincu que les êtres humains n'étaient pas capables de faire le mal délibérément et que tout actes répréhensible était le fruit de l'ignorance ou de la folie.
(...)
Deux mille ans plus tard, nous ne sommes guère plus avancés: de tout temps, il a existé des personnes faisant le mal. Mais pourquoi ? et pour quelles raisons le font-elles ?"
p.250

L'ensemble de la psychologie criminelle et judiciaire demeure hanté par une question fondamentale : est-ce qu'on naît psychopathe ou est-ce qu'on le devient ? C'est un débat qui remonte à très longtemps, puisque Socrate lui-même était convaincu que les êtres humains n'étaient pas capables de faire le mal délibérément et que tout acte répréhensible était le fruit de l'ignorance ou de la folie.

L’homme dont il est question dans ce livre a chamboulé les convictions des agents du FBI eux-mêmes. C’était un monstre d’un nouveau genre. Un monstre qu’on soupçonne d’être responsable de la plus grande série de disparitions et de meurtres non élucidés de l’histoire américaine contemporaine. Pourtant, vous n’avez sûrement jamais entendu parler de lui.

Aventuriers ou misanthropes, romantiques ou hors- la-loi, excentriques ou candidats au suicide, les plus sauvages d'entre nous sont irrésistiblement attirés par son environnement à la fois brutal et somptueux. L' Alaska, le pays de la lune noire et du soleil de minuit.

Malgré l'ampleur de la tâche, les enquêteurs doivent désormais recouper toutes les disparitions de personnes aux États-Unis avec le calendrier de voyage de Keyes qu'ils ont établi. Quiconque s'étant volatilisé lors d'une absence de leur suspect devra être considéré comme une victime potentielle.

Comme l'a écrit Roy Hazelwood, il y a des gens qui violent et qui tuent parce qu'ils en retirent du plaisir.Et Roy avait raison, c'est exactement ce qu'explique Keyes: la première fois, il a découvert que rien ne provoquait chez lui une telle euphorie. Et comme certaines drogues, pour retrouver cette euphorie initiale, il n'a eu d'autres choix que de continuer l'escalade.

Tous les psychopathes ne sont pas des tueurs en série, mais tous les tueurs en série sont des psychopathes.

En disant : « Tu vas le regretter » ou « Je te ferai du mal » plutôt que « Je vais te tuer », les meurtriers les plus doués donnent de l’espoir à leurs victimes, ce qui leur permet de les garder sous contrôle. On est toujours plus docile quand on croit que tout va bien se terminer, à la fin.

Avec l'argent économisé par le couple (...), ils achètent 65 hectares au sommet d'une montagne à Colville, près d'un parc naturel, où ils vivront presque en autarcie dans l'ombre d'arbres gigantesques et de montagnes de près de 1500 mètres d'altitude. La nature sera leur forteresse. Pour la plupart de leurs enfants, elle sera plutôt une prison.

Quand Keyes enlève des gens, il est extrêmement sensible à leurs réactions primaires : la montée acide d'adrénaline dans les veines, le sang qui quitte le visage, les pupilles dilatées par la peur. Il en sent l'odeur dans leur sueur. Il aime faire durer ces réactions aussi longtemps que possible.

‘Keyes est unique et ne se soucie pas des meurtres crédités, contrairement à la plupart des autres tueurs en série qui se vantent de leurs actes. Cela rend beaucoup plus difficile de traiter avec lui ou de négocier avec lui. Il garde le contrôle. Il est le grand manipulateur et renverse constamment les rôles de ceux qui tentent de lui soutirer des informations. Tout ce qui l'intéresse, c'est quand ils l'exécuteront’.

C'était un monstre d'un nouveau genre. Un monstre qu'on soupçonne d'être responsable de la plus grande série de disparitions et de meurtres non élucidés de l'histoire américaine contemporaine.

Les psychopathes sadiques ont refoulé leurs émotions si profondément que seuls les actes les plus extrêmes peuvent provoquer un sentiment chez eux.

Chacon a pris sa retraite en juillet 2014 et, lors de son pot de départ, il a dit sur le ton de la plaisanterie que s'il y avait une chose qui ne lui manquerait pas, c'était de remonter des enfants morts du fond des eaux [...] Parfois, il songe que si sa femme et lui n'ont pas réussi à avoir d'enfants malgré des années de tentatives, malgré une armée de spécialistes incapables de trouver une solution, c'est pour ne jamais avoir à éprouver le chagrin d'un parent endeuillé.

"C'est dans l'excitation de la traque que ces gars-la trouvent leur raison de vivre, poursuit le profileur. Je suis sûr qu'elle est du même ordre que celle du lion à l'affût dans la savane."

C’est une jolie jeune femme voluptueuse, et lui est un grand type dégingandé au visage étroit affublé d’un gros nez, avec de petites lunettes cerclées de métal qui lui donnent un air de geek. Il lui dit que tout le monde l’appelle Iz. Il est blanc, elle est noire-amérindienne.
Pourtant, le courant passe bien entre eux.

Les plus grands profileurs criminels du FBI sont à court d’idées. Tout ce qu’ils peuvent dire à l’équipe chargée de l’affaire, c’est que Keyes est un des sujets les plus terrifiants qu’ils aient jamais rencontrés. Il n’existe pas de précédent pour un tueur en série usant de ce mode opératoire : pas de victime type, pas de lieu de prédilection pour la traque, le meurtre ou l’élimination des cadavres, cette habitude de mettre rapidement des milliers de kilomètres entre ses victimes et lui, des caches enterrées dans tout le pays… Et il se sert de ses voyages pour éviter de se faire repérer. De ses voyages ! Quand on pense à toutes les contraintes de ce genre de déplacement : la réservation des billets, la sécurité et les fouilles à l’aéroport, les vols retardés ou annulés, la paperasse à remplir pour louer une voiture, le souci de s’en remettre à des cartes papier pour se repérer – ni GPS ni Google Maps sur le téléphone. Puis il lui faut prendre une chambre d’hôtel ou dénicher un terrain de camping, demander son permis de chasse et de pêche dans les lieux qu’il visite… Et, bien sûr, réussir à trouver une ou des victimes (sans oublier d’aller déterrer une cache enfouie des mois ou des années plus tôt dans un endroit qu’il n’a gravé que dans sa mémoire) et se débarrasser des cadavres sans jamais laisser la moindre trace derrière lui. L’efficacité dont fait preuve Keyes dans sa gestion du temps est sidérante.