« Il était une fois la guerre », la bande-annonce. Un thriller psychologique de Estelle Tharreau.
Sébastien Braqui est soldat. Sa mission : assurer les convois logistiques. Au volant de son camion, il assiste aux mutations d'un pays et de sa guerre. Homme brisé par les horreurs vécues, il devra subir le rejet de ses compatriotes lorsque sonnera l'heure de la défaite.
C'est sa descente aux enfers et celle de sa famille que décide de raconter un reporter de guerre devenu son frère d'âme après les tragédies traversées « là-bas ».
Un thriller psychologique dur et bouleversant sur les traumatismes des soldats et les sacrifices de leurs familles, les grandes oubliées de la guerre.
« Toutes les morts ne pèsent pas de la même manière sur une conscience. »
Roman disponible le 3 novembre 2022 (papier & numérique).
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… elle m’a surtout dit que les criminels ne naissent pas ex nihilo. Que la société et chaque élément qui la compose ont leur part de responsabilité, grande ou petite. Que notre indifférence, nos négligences, qu’à chaque fois que nous détournons les yeux d’un enfant ou d’une personne en détresse, nous participons peut-être à la création d’une bombe en devenir.
La précarité, c’était cela aussi : ne pas avoir les moyens financiers de s’enfuir et de recommencer une nouvelle vie, ailleurs, loin de ses démons et de ses bourreaux.

– Hum… Tu vois un drame comme ça, ça peut arriver ici comme ailleurs ; un gosse qui déboule d’un coup, on peut pas toujours l’éviter. On fait pourtant gaffe. C’est pas faute de rappeler les consignes. Mais tu sais, quand je vois quelle ampleur ça a pris et à quelle vitesse ils ont organisé tout ce bordel, je me demande si ce gamin… Enfin, tu me comprends… T’es déjà venu ici. Tu sais que c’est pas comme chez nous la valeur d’une vie, même celle d’un gosse. Ils leur font poser des IED. Ils s’en servent comme bouclier. Putain, je peux pas m’empêcher de penser que ce gosse… De toute façon, on le saura jamais. On doute de tout ici. »
Il se tut et leurs regards se portèrent sur les écrans qui rediffusaient, pour la centième fois, le cercueil baladé dans les rues avec son cortège de femmes en pleurs.
« C’est la fin des martyrs glorieux. Place aux martyrs de l’émotion. Les droits de la guerre contre l’émoi planétaire. C’est plus rentable. »
La guerre est inhérente à la nature humaine. Quoi que l'on fasse, quelques soient les angles arrondis et les consciences policées, l'homme restera un grand primate.

Bonjour, monsieur McCoy. Je ne vous embêterai pas longtemps. Je voulais simplement être la première à vous annoncer que mon fils, Saul, pourrait être le premier condamné innocenté grâce aux tests ADN surtout depuis que plusieurs condamnations prononcées par Ellis ont été cassées. Vous avez tué un innocent. Je le sais parce que, cette nuit-là, mon fils était avec moi, même si jamais personne ne m’a crue lors du procès et que la police a dissimulé toutes les preuves à décharge. Je peux vous assurer que le résultat de ces tests innocentera Saul. Vous l’avez bel et bien assassiné.
– Je ne faisais qu’exécuter la loi.
– Non, vous n’avez fait qu’exécuter mon fils. Un gamin innocent.
– C’était mon premier condamné… Je… Je ne suis que le dernier maillon de la chaîne.
– Gardez vos arguments. On ne sait jamais, un jour peut-être, on jugera les gens comme vous. Du premier au dernier maillon de la chaîne. Un jour, c’est peut-être vous qu’on exécutera. Les temps changent.
Elle décacheta l'enveloppe.
Une seule photo. Elle ne comportait qu'une seule photo en noir et blanc, légèrement jaunie au fil du temps. De ces clichés d'après-guerre où les visages paraissent vaporeux. En pleine forêt, près d'une maison en bois, Rose, vêtue d'une robe et d'un tablier, coiffée d'un large foulard, tenait celle qui devait être Michelle lorsqu'elle n'avait que quelques mois.
Isabelle se rapprocha de David et chuchota :
« En plus, il nous colle tous les immigrés ! Bientôt, il va y avoir plus que ça ici !
– Pourtant ton père est né en Pologne ? » rétorqua David.
Elle se ravisa immédiatement.
« Mais je ne parlais pas de nous ! Enfin… Je ne parlais pas non plus des gens comme ta fille ! fit-elle, gênée. Y’en a certains qui sont bien !
– Pas de problème ! répliqua David, désabusé. De toute façon, la mère d’Annabelle n’est pas immigrée. Elle est française de souche puisqu’elle est antillaise. »
Cette évidence jeta un froid dans le salon.
L’apparente tranquillité familiale des Pelissier laissait place à des nuances de clair-obscur à mesure que les dépositions s’accumulaient.
– Et pour samedi ? fit Pascal dont la voix ne trahissait nullement la profonde inquiétude. On maintient l’annonce de ma candidature malgré tout ?
– On ne change rien ! Si l’on s’y prend bien, ce meurtre est une belle occasion d’illustrer le volet sécuritaire de notre programme. Avec la gentillesse de votre épouse, le lien de votre mère avec la mine et cet assassinat commis sous vos fenêtres, vous allez provoquer un mouvement de sympathie. Les électeurs doivent reconnaître en vous leur passé et leurs peurs. C’est notre stratégie depuis le départ ! Alors, exploitons cet événement du mieux possible. Tenez-moi au courant s’il y a du nouveau. Je vous transmets les éléments de langage pour la presse.

« Vous croyez au diable ?
– Qu’est-ce que vous me voulez à la fin ? » lançai-je paniquée.
J’étais partagée entre l’envie de crier pour appeler au secours et la nécessité de garder mon calme pour obliger ce salaud à trouver une autre partenaire que moi pour son petit jeu sadique. Sans sourciller, il insista :
« Je vous demande seulement si vous croyez au diable.
– Je ne crois même pas en Dieu !
– En Dieu je ne sais pas, mais au diable, vous devriez !
– À bon ! Et pourquoi ? Vous croyez être sa réincarnation parce que vous agressez les femmes seules dans les cafés ou sur les parkings ? »
Il se mit à rire et lâcha mon poignet. Je saisis l’occasion d’ouvrir la portière d’une main tremblante. Tandis que je me glissai sur le siège conducteur, il en profita pour bloquer la portière.
« Je ne suis la réincarnation de personne, mais un mal sournois gangrène ce village et il adore les jeunes filles comme votre gamine.
– Espèce d’ordure ! Si je te vois tourner autour de ma fille ou si je te croise à nouveau, j’appelle les flics ! T’as compris ?
– Les flics ? rigola-t-il. Qu’est-ce qu’ils ont bien pu faire pour Élodie Mollier, les flics ? »
J’étais tétanisée. Il s’en aperçut et me toisa menaçant.
« Pourtant, je l’avais prévenue elle aussi, susurra-t-il. Elle aussi se croyait protégée par tous les saints de Sauveur, mais elle aussi n’est jamais repartie de ce village. Alors, une dernière fois, prenez votre fille et tirez-vous d’ici avant qu’il ne soit trop tard ! »