Citations de Maurice Roche (36)
Extrait 2
Mnémopolis que tu pourras hanter sous ton crâne sera une ville seule
et obscure. Pas de rues pas de canaux nul labour alentour (çà ? – les
circonvolutions de ta cervelle), mais des vestiges auxquels tu tenteras
de te raccrocher : ce seront lambeaux de souvenirs (ou hallucinations ?)
et débris sonores te parvenant de l’extérieur en quelque sorte et n’évoquant
la plupart du temps strictement rien ; autant d’objets ou de fragments que
patiemment, et non sans hésitations, tu voudras lier les uns aux autres –
leur donner un sens en les raccordant –
dans l’espoir peut-être de retrouver cette fissure par où le soleil t’aura
pénétré de son ombre et l’oubli se sera insinué infiltré (et depuis quand ?),
la veille enrichissant ton sommeil, jusqu’à submerger ton esprit ;
pour, ce trou de mémoire éblouie, t’y faufiler, en quête d’abord d’un nom
(quel ?) dont tu épouserais les sinuosités… afin de faire corps avec la
calligraphie
puis t’assoupir enfin dans ce mot…
et dormir – reposer en paix – dormir le plus loin possible.
Extrait 1
Tu seras là, sur un lit – dans une chambre sans doute.
Les yeux écarquillés tu scruteras ce désert sombre à et
l’espace s’élargissant te permettra-t-il d’aller si loin en-
core que tu ne puisses jamais revenir à toi ?
Extrait 5
Tu te pelotonneras …
… en chien de fusil (aux aguets ?)…
Alors cette nuit ouverte, tu l’abandonneras pour une nuit fermée :
doucement – tu la rapprocheras de toi, tu l’attireras à toi – tu baisseras les paupières pour la réduire à une petite nuit qui t’appartienne (où tu te réfugieras espérant retrouver la mémoire de
, et la trace d’un songe qui vint troubler l’ombre sans fin…). Les yeux clos tu t’obstineras à resserrer l’obscurité ; de toutes tes forces, ton front dans tes mains les paumes appliquées en ventouse sur tes orbites…
… provoquer une lueur entoptique, quelque déchirure : point de fuite dans la ténèbre. Tout ton être concentré, ramassé dans ce geste, tu comprimeras tes yeux et ainsi On se réveille –
Extrait 4
Sans faire un geste, ta mâchoire restant calée contre ta poitrine, tu reprendras lentement ton souffle : ta respiration d’abord précipitée se fera régulière.
Désert, ton regard. Tout un passé inexprimable à présent. Tu attendras les yeux béants, vides, sur cette absence… (comment savoir si quelqu’un si personne dans cette chambre de plus en plus vaste ? auras-tu peur d’être seul ?)
Tu tourneras
lentement la tête
à gauche à droite avant de laisser aller ta nuque sur l’oreiller humide ; le contact glacé de la taie te feras frissonner. Tu toucheras ton visage, tu le palperas lentement
(une présence çà !) ; et cet objet (quel ?) que – ayant tendu le bras – tu déplaceras sur la tablette à la droite du lit, sans rien changer au paysage nocturne.
Extrait 2
Mnémopolis que tu pourras hanter sous ton crâne sera une ville seule et obscure. Pas de rues pas de canaux nul labour alentour (çà ? – les circonvolutions de ta cervelle), mais des vestiges auxquels tu tenteras de te raccrocher : ce seront lambeaux de souvenirs (ou hallucinations ?) et débris sonores te parvenant de l’extérieur en quelque sorte et n’évoquant la plupart du temps strictement rien ; autant d’objets ou de fragments que patiemment, et non sans hésitations, tu voudras lier les uns aux autres –
leur donner un sens en les raccordant –
dans l’espoir peut-être de retrouver cette fissure par où le soleil t’aura pénétré de son ombre et l’oubli se sera insinué infiltré (et depuis quand ?), la veille enrichissant ton sommeil, jusqu’à submerger ton esprit ;
pour, ce trou de mémoire éblouie, t’y faufiler, en quête d’abord d’un nom
(quel ?) dont tu épouserais les sinuosités… afin de faire corps avec la calligraphie
puis t’assoupir enfin dans ce mot…
et dormir – reposer en paix – dormir le plus loin possible.
Extrait 3
Mais tu ne dormiras pas.
T’aidant des coudes et des avant-bras avec peine – sentiras-tu ces craquements à tes articulations, et les entendras-tu comme aussi les grincements du sommier ? – tu te mettras (en t’efforçant de faire pivoter ton buste) sur ton séant ; rejetant les jambes hors des couvertures, tu amorceras en même temps un mouvement rotatif vers la droite, au terme de quoi tu devrais te retrouver assis sur le bord du lit. Mais malgré
tes efforts tu n’y parviendra pas.
Après une seconde tentative, puis une troisième – ayant légèrement basculé, tu retomberas en arrière et resteras à demi allongé, en équilibre sur les coudes, les mains crispées sur les draps, les jambes un peu repliées, haletant…
Tu perdras le sommeil au fur que tu perdras la vue.
Tandis que tu pénétreras la nuit, tu pénétreras dans la nuit de plus en plus profonde ; ta mémoire, labile déjà, s’amenuisant à mesure que au sortir d’une longue léthargie tu prendras conscience de ton état.
(Comment désormais faire le départ du jour et de la nuit ?)
3
On avait donné mes jouets j'en avais si peu
p.27
3
— On s'imagine que…
— Quoi ?
— Rien. On s'imagine. C'est tout…
p.25
3
Apprendre à regarder les choses pour la der-
nière fois — jusqu'à ne plus les reconnaître.
p.24
3
Tu veux faire de la musique, alors dis-toi,
pour te rassurer, que s'il n'y avait pas de fausses
notes, il n'y en aurait pas de vraies.
De toute façon, les fausses notes sont là pour
être jouées…
p.24
3
Dieu écrit avec des lignes tordues.
p.24
3
Réflexions, sentences et adages du père
Tout est faux et c'est tant mieux.
p.23
3
Réflexions, sentences et adages du père
Tu verras : la vieillesse c'est foudroyant. ça
n'arrive pas petit à petit, mais par rafales. Un
matin on se réveille gâteux, ou dans le meilleurs
des cas, mort.
p.23
3
Réflexions, sentences et adages du père
Quand on cherche ses lunettes, on finit par
trouver autre chose… tiens ! Une phrase —
celle-ci par exemple.
p.23
3
Réflexions, sentences et adages du père
Ce n'est pas loin d'être loin — ça se rap-
proche. Si Dieu me prête vie, je m'en sou-
viendrai jusqu'à ma mort.
p.23